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Désignation des personnes handicapées: Des appellations à bannir

Société
Les langages déformés désignant les personnes handicapées ne sont pas indiqués Les langages déformés désignant les personnes handicapées ne sont pas indiqués

Pour désigner les personnes handicapées, il est indiqué de bannir certaines appellations du vocabulaire usuel afin de ne pas en imposer davantage à leur état psychologique. Ces différents jargons créés par l’imagination sociale sont des clichés supplémentaires. 

Par   Par Maryse ASSOGBADJO, le 11 juil. 2023 à 08h43 Durée 5 min.
#Handicapés
Le vocabulaire du citoyen lambda est souvent garni lorsqu’il s’agit de désigner les personnes handicapées au Bénin. La plupart du temps, les expressions varient en fonction de l’inspiration de chacun. Au nombre de ces appellations courantes qui émergent et qui entretiennent la confusion dans l’esprit de la société, on peut en énumérer sept : ‘’personnes en situation de handicap’’, ‘’personnes porteuses de handicap’’, ‘’personnes vivant avec un handicap’’, ‘’handicapés’’, ‘’les invalides’’ ou ‘’les gens anormaux’’ ou encore l’appellation des ‘’personnes handicapées’’ (avec la fausse liaison).
Aussi usuelles ou simples qu’elles puissent paraître aux yeux de certains, elles en rajoutent, hélas, à la vulnérabilité des personnes handicapées. Là-dessus, Nassirou Domingo, président de la Fédération des associations de personnes handicapées du Bénin, ne s’en cache pas. Il se lance dans un exercice de clarification de concepts pour mettre fin à l’amalgame. 
« Quand on dit ‘’personnes en situation de handicap’’, on fait appel à une situation éphémère et donc réversible. Tout le monde peut se retrouver dans une situation de handicap du jour au lendemain », clarifie-t-il. Le handicap est situationnel et on peut l’évoquer en fonction des situations. Nassirou Domingo essaie d’étayer ce premier point par des exemples. « La situation de handicap est désigné par rapport à une victime d’accident dont la situation peut être temporaire ». Il tente de ramener le cliché d’un établissement scolaire pour mieux se faire comprendre. « Quand on dit qu’une institutrice est en situation de classe, est-ce à dire qu’elle demeure dans la classe à tout moment ? Non, elle y est pour un temps », rectifie-t-il. 
Aussi rebutante qu’elle soit, la terminologie ‘’personnes vivant avec un handicap’’ est un parallèle qui a été fait avec les ‘’personnes vivant avec le Vih’’, nuance-t-il avant d’ironiser : 
« Je me demande comment nous allons  appeler les personnes handicapées, porteuses du Vih…. Allons-nous les appeler personne vivant avec le handicap et vivant avec le Vih ? ». 
« Ce n’est pas bien de faire ce parallèle avec les personnes handicapées », s’offusque-t-il.
La terminologie ‘’Les personnes porteuses de handicap’’ n’est pas non plus de son goût. « On nous désigne ainsi comme si nous portons le handicap sur la tête », dit-il. 
Dans une phrase ou lors d’une discussion, il ne faut jamais opter pour le raccourci ‘’handicapés’’, au risque de susciter la colère et l’indignation des personnes handicapées. Elles ne l’admettent pas. Désigner quelqu’un comme handicapé est péjoratif. Les appeler ainsi tout en faisant aussi la liaison ne l’est pas moins. 
« Ces terminologies enlèvent aux personnes concernées toute leur humanité. Nous ne saurions être des obstacles pour les autres. Nous désigner comme des obstacles pour les autres nous est difficile à accepter », fait savoir le président de la Fédération des associations de personnes handicapées du Bénin.  
Les appellations, ‘’gens anormaux’’ ou ‘’les invalides’’ sont celles qui lui fendent le plus le cœur. « Nous vivons tous dans la même société, mais on nous désigne allègrement comme des incapables. Je ne vois pas en quoi les autres sont plus valides que nous, encore que les personnes handicapées peuvent mieux exceller que les autres (ndlr : dans certains domaines). L’injustice, c’est le fait de nous regarder avec des préjugés en limitant nos potentialités », rétorque-t-il.  

La formule consacrée

Pourtant, la bonne formule désignant la couche ne s’encombre pas de mots. « Quand on dit ‘’personnes handicapées’’, c’est la formule consacrée par la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. Avant d’être des personnes handicapées, nous sommes d’abord des êtres humains. C’est la reconnaissance de notre humanité qui nous confère l’appellation ‘’personnes handicapées’’ par l’Onu », précise-t-il. 
L’article premier de ladite convention entend par personnes handicapées celles qui présentent « des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l'interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l'égalité avec les autres».
Ce qui veut dire qu’une ‘’personne handicapée’’ ne devient pas une ‘’personne non handicapée’’ avec le temps. « C’est une situation très durable. Quelles que soient les prières ou les formules spirituelles, ou encore les thérapies médicales, on ne s’en remet pas, lorsqu’on est une personne handicapée », souligne-t-il. 
Au fond, les différents langages déformés créent la confusion et ne contribuent pas à l’inclusion sociale des personnes handicapées, chantier cher au gouvernement ■