La Nation Bénin...
Dans
ce numéro de la rubrique ‘‘Conseils avisés’’, Jérémie Orou, psychoclinicien,
nous éclaire sur l’impact profond de la religion sur la santé mentale, ses bénéfices
mais aussi ses limites. Il explique comment la spiritualité et la
psychothérapie interagissent dans la gestion du bien-être émotionnel et la
prévention de certains troubles psychologiques.
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Les croyances aident à gérer le stress, il est possible que ce que nous faisons comme pratiques religieuses puisse nous aider à gérer le stress. Lorsque vous traversez une situation stressante et allez prier, vous sentez un soulagement. Vous sentez une certaine satisfaction qui permet de diminuer le stress. D'ailleurs, une étude récente du Docteur Frédéric Salman dans son livre « La santé devant soi : le secret du Millénaire qui va changer votre vie » qu'il a publié aux éditions Robert de la Fronde, montre que ceux qui pratiquent une religion vivent 7 ans plus que les autres personnes. Il y avait déjà aux États-Unis, une étude qui a montré que ceux qui ont la plus grande longévité, ce sont les personnes qui tournent tout à la dérision, notamment les comédiens, les humoristes et après eux, les pasteurs et les prêtres.
Lorsque nous traversons une situation traumatisante, nous faisons ce qu'on appelle une combinaison d'émotion, la peur et la colère, le découragement et la peur, la tristesse et la désolation etc., et ces combinaisons sont une somme nocive pour la santé humaine. Mais lorsque nous sommes exposés aux prières, on se dit que Dieu est au contrôle. Ce qui réduit les émotions négatives et nous amène à un autre type d'émotion : l’espoir, le soulagement, le réconfort.
Lorsque nous traversons une situation difficile, on peut s’isoler, s'éloigner des autres. Quand les pratiques religieuses ont cours, nous sentons l'espoir et cela nous éloigne de la dépression. Mais parfois, la religion est cause de dépression. Par exemple, un prophète désigne un de vos enfants comme étant un sorcier. L’effet est que tous les autres enfants s’en méfient et l'enfant ‘‘sorcier’’ va se retirer aussi. Il aura des difficultés d'interaction et va s'enfermer.
La religion peut être un facteur d'aggravation des troubles mentaux quand on ne fait pas la distinction entre un problème spirituel et un problème psychologique. Lorsque la cause d'un problème est psychologique, il faut que la solution soit psychologique. Vouloir lui donner une solution spirituelle peut aggraver le cas. Lors d’une conférence, je parlais des personnes qui portent les stigmates d'une éducation monoparentale. Vous avez beau prier, chasser des mauvais esprits, vouloir les délivrer, ce n’est rien de spirituel. C'est leur parcours, leur passé qui produit ce fruit. Il faut donc comprendre et savoir comment vivre avec cette catégorie de personnes. Il ne faut pas les enfoncer dans la religion qui ne risquera que d’aggraver la situation.
A priori, on n’intègre pas la religion dans notre prise en charge. La psychothérapie est différente de la religion. Chaque patient est reçu dans le respect de son obédience religieuse. En psychothérapie clinique, il y a la thérapie du dialogue de l'âme avec elle-même. C’est une pratique qui ressemble à la prière, c'est un moment de concentration où on est seul et on parle… A la différence que la prière est adressée à un être suprême alors que le dialogue de l'âme avec elle-même est adressée à la personne, à l'âme de la personne elle-même. Donc dans la forme, ça se ressemble et les personnes qui étaient habituées à des pratiques de prière vont l'intégrer plus facilement.
Les pratiques religieuses pourraient avoir des effets mesurables sur le cerveau. Juste que pour les mesurer, il faut collaborer avec le monde scientifique. Par exemple, lorsque vous traversez une situation stressante, après une séance de prière, vous retournez chez vous satisfait, apaisé et une personne satisfaite et apaisée ne secrète pas de l'adrénaline. Si on peut faire un prélèvement sanguin dans un laboratoire où on peut doser les hormones par exemple, on verra que le taux d'adrénaline est très bas et ce sont plutôt les hormones du bien-être, du bonheur qui sont très élevés. Ce sont les seules mesures qu'on peut faire puisque, de toutes les façons, les hormones du bien-être, du bonheur et de l'affection sont produites par des glandes au niveau du cerveau notamment la glande pituitaire.
La première limite, c’est de savoir que la religion et la psychologie sont différentes. Il faut faire la part des choses. La deuxième chose, chaque acteur doit identifier correctement la situation à laquelle il fait face. Est-ce d'origine spirituelle avec des retentissements au niveau du psychisme, ou d'origine psychique ? On peut toujours traiter les retentissements au niveau du psychisme mais il faut aller chercher la cause quelque part au niveau spirituel et vice versa. Je pense que ce qui est important, c'est de savoir que ces deux choses sont différentes et de faire la part des choses et tout ira de droit■