La Nation Bénin...
« Le cortège des masques ivres » est une exposition collective d’œuvres d’art, qui réunit quatre artistes de la scène contemporaine béninoise émergente, du 8 avril au 29 mai prochain, à Cotonou.
L’exposition « Le cortège des masques ivres » questionne le bonheur et interroge sur les raisons pour lesquelles les hommes portent des masques en marchant. Elle regroupe quatre artistes émergents de la scène contemporaine béninoise, à savoir, Philippe Hachémè, Eric Mededa, Franck Zannou et Mahoussi Ahodoto avec une vingtaine d’œuvres en grand et petit formats. « Ce projet porte en lui les tares des actes manqués, des gestes déifiés, des ombres qui restent à venir, à revenir, et des legs faits rois», renseigne la galerie Zato by Interluxe qui abrite l’événement du 8 avril au 29 mai prochain.
L’exposition se déroule en deux parties. La première est au rez-de-chaussée et la seconde, à l’étage. Dans la première partie appelée « L’ivresse des dieux», Philippe Hacheme et Mahoussi Ahodoto sont en dialogue permenant. Les œuvres de
Philippe Hachémè tournent autour des mythes, des légendes et des divinités qui se croisent, s’entrecroisent et se métissent pour donner lieu à une nouvelle forme de narratif. Par exemple, l’un des tableaux qu’il a installés fait voir la représentation du dieu de la foudre (Hêviosso). « C’est aussi le dieu vengeur. Il est assis, vautré dans son fauteuil, en train de recevoir les prières de ses dévots. Mon objectif, c’est qu’on puisse, dès qu’on dit le nom, avoir une image de nos dieux (divinité). Ensuite, ils ne sont pas représentés sous la forme humanoïde, ils sont très abstraits. Ce n’est pas comme dans d’autres religions où on a des représentations », explique l’artiste. Pour son travail, Philippe Hachémè collecte les informations de couvent en couvent. Il peint en considérant uniquement les informations auxquelles le public a droit. « Donc, je présente ce à quoi il pourrait ressembler et en même temps, je le remets à la place morale qui lui est due », ajoute-t-il.
Mahoussi Ahodoto quant à lui, évoque la place de l’homme dans la société. Ses créations sont faites de chaises minuscules qui sont disposées normalement et d’autres qui sont renversées, et l’ensemble forme une sorte de grande clé. « Quand vous regardez mes créations, vous allez voir des chaises mais pour moi ce ne sont pas des chaises. Ce sont des personnages. Je nous remplace par des chaises pour dire tout simplement que chacun de nous a une place dans la société mais qu’on ne doit pas oublier que cette place est éphémère», souligne Mahoussi Ahodoto. Son œuvre a la forme d’une clé. Pour lui, tout être humain a besoin d’une clé pour évoluer, réaliser des projets, etc. « La tête de la clé représente notre monde actuel et les chaises normales et renversées sont les humains. C’est pour dire tout simplement que l’union fait la force. Si on essaye de se mettre ensemble, on peut créer une clé qui nous permettra d’aller là où l’on souhaite. C’est un peu ma démarche artistique… », détaille l’artiste.
Ainsi, dans la première partie de l’exposition, Philippe Hachémè et Mahoussi Ahodoto se côtoient, se font face et suscitent interrogations. « C’est un dialogue dans lequel on a voulu que les dieux soient en train d’être déchus. On a voulu que leurs sièges soient renversés. Quand l’ivresse commence, on ne sait plus trop ce qui se passe. Ce sont les prières des humains qui rendent les dieux ivres et quand ils deviennent ivres, le pouvoir n’est plus stable, le pouvoir peut être déchu et la place peut se mouvoir. C’est un peu la logique dans laquelle la partie 1 de l’exposition s’inscrit », explique Steven Coffi Adjaï, l’un des commissaires de l’exposition.
« L’ivresse des hommes »
La seconde partie de l’exposition est à l’étage. Elle est dénommée « L’ivresse des hommes ». Cela place les hommes à un niveau supérieur, contrairement à la réalité. « C’est un renversement des choses. C’est comme le Paradis qui se retrouve en bas et la terre se retrouve dans les cieux. Ici, la plupart des œuvres parlent du désir qui anime les êtres humains et ce que ce désir peut entrainer comme conséquences », informe Steven Coffi Adjaï. Cette partie supérieure est animée par Mahoussi Ahodoto, Franck Zannou et Eric Mededa. Ce dernier présente la série «Corps et mouvements ».
« C’est pour ressortir ce côté de transe que nous avons en tant que créateur dans nos ateliers… Et quand nous finissons de créer, c’est au public de lire selon ses émotions, son vécu, son environnement de chaque jour. Si je me suis permis corps et mouvement, c’est pour changer un peu cette idée selon laquelle si tu es plasticien et que tu ne fumes pas, tu ne bois pas, tu ne pourras pas créer. C’est faux. Tu auras beau fumer, si tu n’as rien dans la tête, ça se fera sentir sur la toile. Donc, corps et mouvements pour dire qu’on s’appartienne ou non, comme un bon adepte, on se lance dans la création sous la guidance de la muse et on crée…», soutient Eric Mededa.
Dans sa démarche artistique, il aborde tout ce qui a rapport avec l’humain ; l’histoire de l’humain qui révèle l’humain de par le monde. « Alors, est-ce que le mouvement d’aujourd’hui que tu fais te révèle? Est-ce que tu as appréhendé vraiment ta vraie histoire pour pouvoir faire ce mouvement ? Quand X ou Y pose un acte il faut qu’on fasse une remise en cause pour comprendre les tenants et les aboutissants. Pourquoi celui qui sourit tous les jours renfrogne aujourd’hui la mine ? Pourquoi ce mouvement au lieu de
l’autre? …». Des questions que pose Eric Mededa en expliquant qu’il s’agit d’une réflexion qu’il lance pour inviter chacun à aller au plus profond de lui pour révéler qui il est. La problématique qu’aborde Franck Zannou tourne autour de la danse comme une forme de transcendance.