La Nation Bénin...
Le
Bénin trouve à travers certaines figures emblématiques de son histoire, des
modèles inspirants pour les générations actuelle et futures. Une reconquête
identitaire prend racine depuis quelques années. Le passé, pourrait-on dire,
tend la main au présent pour le bonheur du futur.
Fin
juillet 2022. Le Bénin dans la fièvre de la célébration de sa fête nationale
inaugure la deuxième plus grande statue du continent africain : la statue
de l’amazone avec ses 30 mètres de haut. Symbole de fierté, mais aussi moment
de célébration de ces héroïnes d’une autre époque dont l’engagement et la
détermination inspirent les générations présentes et à venir, la statue de
l’amazone a été érigée dans un contexte national faite entre autres de quête
d’identité. Pour ces braves guerrières d’antan, le Danxomê passait avant tout,
y compris leur vie. Ce qu’il faut retenir de cette statue, selon le président
de la République, Patrice Talon, « c’est le serment, la combativité et le
sacrifice suprême dont ces femmes ont été capables pour défendre la
patrie ». Ce qui importe, disait-il à l’inauguration, « c’est que sur
la terre du Bénin, les mots courage, bravoure, force, combativité et honneur ne
sont pas exclusifs au genre masculin. Au Bénin, autant que les hommes, des
femmes se sont distinguées par ces valeurs et ont brisé le mythe du sexe
faible. Par leur existence sur la terre du Bénin, elles ont imprégné de ces valeurs,
toutes les femmes ayant une descendance béninoise», avait aussi indiqué le
président à l’inauguration. « En hommage à elles, à ces femmes, à ces
amazones, cette statue sera à nos yeux et à ceux de nos visiteurs, le symbole
de la femme béninoise, celle d’aujourd’hui et celle de demain », a réitéré
le président du Bénin. « Il est temps de nous découvrir nous-mêmes, de
découvrir et de valoriser ce qui est grand en nous ». Pour le Chef de
l’État, il est nécessaire de « nous débarrasser du faux complexe qui nous
isole, nous divise » pour enfin « nous révéler à nous-mêmes, puis de révéler
aux autres ce que nous avons de bien et de grand ».
Depuis
lors, deux grandes figures féminines de l’histoire des peuples d’antan ont
trouvé une nouvelle vie. La première, Tata Adjatchê. C’est l’ancien journaliste
et passionné d’histoire, Tiburce Adagbè qui lui consacre une bande dessinée.
« Le projet de cette Bd est venu dans la foulée de l’érection de la statue
de l’amazone. Je suis un passionné d’histoire, quel que soit le type. Nous
avons de quoi enseigner nos enfants et le monde. Quand le gouvernement a décidé
de faire la statue de l’amazone, j’étais très excité », confiait-il dans
un entretien. Les recherches qu’il a entreprises en marge de la réalisation de
son œuvre lui ont permis de découvrir bien plus qu’il n’en savait lui-même sur
ce personnage. « Je me suis rendu compte que Tata Adjatchê n’était pas
d’Abomey, mais qu’elle est Holli, qu’elle est venue à Abomey comme la plupart
de ses sœurs d’armes, qu’elle a été éduquée comme une amazone, qu’elle a épousé
la culture du Danhomey et qu’elle s’est révélée une amazone redoutable, digne
de confiance », expliquait à l’occasion l’auteur. Ce qu’a de très
fascinant son histoire, c’est que « sur le champ de bataille, elle a pu
réaliser un exploit militaire qui a décidé le roi à avoir une relation
interdite avec elle, une grosse romance ». En effet, quand elle fait la
promesse à son roi de revenir du champ de bataille avec la tête d’un adversaire
qu’elle aurait tué sans arme, avec ses deux mains, elle le réalise. Dans la
tradition militaire à l’époque, il fallait une promesse avant d’aller à la
guerre. Soit vous l’honorez et vous êtes récompensé, soit vous ne l’honorez
pas, et vous êtes puni. « Tata Adjatchê a fait la promesse sans être une
grande amazone et au retour elle honore la promesse et le roi la
récompense ». Son histoire de vie autant que sa romance avec le roi
l’entraineront dans une suite d’évènements non moins douloureux, mais à chaque
fois, elle se révèle, brave, digne. Sa témérité et sa bravoure ont fait d’elle
l’héroïne qu’elle est devenue et à qui, Tiburce Adagbè prête son intelligence
et sa plume à travers son œuvre.
D’une
héroïne à une autre
Tata Adjatchê n’est pas la seule héroïne de l’histoire dépoussiérée ces derniers jours. Tassi Hangbé y est passée aussi. « Tassi Hangbé l’amazone reine du Danxomè », c’est le titre de cette autre bande dessinée consacrée à la seule femme qui a dirigé le royaume de Danhomey. On doit l’ouvrage à Mèdessè Nathalie Sagbo. Cette bande dessinée, bien plus qu’un simple récit, replonge le lecteur dans l’histoire de la reine avec des messages de transmission, de résistance et d’identité culturelle. « En explorant son parcours, j’ai voulu mettre en lumière la place centrale des femmes dans l’histoire, une place trop souvent oubliée », avait déclaré l’auteure au lancement, il y a quelques jours. « Nous vivons à une époque où il est essentiel de redonner de la visibilité à ces figures inspirantes, de montrer que les femmes ont toujours joué un rôle central dans l’histoire de nos civilisations, qu’elles ont toujours été des leaders, des bâtisseuses d’empires, des protectrices de leur culture », indique-t-elle. Son histoire, dit-elle, méritait d’être connue, parce que « nous avons besoin de modèles qui nous ressemblent et qui nous inspirent ».
Pour le ministre en charge de la Culture, Jean Michel Abimbola, le choix de la bande dessinée, un des genres littéraires les plus populaires, alliant textes et images pour offrir des expériences immersives qui captivent aussi bien les jeunes que les moins jeunes, vient à propos. La reine éponyme de l’ouvrage est une femme de courage, visionnaire et symbole intemporel de résilience et de leadership féminin. Elle incarne un pan essentiel de notre patrimoine historique et culturel, retient-il. Ce livre, dira-t-il alors, est « un voyage dans le temps, au cœur des valeurs et des récits qui continuent de forger notre identité collective ». Pour lui, Tassi Hangbé est une figure historique. A elle revient la création de la première unité féminine de l’armée, ancêtre des célèbres Agodjié, les légendaires amazones. L’œuvre s’analyse comme un travail artistique qui met en lumière le courage, la ténacité et la vision de Tassi Hangbé, mais aussi les transitions et la vie dans la cité royale d’Abomey, tout en soulignant l’importance de revisiter nos récits historiques pour réaffirmer notre identité culturelle.