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Poulets congelés: Pourquoi interdire l'importation de cette denrée ?

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La décision d’interdire l’importation des produits congelés réjouit de nombreux acteurs qui y voient une opportunité de développer la filière avicole au Bénin.

Par   Fulbert ADJIMEHOSSOU, le 26 avr. 2023 à 06h40 Durée 5 min.

Patrice Sagbo n'a pas encore vu le décret d'interdiction d'importation des produits de volaille au Bénin, mais ce spécialiste en santé et production animales, activiste de la protection de la biodiversité, se réjouit de la mesure envisagée. « Enfin, mieux vaut tard que jamais», confie-t-il dans l'attente d’un acte officiel.
En effet, lors de sa tournée d'échanges avec les producteurs agricoles, Gaston Dossouhoui, ministre de l'Agriculture, de l'Elevage et de la Pêche, a soufflé aux producteurs qu'à partir du 31 décembre 2024, « plus aucun œuf ni poulet congelé ne pourra être importé au Bénin ». Une mesure qui, mise en œuvre, fera des heureux dans les rangs des producteurs locaux. « Nous menons cette lutte depuis plus de vingt ans, car si nous ne prenons pas cette mesure, les producteurs locaux ne seront pas protégés », déclare Patrice Sagbo.

Concurrence (hyper) déloyale

Une publication datant de 2021 du Centre pour le développement rural de Berlin note que les poulets importés concurrencent en partie le poulet produit au Bénin. « Cette concurrence est faible entre la viande produite traditionnellement et la viande importée, alors qu'elle est prononcée entre la viande de poulet produite de façon moderne et la viande importée », conclut la publication. Cela indique un potentiel de substitution des produits nationaux par des produits importés et des risques de voir le secteur avicole béninois inhibé dans son développement par ces produits.
Dr Vital Tchibozo, ingénieur agronome, zootechnicien spécialisé dans le management des ressources et en nutrition, soutient également la thèse de la concurrence déloyale. « C'est une concurrence hyper déloyale. Ces poulets sont réformés et n'ont plus de valeur marchande dans les pays d'où ils sont importés. Le coût de revient ici est pratiquement inférieur à un euro, alors qu'ils sont revendus à plus de deux euros. Vous comprenez donc que la concurrence est vraiment déloyale. L'importation détruit tout l'écosystème de l'élevage », fait-il remarquer.

Booster la production locale

En 2021, ce sont 14 621 tonnes de viande de volaille traditionnelle et 1,384 tonne de viande de volaille moderne qui ont été produites, soit au total
16 005 tonnes. Cependant, cette capacité de production est loin de répondre aux besoins sans cesse croissants du marché. Pour
Dr Vital Tchibozo, qui est également chef d'entreprise, de nombreux équipements sont prêts à être activés. « Il ne manquait que cette décision pour que les poulaillers qui dorment renaissent de leurs cendres et que tous les couvoirs prennent le chemin de l'éclosion. Les usines de production d'aliments tournent à peine à 80 % de leur capacité. Donc, si la mesure devient effective, nous pouvons largement couvrir les besoins et même exporter vers le géant de l’Est qu’est le Nigeria», insiste-t-il.
La nouvelle ne réjouit pas que les acteurs de la filière avicole. Dans le sous-secteur de la production végétale, certains y voient l'opportunité de disposer de fumier à proximité. « Nous aurons de nombreux élevages de proximité, favorisant la disponibilité de fumier animal, notamment de volaille pour la production de nos composts et fertilisants naturels», espère Oluwafèmi Kochoni de l'Association Les Jardins de l'Espoir. L'interdiction d'importation présente de nombreux autres avantages pour l'agroécologie. « Étant donné que les produits utilisés pour la prophylaxie bénéficieront d'une attention accrue de la part des services vétérinaires, il y aura moins de résidus de produits phytosanitaires dans le fumier animal et moins de contamination sur les plants », souligne Oluwafèmi Kochoni.

L’équation du financement

Pour y parvenir, plusieurs facteurs doivent être pris en compte, dont l'accès au financement. «Aujourd'hui, je suis sûr que les banques et institutions financières pourront mettre leurs ressources au profit de ceux qui produisent des aliments, les poussins, pour que nous puissions combler ce vide qui va naître », déclare Dr Tchibozo qui espère aussi des facilités au niveau de l’Etat.
Et à cet égard, le ministre Gaston Dossouhoui est rassurant. « J'ai incité les maires à utiliser les ressources du Fonds d'appui au développement des communes (FaDec) pour faciliter les vaccinations, aider les éleveurs locaux à développer l'élevage local », a-t-il déclaré lors de sa tournée. Ces dernières années, les éleveurs de poules pondeuses installés au Bénin ont bénéficié de plusieurs soutiens, dont l'importation de poussins d'un jour subventionnés à hauteur de 50 %, des aliments et des doses de vaccins subventionnés.