La Nation Bénin...

Protection des tortues marines: Abomey-Calavi revient dans le combat

Environnement
Lâcher de petites tortues sur la plage de Togbin Lâcher de petites tortues sur la plage de Togbin

Plus de vingt ans après l'échec de la première tentative d'installation d'un enclos d'incubation des œufs de tortue marine au Bénin à Abomey-Calavi, la commune montre à nouveau un signe d’engagement.

Par   Fulbert Adjimehossou, le 14 juin 2023 à 08h59 Durée 3 min.
#tortues #togbin #Abomey-Calavi
Jean Claude Daguè est chanceux. Il y a un an, le 5 juin 2022 précisément, assis sur la plage à Togbin, cet écogarde a fait la découverte d'une tortue olivâtre venant pondre en plein jour à midi, contrairement aux habitudes de ces espèces. « J'ai été surpris et j'ai immédiatement alerté l’Ong Amshart. Nous l'avons remise à la mer après l'avoir marquée », confie-t-il. Pendant plusieurs semaines, Jean Claude a pris soin des œufs. Étant encore novice, certaines petites tortues ont réussi à s'échapper pendant la nuit et à rejoindre l'océan. 
« J'ai réussi à en retrouver trois enfouies dans le sable, et je les ai prises en charge pendant deux mois avant de les relâcher », ajoute-t-il. Aujourd'hui, mieux préparé, Jean Claude accomplit des merveilles sur la côte, même en dehors de la saison de ponte. « Il y a deux semaines, j'ai relâché 107 petites tortues. Auparavant, jusqu’à trois tortues pouvaient venir pondre sur la plage par jour. Maintenant, elles se font plus rares parce que ce n'est pas la saison », précise-t-il.
Sur les huit espèces de tortues présentes dans le monde, on en retrouve au moins six dans l'Atlantique, dont quatre sont connues. La première est la tortue "Luth", localement appelée "Agbossèguè". Elle peut atteindre 700 à 900 kg. Ensuite, il y a la tortue olivâtre, une espèce de taille moyenne qui vient sur les côtes du Bénin pour pondre ses œufs. Il y a aussi la tortue verte. Tout le long de la côte, des écogardes veillent sur les œufs jusqu'à leur éclosion, environ deux mois plus tard. L'Ong Amshart compte sur des écogardes comme Jean Claude pour effectuer des patrouilles dans cette localité d'Abomey-Calavi. « En 2022, nous avons réussi à former 17 écogardes. Lors des patrouilles, nous avons constaté que les tortues viennent pondre sur cette partie de la côte, c'est pourquoi nous avons mis en place une couveuse. Nous avons déjà relâché plus de 356 tortues », explique Tchéhouéa Sonon, directeur exécutif de l’Ong Amshart.

1998 : première écloserie

Abomey-Calavi aurait pu être la première commune à s'engager dans la préservation des tortues au Bénin. À quelques dizaines de mètres de l'écloserie "Qui vivra verra" de Jean Claude, se trouvent les ruines du premier enclos d'incubation installé sur la côte. Cette initiative a été lancée en 1998 par Joséa Dossou, directeur exécutif de l'Ong Nature Tropicale. « Nous n'avons pas réussi à trouver des bénévoles sur le terrain pour nous accompagner », rappelle Joséa Dossou. Cet acteur engagé dans la protection des espèces menacées au Bénin se réjouit de voir une nouvelle dynamique se mettre en place à Togbin, dans la commune d’Abomey-Calavi, et appelle les autorités à prendre en compte le potentiel que représentent les tortues marines pour le tourisme le long de la côte, de Cotonou à Ouidah. « Des touristes venaient payer les pêcheurs pour libérer des tortues en mer. Il suffit d'organiser les choses différemment. Mais les gens pensent qu'il est préférable de consommer les tortues que d’en prendre soin pour les montrer aux touristes. Au Brésil, par exemple, où nous travaillons en partenariat avec des Ong, les tortues ont contribué au développement local », explique-t-il.
Malgré la vigilance, la menace n'a pas complètement disparu. « Les mangeurs de tortues ne se sont pas totalement éclipsés. Si les tortues viennent pondre et que les patrouilles ne les détectent pas, les œufs risquent d'être immédiatement prélevés », 
précise M. Tchéhouéa. Une autre menace réside dans le fait que des véhicules roulent directement sur la plage, dans le sable, mettant ainsi en danger la vie des tortues. « Récemment, j'ai découvert des œufs écrasés par les pneus de ces véhicules dans le sable », déplore Jean Claude Daguè. Protéger les tortues, c'est comme protéger des vies. Parfois, les écogardes sont obligés de faire appel à la Police républicaine lorsque la sensibilisation ne suffit plus à faire changer d'avis aux "mangeurs de tortues".