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La culture et le label musical béninois

Culture
Jean-Pierre EDON Jean-Pierre EDON

Au cours de ces dernières années, le peuple béninois a assisté à un renouveau culturel. Le gouvernement en a fait un point focal de son programme, et son lien au développement devient perceptible. Dans ce vaste espace culturel et artistique, un élément qui reste à mieux valoriser, attire l’attention : la musique. Quel est son état aujourd’hui et quelles en sont les perspectives d’avenir ?

Par   Jean-Pierre EDON, le 21 oct. 2024 à 08h09 Durée 3 min.
#culture

La culture et l’art ont pris un envol remarquable depuis quelques années. Autrefois, la culture, maillon faible de la chaine, est devenue de nos jours l’un des secteurs importants dont l’utilité et le caractère identitaire et économique, ont été mis en valeur. Du célèbre et appréciable milliard culturel et du fonds de soutien à la culture et l’art, on est passé à de lourds investissements financiers visant son rayonnement à l’étranger, l’ambition étant de la révéler au monde sous toutes ses formes.

Dans ce cadre s’inscrivent d’importants évènements culturels qui ont eu lieu à Cotonou, tels que la restitution de 26 oeuvres d’art historiques par l’ancienne puissance coloniale, leur exposition avec l’art contemporain au Bénin pendant plusieurs mois, en Martinique et actuellement en France jusqu’en janvier 2025.

Dans cet élan de renouveau culturel, on peut également citer Vodun-days (nouvelle version de la fête de vodun), le festival international de Porto-Novo devenu festival des masques à Porto-Novo, la production à Cotonou de grandes vedettes africaines et internationales de la chanson etc… La composante de la culture qui fera l’objet de notre analyse ici, est la musique.

Intérêt et rôle de la musique

Elle est un moyen de communication, de véhicule de messages de tous genres. Sa pratique favorise le développement de l’empathie mais aussi la faculté à s’entraider et à coopérer avec d’autres personnes. Elle vulgarise les messages relatifs aux valeurs morales, aux faits de société, d’où se dégagent des leçons de la vie. Chez l’adulte, la pratique d’un instrument de musique est recommandée, car elle impacte tout autant son cerveau.

 Cet art permet à l’homme non seulement de s’exprimer par le biais des sons, mais aussi d’éprouver du plaisir et de faire bouger son corps avec des pas cadencés. Intergénérationnelle, la science des sons, source d’expériences corporelles sensorielles et sociales, favorise les relations au-delà des mots, et son plaisir peut être partagé par les proches. Véritable tremplin des valeurs socio culturelles, la musique permet de faire une réelle démonstration des cultures des sociétés à travers leurs divers chants. A l’instar des autres facettes de la culture, l’art de combiner les sons, est une source de mobilisation de ressources financières.

C’est donc à juste titre que dans le cadre de la stratégie de revalorisation du patrimoine musical, il est question aujourd’hui de la création et gestion d’une médiathèque multimédia d’ethnomusicologie à Porto-Novo.

Il est toutefois regrettable de constater que malgré sa richesse et son intérêt, la musique béninoise peine à dépasser les frontières du territoire national, pour se conférer une réputation internationale. Le cas des artistes comme Angélique Kidjo, Neil Oliver fait bien sûr, l’exception.

La raison en est qu’à ce jour, la particularité musicale du Bénin n’est pas réalisée. En d’autres termes, un rythme musical moderne authentiquement et spécifiquement béninois n’est pas encore une réalité.

Le Bénin regorge de nombreuses vedettes de la chanson, mais la plupart d’entre elles ne pratiquent que des rythmes étrangers chantés en langues nationales. Or pratiquer avec succès un rythme étranger au point d’être au niveau du créateur, nécessite beaucoup d’inspiration et de gros efforts difficiles à déployer. Il vaut mieux alors revenir à sa culture d’origine que l’on maitrise naturellement mieux.

En suivant les prestations d’un chanteur béninois, hormis les chansons traditionnelles, il est parfois difficile de deviner son origine. Par contre, à l’audition de la Rumba par exemple, qui fait partie aujourd’hui du patrimoine de l’Unesco, l’auditeur n’hésite pas à évoquer son origine congolaise. Il en est de même du Makossa, du coupé décalé, respectivement issus de la modernisation de la musique traditionnelle camerounaise et ivoirienne.

Quant au Nigéria, il s’est fait distinguer depuis des lustres sur le plan international par les rythmes Highlife, Juju, Apala, Afro-beat etc.…qui résultent des arrangements de la musique du terroir. Dans cette catégorie, on peut aussi citer le Mali, l’Afrique du Sud, la Guinée qui ont rendu exportable leur style musical traditionnel modernisé, par lequel ils sont facilement identifiés à l’international.

Nécessité du label musical authentiquement béninois

La marque ou le label béninois n’est pas encore connu. Il ne suffit pas qu’un artiste pratique le rythme américain, français, congolais, latino-américain en chantant en Fon, Bariba ou Adja pour l’attribuer au label authentique du Bénin.

Il y a toutefois deux artistes qui se font remarquer par leur création purement béninoise, à même d’avoir une envergure internationale pour peu qu’ils bénéficient d’un soutien ferme. Il s’agit de Danialou Sagbohan et de feu Stanislas Tohon. L’un a réussi à faire un bon arrangement du rythme traditionnel Goun, et l’autre a modernisé le Tchinkoumè de Savalou pour obtenir le Tchink System.

De son vivant, Stan Tohon a pu rendre exportable sa création très appréciée dans l’étranger. Depuis son rappel dans l’au-delà, le public a perdu la jouissance de ce rythme. D’autres artistes béninois auraient dû l’adopter et le poursuivre en l’améliorant par le produit et l’empreinte de leur propre génie.

Cela pourrait évoluer comme la Rumba congolaise, de telle manière que partout au monde, l’auditeur n’hésitera pas à deviner avec assurance son origine béninoise, comme cela a commencé à être le cas déjà du vivant de son créateur. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles, et tenant compte de sa disparition, qu’une note spéciale lui est dédiée dans cette analyse. L’artiste Sagbohan étant encore en vie, il a la possibilité d’améliorer son rythme et le vulgariser à travers le monde comme label béninois, et ce, avec le concours des Autorités et des sympathisants de l’art musical.

Si le rythme de Tohon était adopté comme une marque béninoise, il survivrait après son décès, comme la Rumba malgré le rappel dans l’au-délà des musiciens célèbres comme Franco, Docteur Nico, Rochereau, Kabasselé ; le Makossa, suite à l’extinction de Manu Dibango qui en est l’un des animateurs et arrangeurs.

L’opinion ci-dessus exprimée est une contribution, un point de vue qui peut être contredit ou enrichi par les apports des uns et des autres. Elle exprime un sentiment et ouvre un débat. Le souhait qui s’en dégage est que, la musique béninoise gagnerait à se faire davantage valoriser, par la modernisation du rythme traditionnel qui pourrait avoir une réputation internationale, de par son authenticité et sa valeur hautement culturelle. Le Tchink system remplit ces conditions et pouvait revêtir le label du Bénin à l’international. Rien n’est tard, c’est encore possible si telle est la volonté des animateurs de ce secteur, et des structures nationales appropriées■