La Nation Bénin...
Au
cours de ces dernières années, le peuple béninois a assisté à un renouveau
culturel. Le gouvernement en a fait un point focal de son programme, et son
lien au développement devient perceptible. Dans ce vaste espace culturel et
artistique, un élément qui reste à mieux valoriser, attire l’attention :
la musique. Quel est son état aujourd’hui et quelles en sont les perspectives
d’avenir ?
La
culture et l’art ont pris un envol remarquable depuis quelques années.
Autrefois, la culture, maillon faible de la chaine, est devenue de nos jours
l’un des secteurs importants dont l’utilité et le caractère identitaire et
économique, ont été mis en valeur. Du célèbre et appréciable milliard culturel et
du fonds de soutien à la culture et l’art, on est passé à de lourds
investissements financiers visant son rayonnement à l’étranger, l’ambition
étant de la révéler au monde sous toutes ses formes.
Dans
ce cadre s’inscrivent d’importants évènements culturels qui ont eu lieu à
Cotonou, tels que la restitution de 26 oeuvres d’art historiques par l’ancienne
puissance coloniale, leur exposition avec l’art contemporain au Bénin pendant
plusieurs mois, en Martinique et actuellement en France jusqu’en janvier 2025.
Dans
cet élan de renouveau culturel, on peut également citer Vodun-days (nouvelle
version de la fête de vodun), le festival international de Porto-Novo devenu
festival des masques à Porto-Novo, la production à Cotonou de grandes vedettes
africaines et internationales de la chanson etc… La composante de la culture
qui fera l’objet de notre analyse ici, est la musique.
Elle est un moyen de communication, de véhicule de messages de tous genres. Sa pratique favorise le développement de l’empathie mais aussi la faculté à s’entraider et à coopérer avec d’autres personnes. Elle vulgarise les messages relatifs aux valeurs morales, aux faits de société, d’où se dégagent des leçons de la vie. Chez l’adulte, la pratique d’un instrument de musique est recommandée, car elle impacte tout autant son cerveau.
Cet art permet à l’homme non seulement de
s’exprimer par le biais des sons, mais aussi d’éprouver du plaisir et de faire
bouger son corps avec des pas cadencés. Intergénérationnelle, la science des
sons, source d’expériences corporelles sensorielles et sociales, favorise les
relations au-delà des mots, et son plaisir peut être partagé par les proches.
Véritable tremplin des valeurs socio culturelles, la musique permet de faire une
réelle démonstration des cultures des sociétés à travers leurs divers chants. A
l’instar des autres facettes de la culture, l’art de combiner les sons, est une
source de mobilisation de ressources financières.
C’est
donc à juste titre que dans le cadre de la stratégie de revalorisation du
patrimoine musical, il est question aujourd’hui de la création et gestion d’une
médiathèque multimédia d’ethnomusicologie à Porto-Novo.
Il
est toutefois regrettable de constater que malgré sa richesse et son intérêt, la
musique béninoise peine à dépasser les frontières du territoire national, pour
se conférer une réputation internationale. Le cas des artistes comme Angélique
Kidjo, Neil Oliver fait bien sûr, l’exception.
La
raison en est qu’à ce jour, la particularité musicale du Bénin n’est pas
réalisée. En d’autres termes, un rythme musical moderne authentiquement et
spécifiquement béninois n’est pas encore une réalité.
Le
Bénin regorge de nombreuses vedettes de la chanson, mais la plupart d’entre
elles ne pratiquent que des rythmes étrangers chantés en langues nationales. Or
pratiquer avec succès un rythme étranger au point d’être au niveau du créateur,
nécessite beaucoup d’inspiration et de gros efforts difficiles à déployer. Il
vaut mieux alors revenir à sa culture d’origine que l’on maitrise naturellement
mieux.
En
suivant les prestations d’un chanteur béninois, hormis les chansons
traditionnelles, il est parfois difficile de deviner son origine. Par contre, à
l’audition de la Rumba par exemple, qui fait partie aujourd’hui du patrimoine
de l’Unesco, l’auditeur n’hésite pas à évoquer son origine congolaise. Il en
est de même du Makossa, du coupé décalé, respectivement issus de la
modernisation de la musique traditionnelle camerounaise et ivoirienne.
Quant
au Nigéria, il s’est fait distinguer depuis des lustres sur le plan
international par les rythmes Highlife, Juju, Apala, Afro-beat etc.…qui
résultent des arrangements de la musique du terroir. Dans cette catégorie, on
peut aussi citer le Mali, l’Afrique du Sud, la Guinée qui ont rendu exportable
leur style musical traditionnel modernisé, par lequel ils sont facilement
identifiés à l’international.
La marque ou le label béninois n’est pas encore connu. Il ne suffit pas qu’un artiste pratique le rythme américain, français, congolais, latino-américain en chantant en Fon, Bariba ou Adja pour l’attribuer au label authentique du Bénin.
Il
y a toutefois deux artistes qui se font remarquer par leur création purement
béninoise, à même d’avoir une envergure internationale pour peu qu’ils
bénéficient d’un soutien ferme. Il s’agit de Danialou Sagbohan et de feu
Stanislas Tohon. L’un a réussi à faire un bon arrangement du rythme
traditionnel Goun, et l’autre a modernisé le Tchinkoumè de Savalou pour obtenir
le Tchink System.
De
son vivant, Stan Tohon a pu rendre exportable sa création très appréciée dans
l’étranger. Depuis son rappel dans l’au-delà, le public a perdu la jouissance
de ce rythme. D’autres artistes béninois auraient dû l’adopter et le poursuivre
en l’améliorant par le produit et l’empreinte de leur propre génie.
Cela
pourrait évoluer comme la Rumba congolaise, de telle manière que partout au
monde, l’auditeur n’hésitera pas à deviner avec assurance son origine
béninoise, comme cela a commencé à être le cas déjà du vivant de son créateur.
C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles, et tenant compte de sa
disparition, qu’une note spéciale lui est dédiée dans cette analyse. L’artiste
Sagbohan étant encore en vie, il a la possibilité d’améliorer son rythme et le
vulgariser à travers le monde comme label béninois, et ce, avec le concours des
Autorités et des sympathisants de l’art musical.
Si
le rythme de Tohon était adopté comme une marque béninoise, il survivrait après
son décès, comme la Rumba malgré le rappel dans l’au-délà des musiciens
célèbres comme Franco, Docteur Nico, Rochereau, Kabasselé ; le Makossa,
suite à l’extinction de Manu Dibango qui en est l’un des animateurs et
arrangeurs.
L’opinion
ci-dessus exprimée est une contribution, un point de vue qui peut être
contredit ou enrichi par les apports des uns et des autres. Elle exprime un
sentiment et ouvre un débat. Le souhait qui s’en dégage est que, la musique
béninoise gagnerait à se faire davantage valoriser, par la modernisation du
rythme traditionnel qui pourrait avoir une réputation internationale, de par
son authenticité et sa valeur hautement culturelle. Le Tchink system remplit
ces conditions et pouvait revêtir le label du Bénin à l’international. Rien
n’est tard, c’est encore possible si telle est la volonté des animateurs de ce
secteur, et des structures nationales appropriées■