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Le Sacrifice d'une cause d'Emmanuel Yorou Sounon: Un témoignage de résilience et de victoire face à la surdi-mutité

Culture

« Le sacrifice d'une cause » d’Emmanuel Yorou Sounon est un récit autobiographique empreint de sincérité, où l’auteur nous livre avec générosité son parcours semé d’embûches, d’injustices qu’a exacerbé sa condition de surdi-mutité. La plume de l’auteur se caractérise par une fluidité narrative qui captive le lecteur dès les premières pages.

 

Par   Lhys DEGLA, le 26 août 2024 à 10h48 Durée 3 min.
#point de lecture

Pour chaque souffle et chaque instant, pour chaque battement de cœur et chaque soupir, pour les sourires mais aussi les rires, pour les perles de larmes que contiennent les pages, les lignes et les mots de cet ouvrage, on peut aisément décrypter que l’auteur est généreux. Généreux dans la vivacité des émotions, généreux dans la précision des détails, généreux dans la provision des souvenirs et la profusion des anecdotes.

« Le sacrifice d’une cause » porte l’élan d’une âme déterminée, désabusée mais pas démissionnaire. L’auteur ayant pris le risque d’une autobiographie, y a versé plus de « lui-même » que d’imaginaire. Il pose les bases de son récit sur une structure narrative progressive et rythmée, faisant voyager le lecteur d’une époque à une autre de sa vie sans l’ennuyer, l’enveloppant de ses espoirs et de ses désespoirs, de ses joies et de ses victoires, des déboires connus et des injustices subies. Il y dévoile sans peine, les voiles, les vices et les sévices, les non-dits et les « ont dits ». 

Le revers que la vie lui impose par le sort de la méningite n’en a pas fait un être sombre. Toute l’espièglerie de sa jeune et tendre enfance et la joie débordante de son esprit vif semblent être restées totalement intactes, inviolées malgré les assauts durs de la vie. D’ailleurs, il décrit à la page 26 par des images qui fendent le cœur, la douleur d’une mère, la sienne, lorsque au réveil de son coma, il fallait faire face à la dure réalité de la surdité. L’auteur dit, je cite « L’entrée de maman fut plus émouvante. Les yeux rougis sûrement par des nuits de pleurs et d’insomnies, elle bouscula tout le monde et tomba presque sur moi. Elle me toucha comme pour vérifier quelque chose. Elle parlait mais je n’entendais pas. Je le lui fis remarquer et elle se mit à sangloter…Je ne sus si c’était pour la confirmation de ma surdité ou le fait que j’arrive encore à parler »

Emmanuel n’est pas une plume mélancolique…Il est une plume ironique, incisive, introspective, intimiste mais surtout humoristique qui épice chaque anecdote. L’humour jalonne bien de pages du livre tout en n'enlevant pas une once de solennité aux instants capturés. À la page 28, Emmanuel se questionne sur son sort à la vue de sa nouvelle condition non sans une pincée d’humour, qui chez lui, semble tout à fait naturel : « La situation financière de Papa n’était pas bonne. M’envoyer à Parakou étudier était un luxe qu’il ne pouvait même pas se permettre de rêver. Sauf miracle, j’allais abandonner l’école. Pour la première fois, j’eus très mal…Ma vie deviendrait comme celle de Gbankou, l’autre sourd qui passait ses journées sur la place publique du village et dont les faits provoquaient régulièrement l’hilarité des villageois. Gbankou n’était pas son prénom mais une appellation avilissante qui combinait surdité et idiotie. Gbankou était l’idiot du village. Imaginer un instant être comme lui me donnait des envies de suicide malgré mon jeune âge. Je ne savais quelle appréciation Gbankou faisait de sa situation. Mais pour moi c’était clair, il était hors de question que je vécusse cette même existence. »

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Ailleurs, il parlera du directeur « ceinture noire » qui terrorisait ses camarades de classe sans qu’il n’en fût lui-même, apparemment, à aucun moment, effrayé. « En terminale, j’avais le directeur d’école comme professeur. Il me gardait en mathématique. Tous les élèves me mettaient en garde contre lui. C’était, à ce qui se disait de lui, un pratiquant ‘‘ceinture noire’’ et qu’il utilisait des Katas contre les élèves. Je l’avais une fois vu enlever sa ceinture et plier son pantalon, prêt à en découdre avec un élève de la quatrième. Mais le combat n’avait pas eu lieu. L’élève avait sauvé sa peau en filant à l’anglaise »

Ainsi, Emmanuel pose le contexte du handicap au Bénin, notamment dans certaines écoles où la tricherie est normalisée, même aux examens nationaux. Il y parle des injustices, des supplices sans fin, de la résistance à la méchanceté gratuite de certains adultes, de la rage de vaincre malgré les coups durs de l’existence, de la passion, des petites et grandes victoires. Pour moi, deux thématiques centrales fondent cet ouvrage: la résilience et l'impact d'être une référence, un modèle à suivre malgré le handicap■