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Projet «Emphatic eyes»: 40 «petits» photographes en croisade contre les violences faites aux femmes

Culture
Par   Josué F. MEHOUENOU, le 06 nov. 2015 à 08h05

Projet «Emphatic eyes»: 40 «petits» photographes en croisade contre les violences faites aux femmes

Laisser des objectifs aux mains des enfants. Leur permettre d’immortaliser des images touchant aux violences faites aux femmes dans leurs communautés, les exposer et ensuite sensibiliser la masse. C’est le dernier projet en date de l’Association Kulturforum Sud-Nord Cotonou.

Stephan Köhler et son association culturelle Kulturforum Sud-Nord Cotonou ont fait parler d’eux il y a quelques mois à travers un projet de réalisations de productions visant à freiner le bradage des terres cultivables dans certaines localités du Bénin. Les voici à nouveau avec le dernier axe de «Emphatic eyes» qui va en guerre contre les violences faites aux femmes. Sauf que contrairement à ce qui est observé jusque-là, ce sont de jeunes enfants âgés de 12 à 20 ans qui sont choisis comme les agents de lutte contre le phénomène.

Un stage inaugural

L’association se propose de leur donner des notions basiques en prise de vue, puis les propulsera dans leurs communautés afin qu’ils captent pour la postérité des images illustratives du phénomène. Le projet paraît osé, mais est tout aussi innovateur selon son initiateur Stephan Köhler. Il donne la voix aux jeunes adolescents sélectionnés dans les localités de Cotonou, Porto-Novo et Abomey-Calavi. Témoins silencieux de mille et une scènes de violences, ces enfants, à travers la photographie peuvent exprimer ce qu’on ne peut pas dire avec des mots, pense le concepteur du projet.
«Le but de ce stage est de donner aux jeunes, une voix. Il n’est pas une école de journalisme, ni une formation purement technique en photographie. Il a démarré depuis le 4 novembre dernier et prend fin le 15 prochain. Il vise à aider les participants à se rendre compte, que leurs observations, leurs points de vue personnels exprimés par leurs photos sont importants et peuvent changer la vie quotidienne mais aussi laisser des traces pour l’avenir», nuance Stephan Köhler. Deux instructrices sud-africaines, Zanele Muholi et Lindeka Qampi qui sont par ailleurs des photographes très connus dans le monde entier ont été dépêchés à Cotonou pour encadrer la quarantaine de jeunes adolescents sélectionnés. Un choix qui se justifie par la richesse et la densité des photothèques de ces deux artistes, connus pour leur engagement social. Depuis dix ans, indique Stephan Köhler, elles donnent des formations de photographie aux jeunes en Afrique du Sud et dans bien d’autres pays sur des thèmes variés. Plus spécifiquement, Zanele Muholi, est une activiste qui utilise son appareil photo pour témoigner des violences de tous ordres dans la banlieue de Soweto et dans les nombreux Townships sud africains. Elle est aussi lauréate du prix de la Fondation Prince Claus pour la culture et le développement.
L’autre pan de l’engagement des deux instructrices sud-africaines, c’est qu’elles luttent surtout pour donner aux filles des opportunités de s’exprimer, de s’épanouir et finalement de trouver leur chemin à travers la photographie. Quelques-unes de leurs vues réalisées lors d’un récent stage dans un lycée de Soweto à Johannesburg seront présentées au cours de leur séjour à Cotonou. C’est donc à leur école que les néophytes béninois iront à l’école de l’art photographique pour se doter des enseignements essentiels, afin d’intégrer ce projet de lutte contre les violences faites aux femmes et pour lequel, ils se révèlent comme l’épine dorsale.
Le programme du stage, tel que dévoilé par Stephan Köhler se décline en trois phases. Il est respectivement prévu cinq jours de stage à Cotonou, puis cinq autres jours de stage à Dangbo, suivi de trois mois de prises de photos par les 40 participants. Deux médiateurs, Yanick Folly et Isabelle Bangbola tiendront une séance chaque semaine, pour apprécier ces photographies, donner des conseils, les faire imprimer et organiser déjà des expositions, dévoile-t-il par ailleurs.

Penser autrement sa communauté

Heureuses d’être associées à cette formation pour partager leurs connaissances avec les adolescents béninois, Zanele Muholi et Lindeka Qampi, mercredi dernier, à l’occasion de leur premier contact avec leurs impétrants ont à peine contenu leur émotion. Et c’est surtout sur les retombées de cet atelier que surfent les deux formatrices venues du pays de Nelson Mandela. Comme elles, Christiane Chabi Kao, la coordinatrice du stage y voit un grand intérêt, aussi bien pour les stagiaires que pour leurs communautés. Celle-ci dit avoir noté à l’occasion de la phase sélective, un grand engouement qu’elle illustre par le nombre élevé de candidatures. Preuve que les enfants ont eux aussi le souci d’apporter leur touche au mieux-être de leur communauté. Cette opportunité, en tout cas sous le prisme de la photographie, c’est Kulturforum Sud-Nord Cotonou qui le leur offre.
A la fin de l’atelier, des appareils photos seront prêtés par l’Association Kulturforum à ces jeunes qui pendant trois mois seront chargés de poser un regard photographique sur les violences faites aux femmes dans leur environnement. Passée cette étape, les deux instructrices sud-africaines seront à nouveau à Cotonou, courant février 2016 pour une deuxième séance en milieu urbain à Cotonou et en milieu rural à Dangbo, avec des expositions et projections.
Selon les explications données par les initiateurs, les participants à ce programme gagnent à découvrir et à faire découvrir l’histoire et la vie et leurs communautés. Puis, à travers leurs reportages photographiques, les racontent pour toucher les cœurs de ceux qui les regardent.
«Par cette recherche visuelle, qui montre la dynamique et aussi la beauté de la vie, les participants pourront aussi mettre en exergue des aspects tristes comme la violence envers les femmes, filles et aussi les jeunes garçons, un phénomène malheureusement présent dans toutes les sociétés du monde, rappelle Stephan Köhler.»