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Résistance à la pénétration coloniale: En route pour la restauration de l’histoire de Saka Yérima

Culture
Grande mobilisation pour honorer la mémoire de Saka Yérima à Yariyo Grande mobilisation pour honorer la mémoire de Saka Yérima à Yariyo

Comme Bêhanzin, Bio Guerra, Kaba, Samory Touré, El Hadj Omar et bien d’autres, le prince guerrier Saka Yérima s’est également illustré en tant que résistant à la pénétration coloniale française en Afrique occidentale. Malheureusement, son nom et ses hauts faits d’armes qui font la fierté du peuple baatombu sont moins évoqués. A travers la restauration de son histoire, sa commune d’origine, Pèrèrè, s’emploie à ce qu’il bénéficie désormais de la considération qui lui est due.

Par   Maurille GNASSOUNOU A/R Borgou-Alibori, le 18 janv. 2024 à 06h40 Durée 5 min.
#Résistance à la pénétration coloniale #la restauration de l’histoire #Saka Yérima

31 décembre 1897 -31 décembre 2023, cela fait exactement 126 ans que le prince guerrier Saka Yérima, après une journée de combats sans répit contre le colonisateur français appuyé par les «tirailleurs sénégalais», tombait, les armes à la main, à Yariyo, une localité située à 4 km de Worokpo, dans l’arrondissement central de Pèrèrè. Comme il est désormais de tradition, depuis quelques années, à l’occasion de la date anniversaire de son décès, l’heure était à la grande mobilisation des filles et fils de Pèrèrè, dimanche 31 décembre dernier à Yariyo. A l’initiative de leur maire Alassane Nouhoun et des membres de son Conseil communal, ils lui ont rendu un vibrant hommage. C’était en présence des maires des communes du Borgou, des autorités politico-administratives, puis des têtes couronnées, chefs traditionnels et sages du Barutem.

A travers Saka Yérima, le maire voit la bravoure d’un homme engagé et acquis à la cause de son peuple. « C’est pourquoi, depuis que nous sommes arrivés à la tête de cette commune, nous avons tenu à ce que le 31 décembre de chaque année, il y ait la célébration de l'anniversaire de son décès », a-t-il expliqué. Il a alors exprimé sa gratitude à la marraine de l’événement, la vice-présidence Mariam Chabi Talata Zimé Yérima, puis à toutes les bonnes volontés ayant contribué à l’organisation de l’évènement.

En marge de la célébration, les participants ont également eu droit à une conférence sur la vie et les œuvres de Saka Yérima. C’était animé par le sociologue Koto Séro Simè.

Selon le professeur Djibril Débourou, Saka Yérima a été le premier résistant contre la pénétration coloniale française dans le Borgou. Des propos confirmés par son collègue Léon Bani Bio Bigou.

En effet, à la tête d’une armée de guerriers venus des localités de N'Dali, Buri et Tamaru, le prince Saka Yérima a fait appel aux forgerons de Pèrèrè, pour se faire fournir des flèches et lances empoisonnées afin de combattre l’envahisseur étranger. C’était, rapporte-t-on, 20 ans avant l’épopée de Bio Guerra.

Un héros comme les autres

Dans leur conquête de la partie septentrionale du Dahomey devenu aujourd’hui le Bénin, les colons avaient commencé par soumettre les royaumes du Borgou, les uns après les autres. Ce qui, lorsque ce fut le tour de celui de Nikki de signer le protectorat français, n’avait pas plu à certains de ses princes dont Saka Yérima. Il n’a pas hésité, le 4 novembre 1897, rapporte le professeur Djibril Débourou, à venger l'attaque de son village maternel, Gbégourou, par l’armée française qui, après y avoir bivouaqué et commis des exactions, l’avait incendié.

C’est à Guinangourou, qu’avec ses hommes, poursuit l’historien, il attaqua les Français qui étaient en route pour Nikki. La bataille du 8 novembre 1897 n’ayant connu ni vainqueur ni vaincu, chacune des parties s’était retirée pour faire soigner ses blessés.

Pendant qu’il préparait ses hommes à Bonuki, à l'Ouest de Guinangourou, pour une nouvelle attaque, Saka Yérima fut surpris par les expéditionnaires français. Ce qui l’obligea à battre en retraite, pour se retrouver dans le village de Yariyo. Avec sa troupe, il y a érigé un rempart afin de mieux se protéger contre l’ennemi, puis l’affronter, apprendra-t-on également avec le professeur Djibril Débourou. Mais la précipitation avec laquelle ils l’ont réalisé, ne leur a pas permis d’opposer une grande riposte lors de cette troisième bataille, jeudi 31 décembre 1897. Pour se tirer d’affaire et ne plus se retrouver en difficultés, a fait observer le professeur Léon Bani Bio Bigou, les Français avaient fait appel à des renforts venus de la Guinée Conakry. Saka Yérima tomba, sous les tirs nourris de l’armée coloniale, en même temps que sa femme qui est aujourd’hui considérée à Pèrèrè comme une héroïne, symbole du dévouement de la femme baatombu pour son mari, jusqu’au sacrifice suprême.

Aujourd’hui, c’est à croire que Saka Yérima a été oublié. Le courage et la bravoure dont il a fait preuve en son temps, ne sont pas pour autant valorisés. Convaincues qu’il mérite pleinement le statut de héros national, les autorités de la commune de Pèrèrè s’investissent activement pour sa réhabilitation. En 2021, pour immortaliser sa mémoire, elles lui ont fait construire un mausolée dans sa forteresse de Yariyo où il repose avec sa fidèle compagne. C’est un joyau d’un coût total de 25 064 363 F Cfa, réalisé à travers le Fonds d’aide au développement des communes (FADeC) Tourisme, sous financement du gouvernement.

D’autres sites ayant marqué la résistance de Saka Yérima sont, selon les informations, en attente d’aménagement à Pèrèrè. Ce qui impactera le développement du tourisme dans la commune. A cela s’ajoutent les danses culturelles de guerres exécutées par les troupes de Saka Yérima. Elles jouaient, rapporte-t-on, sur la psychologie des hommes de l’armée coloniale. Certaines de ces danses continuent d’être pratiquées au sein des communautés baatonu.

Malheureusement, avec le temps, les vestiges du rempart de 400 m érigé à Yariyo ont disparu. Il s’agissait d'une forteresse sur une superficie de 3,6 ha, haute de 3 m et munie d'une seule porte située du côté Est.