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Rythme "Goumbé": L’autre particularité des Collines

Culture
Le Goumbé est né dans les Collines et reste jusque-là une  exclusivité Idaatcha Le Goumbé est né dans les Collines et reste jusque-là une exclusivité Idaatcha

La mini-vidéo de rythme Goumbé exécuté par une section musicale de l’Armée béninoise a abondamment circulé sur les réseaux sociaux, ces jours-ci. Elle a suscité visiblement un regain d’intérêt pour ce rythme typiquement du département des Collines. Identité culturelle des Idaatcha, ce rythme musical, bien que très emballant, ne parvient pas à s’imposer hors des Collines.  

Par   Valentin SOVIDE, AR/ Zou-Collines, le 23 mai 2024 à 01h58 Durée 3 min.
#des biens culturels au Bénin

Le rythme Goumbé est très dansant mais ne parvient pas à s’imposer ailleurs, au sein des autres communautés. Comme beaucoup de rythmes traditionnels de chez nous, il est exécuté à partir des tam-tams, des castagnettes et autres gongs. Dans la plupart des cas, ces instruments musicaux, notamment les tambours, sont manipulés à la main. Mais le "Goumbé" y fait exception. Si les autres instruments tels que les gongs et les castagnettes sont maniés à la main, les tam-tams "Omonglé" et "Akatcha" ou les tambours en forme carrée se jouent avec le talon et les deux mains. Une particularité du "Goumbé".

« Le Goumbé est une percussion exclusive du peuple Idaatcha de Dassa-Zoumè », reconnait l’artiste Kio Ayédjo dit  "Alayo". Il explique que le son "Goum" est produit par le talon et les mains produisent le son "b-é" d’où le nom "Goumbé" attribué  à ce rythme. Les chansons sont composées pour la plupart dans la langue Idaatcha.  Ce rythme qui est l’un des éléments constitutifs de la sève nourricière de la communauté Idaatcha encastrée dans les collines de Dassa-Zoumè a bien une origine. En se référant à l’histoire, Kio Ayédjo retrace les pans du "Goumbé". En effet, selon ses explications, ce rythme est une  création du peuple Idaatcha. Installé à Dassa-Zoumè suite aux mouvements migratoires, ce peuple n’avait pas voulu adopter les anciens rythmes de son pays d’origine, le Nigeria.                                     

 Goumbé, l’identifiant de l’Idaatcha 

 Ainsi, il a dû inventer un nouveau rythme dont l’appellation "Goumbé" provient du son que produisent les instruments à percussion.  Resté à l’étape embryonnaire durant des décennies, le "Goumbé" a reçu la touche particulière d’Oliworo, l’artiste émérite des Collines.  Sorti donc des sentiers battus, le rythme "Goumbé" a été  enregistré comme musique pour la toute première fois sur un support magnétique dans le but de  permettre aux mélomanes  de  savourer cette richesse culturelle de l’aire Tchabè. C’était vers les années 80. Devenu alors un rythme de réjouissances populaires, le "Goumbé", sans aucun mythe, est autorisé à animer les cérémonies de baptême, de sortie d’enfant, les funérailles et autres.    

Après 1988, suite au décès d’Oliworo, le dépositaire incontournable de "Goumbé", ce rythme, qui autrefois faisait la fierté du peuple Idaatcha, a connu un déclin parce que la relève n’était pas bien assurée, souligne André Kio Ayédjo qui précise que les jeunes à cette époque s’intéressaient très peu à la musique.  « Les quelques artistes qui s’essayaient à la chose n’avaient pas la même vocation que leur aîné Oliworo. En plus, ils ne disposaient pas de moyens puisque produire un chef-d’œuvre à l’époque n’était pas une mince affaire » se souvient-il. Pour alors redorer le blason du rythme "Goumbé", Aline D., l’une des filles de Oliworo, elle aussi artiste, a bien voulu sauvegarder les efforts de son feu père. Depuis quelque temps, elle a initié un festival sur le "Goumbé", une rencontre biennale qui lui a permis de constituer un répertoire d’artistes s’inscrivant dans ce rythme exclusif des Collines. A partir de ce répertoire, elle ambitionne de faire la promotion de ce rythme à travers la formation et son assistance aux artistes du milieu. 

Il faut reconnaitre que, quel que soit l’endroit où il est joué, ce rythme mobilise du monde et ne laisse personne indifférent. Même ceux qui ne comprennent pas la langue,  ni le message véhiculé par  les chansons esquissent des pas de danse. Alors, ne parlons pas de la communauté Idaatcha. C’est magique ! A l’intonation des tambours, l’Idaatcha est comme hypnotisé par le rythme Goumbé. C’est plus qu’un appel des origines. Il a besoin d’être davantage popularisé loin des Collines pour y être adopté.