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Accessibilité du droit aux populations : La profession de conseil juridique en passe d’être légalisée

Droits et Devoirs
Par   Thibaud C. NAGNONHOU, A/R Ouémé-Plateau, le 08 sept. 2016 à 05h58

Sans existence légale jusque-là, la profession de conseil juridique en vogue au Bénin depuis les années 80 se fait de plus en plus utile sur le terrain au Bénin. C’est certainement ce qui a poussé le député Gérard Gbénonchi à initier une proposition de loi pour sortir les professionnels du secteur de la clandestinité. L’Assemblée nationale se penchera dans les mois à venir sur cette proposition de loi pour rendre légale la profession de conseil juridique, sans créer de conflit d’attribution entre celle-ci avec les autres corps d’auxiliaires de justice tels que les avocats et les notaires.

L’histoire renseigne que la naissance de la profession de conseil juridique remonte à 1986 : époque ayant connu le gel du recrutement dans la fonction publique béninoise. En effet, tous les étudiants sortis des écoles et facultés universitaires sont laissés à leurs propres sorts, l’Etat étant le principal employeur. Face à la situation, l’Etat a autorisé les médecins en fin de formation à ouvrir des cabinets médicaux privés. C’est ainsi qu’à l’instar des médecins, les juristes en fin de formation au deuxième cycle des facultés de droit et nantis du diplôme de maîtrise en droit, à leur tour, ont cru devoir eux aussi s’installer à leur propre compte après leur stage passé dans des cabinets d’avocat. Dès lors, ils ont commencé par créer des cabinets de conseils juridiques et exercent depuis lors au vu et au su de tous. Les premiers cabinets sont installés dès l’an 1993 et sont répartis dans presque tous les départements du Bénin. En fait les conseils juridiques sont des professionnels de droit dont la plupart sont des diplômés d’universités en licence, maîtrise et doctorat. Mieux, ces professionnels de droit sont reconnus par le traité sur l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada), dans l’Acte uniforme relatif au droit commercial général en son article 9, traité dont le Bénin est signataire. Malgré ces différents actes, les professionnels de ce secteur sont traqués surtout par d’autres professionnels du droit. Il leur est reproché d’exercer une profession illégale et non reconnue par la législation béninoise. Ce qui fait qu’aujourd’hui, certains conseils juridiques exercent discrètement leurs activités.

Des conditions claires

C’est donc pour tenter de trouver une solution à ce problème que le député Gérard Gbénonchi se fait l’avocat des professionnels du métier de conseil juridique. En témoigne la proposition de loi portant statut du conseil juridique en République du Bénin qu’il a déposée en juillet dernier sur la table du président de l’Assemblée nationale. Il s’agit d’un texte de loi de 31 dispositions et qui vise à légitimer puis organiser la profession de conseil juridique au Bénin.
Selon l’article 1er de la proposition de loi, il est créé au Bénin une Chambre nationale des conseils juridiques du Bénin (Cncj). Elle est dotée de la personnalité civile et regroupe tous les professionnels habilités à exercer la profession de Conseil juridique dans les conditions fixées par la présente loi. L’article n°2 se fait on ne peut plus clair. Cette disposition précise que « nul ne peut, sans être préalablement inscrit au tableau de la Chambre nationale, exercer la profession de conseil juridique, ni créer l’apparence de cette qualité, d’une manière quelconque dans son activité ». Et pour être inscrit au tableau de la Chambre nationale en qualité de conseil juridique, il faut : « être de nationalité béninoise ou être ressortissant de l’un des autres Etats membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa), jouir de ses droits civiques ; n’avoir subi aucune condamnation pour crime ou délit de nature à entacher son honorabilité ; n’avoir subi aucune condamnation comportant interdiction du droit de gérer et d’administrer les sociétés ; être titulaire au moins d’un diplôme de maîtrise en droit ou de tout autre diplôme jugé équivalent ; présenter des garanties de moralité jugées suffisantes par la Chambre nationale des conseils juridiques du Bénin et sur la base d’une enquête de moralité dûment menée par les services compétents et avoir un domicile fiscal en République du Bénin». Les candidats suivent préalablement un stage pratique avant leur admission dans le corps de conseil juridique. Toutefois sont dispensés du stage pratique « les conseils juridiques déjà inscrits, les titulaires d’un doctorat en Droit, les professeurs et agrégés de droit à l’Université, les greffiers ayant accompli 10 années d’expérience professionnelle, les magistrats à la retraite ou ayant démissionné de la Fonction publique, les avocats, les notaires, les huissiers de justice, les commissaires-priseurs ayant exercé leurs professions pendant au moins cinq années, non frappés par une sanction disciplinaire quelconque» (article 23). Ne peuvent exercer la profession de conseil juridique toutes personnes condamnées et non encore rétablies ou ayant subi : une peine privative de liberté pour crime ou délit, contre l’honneur, la probité et les bonnes mœurs ; une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, de radiation, de révocation de retrait d’agrément ou d’autorisation pour des faits de même nature. Ces interdictions s’appliquent également aux faillis non réhabilités et aux personnes admises au bénéfice de la liquidation judiciaire. Une enquête sur la moralité du postulant est préalablement faite par les soins de la Chambre nationale de conseils juridiques. La profession de conseil juridique est une profession libérale et indépendante. Elle est incompatible avec tout emploi public et toutes autres activités de nature à porter atteinte à son caractère libéral et à son indépendance. L’accès à cette profession est ouvert aux ressortissants d’un Etat non membre de l’Uémoa, ayant conclu avec la République du Bénin, une convention d’établissement ou tout autre accord international en tenant lieu et qui satisfont aux autres conditions exigées par la loi, nuance l’auteur du texte.

Pas de conflit avec les avocats

Ainsi, au sens de la proposition de loi, les conseils juridiques conseillent techniquement tout citoyen béninois qui s’estime lésé dans ses droits à faire valoir en personne ses propres moyens de défense devant les juridictions. Il instruit son client sur la situation juridique qui se pose à lui. Il lui donne son avis et lui propose des perspectives juridiques dans lesquelles il doit évoluer. Donner son avis sur des questions de droit, ce qui n’est pas une simple information à caractère documentaire, mais qui consiste à renseigner son interlocuteur sur l’état de droit relativement à un problème donné. Le Conseil juridique donne dès lors une prestation intellectuelle à partir d’un plan qui rapporte d’abord la problématique, ensuite fait appel à sa mémoire sur les principes du droit, et enfin analyse la situation qui s’est présentée ainsi que les propositions de solutions et leur faisabilité. Le conseil juridique ne donne pas de réponse personnalisée à une question précise, (cette compétence relève du monopole des avocats), mais il apporte une réponse générale ou fait une communication de document type par rapport à une question même précise. En d’autres termes, le conseil juridique est celui qui est inscrit au tableau de la Chambre nationale des conseils juridiques, fait profession habituelle de donner des conseils et consultations en matières juridique et fiscale ; de rédiger tous actes sous seing privés ; de procéder à toutes les formalités relatives aux actes qu’il rédige ; de faire de l’arbitrage sur demande des parties ; de faire de la médiation et conciliation des parties ; de faire de la négociation et la rédaction des contrats pour le compte de son client ; de faire de l’assistance et la représentation des parties devant les organismes non juridictionnels et les administrations publiques ; d’assister les citoyens devant la Cour constitutionnelle conformément à son règlement intérieur et devant la cour commissariats et brigades dans le cadre des enquêtes préliminaires ; de procéder à l’administration et à la gérance de tous biens meubles ou immeubles des personnes physiques ou morales ; de liquidateurs amiables ou judiciaires ; d’administrateurs provisoires ou syndic et de rédiger des mémoires pour le compte de ses clients. Le conseil juridique peut constituer pour l’exercice de sa profession, des sociétés à responsabilité limitée, des sociétés civiles ou des groupements d’intérêt économique à l’exclusion de toute autre forme de société?

Incompatibilité

Toujours selon le même texte, l’exercice de la profession de conseil juridique est incompatible avec toute activité de nature à porter atteinte à son indépendance, en particulier avec : l’exercice d’un emploi salarié, sauf chez un autre membre de la Chambre nationale ou au sein d’une société ou groupement inscrit au tableau de la chambre nationale. Toutefois un membre de la Chambre nationale peut dispenser un enseignement se rattachant à l’exercice de sa profession ; l’exercice d’une charge d’officier public ou ministériel ou de tout emploi salarié dans la fonction publique ; l’exercice d’une profession libérale autre que celle définie par la présente loi ; l’accomplissement de tout acte de commerce ou d’intermédiaire autre que ceux que comporte l’exercice de leur profession ; l’exercice de tout mandat commercial à l’exception du mandat d’administrateur, de gérant ou de fondé de pouvoirs des sociétés ou groupements inscrits au tableau de la Chambre nationale, nuance la proposition de loi déjà affectée à la commission chargée des Lois de l’Assemblée nationale. La profession de conseil juridique ne peut être exercée que par une personne physique, ou par une société civile professionnelle. Dans ce dernier cas l’inscription sur la liste établie par la Chambre nationale est faite au nom de la société. Le conseil juridique exerce sa profession, soit à titre individuel ou en groupe, soit en qualité de collaborateur d’un autre conseil juridique personne physique ou morale. «Lorsqu’un conseil juridique se rend coupable, soit de faits contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs, soit d’une infraction aux règles du présent titre ou des textes pris pour son application, ou lorsqu’il a encouru l’une des condamnations ou sanctions qui auraient motivé le refus de son inscription sur le tableau de la Chambre nationale, le Procureur général près la cour d’appel peut le faire citer devant la cour d’appel aux fins de radiation temporaire ou définitive de la liste (article 19). Lorsque les faits sont imputables à un dirigeant ou à un membre d’une société, elle-même conseil juridique, la société peut être frappée des mêmes sanctions, poursuit la même disposition qui interdit par ailleurs aux conseils juridiques physique ou morale de se livrer au démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique?