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Acte de terrorisme: Une infraction à multiples facettes sévèrement punie

Droits et Devoirs
Par   Anselme Pascal AGUEHOUNDE, le 31 mars 2023 à 09h04
Point besoin d’être djihadiste ou d’être dans une organisation extrémiste pour être impliqué dans des faits de terrorisme. L’on peut voir sa responsabilité engagée dans un acte terroriste pour une incitation à des actes terroristes, une abstention à coopérer alors que l’on détient des informations… Le code pénal est intransigeant pour ce qui concerne les peines encourues. Quand on parle de terrorisme, il est facile d’y voir une réalité propre aux djihadistes dans le Sahel ou les pays arabes, pour se convaincre de ce que l’on est exempt de toute infraction connexe. Mais dans les faits, le terrorisme côtoie plus que l’on ne peut l’imaginer. Au regard de la gravité de ses conséquences, le législateur béninois a consacré un chapitre au terrorisme dans le code pénal et a prévu des dispositions pour la répression des actes de terrorisme. Conformément à l’article 161 de la loi 2018-16 portant code pénal en République du Bénin, constitue un acte de terrorisme, l’infraction qui, de par sa nature ou son contexte, peut porter gravement atteinte à l’Etat et qui est commise intentionnellement dans le but d’intimider gravement la population ou de contraindre indûment les pouvoirs publics à accomplir ce qu’ils ne sont pas tenus de faire ou à s’abstenir de faire ce qu’ils sont tenus de faire ; dans le but de pervertir les valeurs fondamentales de la société et déstabiliser les structures et/ou institutions constitutionnelles, politiques, économiques ou sociales de la nation, ou de porter atteinte aux intérêts d’autres pays ou à une organisation internationale. A partir du moment où la finalité visée est l’un des objectifs sus évoqués, peuvent être qualifiés d’actes de terrorisme, l’atteinte à la sûreté intérieure et/ou extérieure de l’Etat ; l’atteinte volontaire à la vie des personnes, à leur intégrité, ou à leur liberté, ainsi que l’enlèvement ou la séquestration des personnes ; les infractions en matière informatique notamment la cybercriminalité ; les infractions à la sécurité de la navigation aérienne, maritime ou au transport terrestre ; la mise au point, la fabrication, la distension, le transport, la mise en circulation ou l’utilisation illégale d’armes, d’explosifs, de munitions, de substances explosives ou d’engins fabriqués à l’aide de telles substances ; la fabrication, la possession, l’acquisition, le transport ou la fourniture d’armes nucléaires, chimiques ou biologiques, l’utilisation d’armes nucléaires, biologiques ou chimiques, ainsi que la recherche et le développement illégaux d’armes de destruction massive… Ainsi caractérisé, l’acte terroriste peut se manifester de diverses manières et prendre plusieurs formes. L’article 163 du code pénal apporte des précisions supplémentaires significatives sur la nomenclature des actes de terrorisme.

Une atteinte multiforme à l’intégrité

« Constitue un acte de terrorisme la destruction ou la dégradation massive d’infrastructures, équipements ou installations industrielles, économiques ou sociales, ou la provocation intentionnelle d’inondation d’une infrastructure, d’un système de transport, ou d’une propriété publique ou privée, ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ou de produire des pertes économiques ou des dégâts matériels considérables », renseigne le premier alinéa de l’article 163 du code pénal. Dans ce registre, le législateur évoque aussi le fait de propager des substances dangereuses ayant pour effet de mettre en danger la vie humaine ; ou encore le fait de propager dans l’atmosphère, au sol, ou dans les eaux, y compris celles de la mer territoriale, une substance de nature à mettre en péril la santé de l’homme ou des animaux ou de dégrader le milieu naturel. En attentant au cadre de vie, l’on peut donc se voir inculpé d’acte terroriste. Il en est de même pour la perturbation ou l’interruption de l’approvisionnement en eau, en électricité, en hydrocarbures, en moyens de télécommunications ou toute autre ressource naturelle fondamentale ou service public ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines. «Constitue un acte de terrorisme le fait de constituer, de diriger ou d’adhérer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de commettre des infractions de terrorisme ou la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un des actes de terrorisme ci-dessus mentionnés ou de faire, même fortuitement ou à titre ponctuel, du terrorisme un moyen d’action en vue de la réalisation de ses objectifs », énonce l’alinéa 5 du même article. Evoquant justement les organisations terroristes, l’article 165 du code pénal les définit comme tout groupe de personnes : qui tente de commettre des actes terroristes par tout moyen, direct ou indirect, illégalement et délibérément ; qui participe, en tant que complice, à des actes terroristes ; qui organise des actes terroristes ou incite d'autres à en commettre ; qui contribue à la commission d’actes terroristes par un groupe de personnes agissant dans un but commun, lorsque cette contribution est délibérée et vise à favoriser l'acte terroriste ou qu'elle est apportée en sachant l'intention du groupe de commettre un acte terroriste. Il en ressort qu’une organisation politique ou civile ou même tout groupe de personnes, quel que soit son format, peut être qualifié d’organisation terroriste si ce groupe ou cette organisation soutient ou incite à des actes terroristes, ou met délibérément des informations sensibles à la disposition d’un groupe terroriste. Pour éviter tout amalgame relatif aux personnalités politiques impliquées dans des actes terroristes, le législateur nuance en l’article 164 du code pénal : «Les actes de terrorisme ne sont en aucun cas considérés comme des infractions politiques ».

Le terrorisme dans l’entendement de tous

Traditionnellement perçu comme tel, l’acte de terrorisme est aussi le fait de recevoir ou de donner un entraînement, sur le territoire national ou à l’étranger, en vue de commettre un acte de terrorisme, sur le territoire national ou à l’étranger ; le fait d’utiliser le territoire national, un navire battant pavillon béninois ou un aéronef immatriculé conformément à la législation béninoise au moment des faits, pour commettre un acte de terrorisme contre un autre Etat, ses citoyens, ses intérêts, ou contre une organisation internationale, ou pour y effectuer des actes préparatoires ; le fait de procurer des armes, explosifs, munitions ou autres matières, matériels ou équipements de même nature, à une personne, groupement ou entente en rapport avec des actes de terrorisme, de mettre des compétences ou expertises à leur service, ou fournir, directement ou indirectement, des informations en vue de les aider à commettre un acte de terrorisme; le fait d’appeler, par n’importe quel moyen, à commettre des actes de terrorisme, de procurer un lieu de réunions, de loger les membres d’une organisation terroriste ; d’inciter au fanatisme ethnique, racial ou religieux ou d’utiliser un nom, un terme, un symbole ou tout autre signe dans le but de faire l’apologie d’une organisation terroriste, de l’un de ses dirigeants ou de ses activités. Sont également assimilés aux actes de terrorisme, la simple menace de commettre un acte qualifié par le code pénal d’acte terroriste ; les fausses alertes malintentionnées ; la capture ou le détournement de tout moyen de transport ; le fait de ne pas signaler immédiatement aux autorités compétentes, les faits, informations ou renseignements relatifs à la préparation ou à la commission d’actes de terrorisme, dont l’on a eu connaissance, même étant tenu au secret professionnel.

De lourdes peines encourues

A infraction grave, peine grave Ainsi, toute personne coupable d’acte de terrorisme tel que décrit par le code pénal, est punie de la réclusion criminelle à perpétuité et ne peut bénéficier des aménagements de peine (liberté conditionnelle, fractionnement de peine…). Le législateur fait l’option d’appliquer cette sanction pour décourager tout acte et même toute tentative. C’est d’ailleurs pour cette raison que la même peine est encourue lorsqu’il s’agit d’une tentative d’acte de terrorisme. Que l’acte ait abouti ou pas, quiconque a tenté de commettre un acte terroriste est puni de la réclusion criminelle à perpétuité, sous réserve que les circonstances qui ont empêché la réalisation ne soient indépendantes de sa volonté. Et lorsqu’elle possède une autre nationalité, toute personne reconnue coupable d’acte de terrorisme est interdite de séjour sur le territoire de la République du Bénin. C’est pourquoi les personnes ayant une nationalité autre que la nationalité béninoise et qui ont été jugées pour des actes terroristes sont expulsées après l’expiation de leurs peines. Outre la tentative, la complicité, l’absence de dénonciation ou même la divulgation d’informations sont réprimées. A ce sujet, l’article 170 du code pénal précise : « Est puni de un (01) an à cinq (05) ans d’emprisonnement et d’une amende de un million (1 000 000) à cinq millions (5 000 000) de francs Cfa, quiconque : divulgue ou porte à la connaissance d’autrui des informations de nature à nuire au bon déroulement des investigations en cours, relatives à une infraction terroriste ; est au courant de la préparation d’un acte de terrorisme et n’en informe pas immédiatement les autorités administratives ou judiciaires ». Attention aux personnes qui incitent à la commission d’actes terroristes. Il arrive bien souvent que sous le feu de l’action et du zèle militantiste, d’aucuns appellent à des actions assimilées aux actes de terrorisme tels que décrits par le code pénal. Le législateur a prévu pour ceux-ci une lourde sanction. Ainsi, est puni d’un emprisonnement de huit (08) ans à dix (10) ans et d’une amende de vingt-cinq millions (25 000 000) à cinquante millions (50 000 000) de francs Cfa ou de l’une de ces deux peines seulement, celui qui fait publiquement l’apologie des actes de terrorisme ou qui incite directement à la commission d’actes de terrorisme. Mais pour encourager à la rétraction et à la dénonciation même lorsqu’on est déjà impliqué, le législateur a prévu un régime d’exemptions pour les personnes qui se décideraient à abandonner l’entreprise infractionnelle et à collaborer avec les autorités judiciaires pour en éviter la commission. Le code pénal, en ses articles 174 et 175, stipule : « Tout membre d’un groupement ou entente ou toute personne, planifiant un acte terroriste est exempté de la peine si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, il a permis d’éviter la réalisation de l’infraction et d’en identifier les auteurs ou complices… La peine encourue par l’auteur ou le complice d’un acte de terrorisme est réduite de moitié si, ayant averti les autorités administratives ou judiciaires, il a permis de faire cesser les agissements incriminés ou d’éviter que l’infraction n’entraîne mort d’homme ou infirmité permanente et d’identifier, le cas échéant, les autres coupables. Lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, celle-ci est ramenée à vingt (20) ans de réclusion criminelle ». Par ailleurs, une personne morale (entreprise, organisation, structure…) peut aussi être déclarée pénalement responsable d’actes de terrorisme. Dans le cas d’espèce, l’article 168 du code pénal prévoit : « Lorsqu’une personne morale est déclarée pénalement responsable d’actes de terrorisme, elle encourt les peines suivantes : l’interdiction définitive de l’activité, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ainsi que de toutes autres activités ; la confiscation de tout bien, avoir et l’interdiction de tout droit ».