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Après la tenue des municipales, communales et locales: Comment gérer le contentieux ?

Droits et Devoirs
Par   LANATION, le 02 juil. 2015 à 00h03

Les élections municipales, communales et locales passées, les résultats sont attendus. Dès après, cap sera mis sur l’élection des maires et de leurs adjoints. Cette formalité, autant que les élections elles-mêmes, peuvent donner lieu à des litiges. La Cour suprême sera alors appelée à les trancher, dans le cadre de sa fonction de juge du contentieux des élections municipales, communales et locales. Retour ici sur les modalités d’élections des exécutifs municipaux et communaux, et sur la gestion du contentieux.

Les maires actuellement en place devront commencer à faire leurs bagages, car dans quelques jours, la CENA devrait proclamer les résultats des élections du 28 juin dernier. Dès lors, dans un délai de quinze jours, l’installation des nouveaux conseils municipaux et communaux devra s’effectuer. A la même occasion, les nouveaux maires et leurs adjoints devront être élus (article 403 du code électoral). Puis, tenant sans doute compte des avatars des municipales, communales et locales de 2008, lorsque l’installation de certains conseils avait été bloquée ou reportée par des manœuvres politiciennes, le législateur a prescrit qu’«en tout état de cause, lorsque le Conseil communal ou municipal n’est pas installé dans les quinze (15)jours qui suivent la proclamation des résultats, sur saisine d’au moins deux (02) conseillers élus, la Cour suprême se saisit du dossier et procède à l’installation du maire dans les quinze (15) jours de sa saisine». Ce qui induit que dans ce cas, c’est la Cour suprême qui convoque les conseillers élus et supervise l’élection du maire et de ses adjoints. Mais c’est un scrutin uninominal secret et à la majorité absolue, qui détermine l’élection du maire et ses adjoints, suivant l’article 400 du code électoral. Dont le dernier alinéa renseigne que «le candidat aux fonctions de maire est proposé par la liste ayant obtenu la majorité absolue des conseillers». Cela revient-il à considérer que dans les cas où aucune liste n’a obtenu directement la majorité absolue, les alliances sont possibles en vue de constituer la majorité municipale ou communale. Quoi de plus normal ? Seulement, en ne prévoyant d’alternative claire au défaut d’obtention de majorité absolue par une liste, le législateur laisse penser que les alliances sont bien possibles. Ce qui, en pratique, ne résout pas vraiment le problème, puisqu’à l’intérieur d’une alliance, des concessions peuvent être faites à des partenaires mineures au point de les laisser prendre la mairie comme c’est déjà arrivé par le passé. Et quand l’article 401 du code prescrit que « pour chacune de ces fonctions, en cas d’absence de majorité absolue lors du premier tour de scrutin, il est procédé, en cas d’égalité de voix, à autant de tours qu’il sera nécessaire pour que le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages exprimés soit déclaré élu», il soulève un certain nombre d’ambigüités. Il postule que la majorité absolue n’est nécessaire qu’au premier tour de vote et semble soumettre la tenue d’autres tours de scrutin, à une égalité de voix entre candidats. Et, en envisageant «autant de tours qu’il sera nécessaire pour que le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages soit déclaré élu», il ne fixe pas de limite. Il aura été sans doute plus efficace d’envisager une limitation précise du nombre de tours en l’absence de majorité absolue.

La Cour suprême et le contentieux

L’ancrage juridique de la compétence de la Cour suprême sur le contentieux des élections municipales, communales et locales réside dans l’article 131 de la Constitution. Il est réaffirmé par l’article 449 du code électoral. Qui stipule en son dernier alinéa que «la Cour suprême est saisie en matière de contentieux des élections communales, municipales et locales par simple requête ». Une formalité simple, pour faciliter la tâche aux requérants. Mais «la requête doit mentionner les nom, prénoms et domicile du demandeur, les nom, prénoms, domicile du défendeur, les moyens d’annulation évoqués. Elle est datée et signée ou marquée d’empreinte digitale. Le requérant peut annexer à la requête les pièces produites au soutien de ses moyens. La Cour peut lui accorder un délai minimum de huit (08) jours pour la production de ces pièces.» En obligeant le demandeur à indiquer, entre autres mentions substantielles, l’adresse du défendeur, le législateur a probablement entendu freiner les abus, mais aussi permettre à la Cour suprême d’aller vite dans l’instruction des plaintes, au lieu de passer du temps à rechercher la partie défenderesse. Mais en donnant la possibilité à la Cour d’accorder un délai minimum de 8 jours au demandeur, aux fins de produire des pièces au soutien de ses moyens, le législateur fait probablement montre de laxisme. En effet, considérant que le plaignant devrait se donner la peine de rassembler les éléments de preuve sur la base desquels il introduit sa requête, n’eut-il pas été plus judicieux d’envisager les huit jours comme le délai maximum ? Autrement, comme le code prévoit un délai minimum, les justiciables non diligents ne se priveraient peut-être pas de solliciter des rallonges qui pourraient plomber la volonté de diligence affichée par le législateur et assignée à la Cour suprême … D’autant que, comment stipulé par l’article 124 dernier alinéa du code électoral, «la Cour suprême dispose de six (06) mois maximum à partir du début légal des recours pour rendre ces décisions et ordonner les reprises d’élections. Celles-ci doivent être regroupées en tout au plus deux scrutins». Cela postule qu’il y aurait un délai maximum au-delà duquel aucun recours ne devrait plus être introduit, ce qui ne transparaît pas dans la loi ; de sorte qu’il peut être considéré que tout recours qui arrive vers la fin ou au-delà des six mois, pourrait simplement être analyse en une requête ordinaire et traitée comme telle.
Par ailleurs, suivant l’article 453 du code, « il est imparti devant la Cour suprême en matière électorale, une procédure d’examen préalable des requêtes en vue de déterminer les recours susceptibles d’être dispensés d’instruction. Lorsqu’il apparaît, au vu de la requête introductive d’instance, qu’elle est manifestement irrecevable ou que la solution de l’affaire est d’ores et déjà certaine, le conseiller rapporteur rédige son rapport sans instruction préalable. Le président de la chambre en saisit le parquet qui doit prendre ses conclusions dans un délai maximum de trois (03) mois…

Rejeter par décision motivée ...

La cour peut, sans instruction contradictoire préalable, rejeter, par décision motivée, les requêtes recevables ou ne contenant que les griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l’élection. La décision est aussitôt notifiée aux parties.» De plus, lorsque la Cour suprême estime que la requête est recevable, elle en informe le défendeur ou, au besoin, son remplaçant et leur impartit un délai maximum de quinze (15) jours, pour prendre connaissance de la requête et des pièces au greffe et pour produire leurs observations écrites. Puis, dès réception de ces observations ou à l’expiration du délai imparti pour les produire, l’affaire est portée devant la Cour suprême qui statue par une décision motivée (article 454). A signaler que la cour peut, si elle le juge nécessaire, dépêcher l’un de ses membres pour aller procéder sur place à d’autres mesures d’instruction (article 455). Mais pour aboutir à quelles solutions ?
D’après les stipulations de l’article 456 du code, «sous réserve du cas d’inéligibilité du titulaire ou du remplaçant qui se révèlerait ultérieurement, la Cour suprême statue sur la régularité de l’élection tant du titulaire que du remplaçant. Si elle estime le recours fondé, elle peut par décision motivée, soit annuler l’élection contestée, soit réformer le procès-verbal des résultats établis et proclamer le candidat régulièrement élu. La décision est notifiée au ministre en charge de l’Administration territoriale, à la Commission électorale nationale autonome et au Conseil communal ou municipal». Dans tous les cas, toute partie intéressée peut saisir la Cour suprême d’une demande en rectification d’erreur matérielle d’une décision. Cette demande doit être introduite dans les mêmes formes que la requête introductive d’instance et dans un délai de quinze (15) jours à compter de la notification de la décision entachée d’erreur matérielle dont rectification est demandée (article 457). Erreur matérielle qui peut, le cas échéant, être rectifiée d’office par la Cour suprême elle-même lorsqu’elle en fait le constat dans l’une de ses décisions.