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Droit du travail: Le salaire, juste et équitable compensation

Droits et Devoirs
Droit du travail Droit du travail

Tout travailleur mérite son salaire. Entendu comme la contrepartie du travail rendu, le salaire doit être juste, équitable, conforme aux clauses contractuelles sans être contraire aux dispositions légales en la matière. Attention donc aux retenues fantaisistes, et aux paiements aléatoires.


Par   Anselme Pascal AGUEHOUNDE, le 28 juil. 2023 à 08h19 Durée 3 min.
#Droit du travail
Quels qu'en soient la dénomination et le mode de calcul, le terme "salaire" au sens de la loi N° 98-004 du 27 janvier 1998 portant Code du travail en République du Bénin, désigne « le traitement de base ou minimum et tous autres avantages payés directement ou indirectement en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier et fixés soit par accord, soit par des dispositions réglementaires ou conventionnelles », selon l’article 207 dudit code. Plus explicite, la loi 2017-05 fixant les conditions et la procédure d’embauche, de placement de la main-d’œuvre et de résiliation du contrat de travail en République du Bénin en son article 41, stipule : « Au sens de la présente loi, le salaire recouvre, quels qu'en soient la dénomination et le mode de calcul, les sommes ou les allocations en nature susceptibles d'être évaluées en espèces dues par l'employeur en contrepartie de la prestation de travail. Le salaire est déterminé par l'accord des parties dans le respect des conventions collectives et de la loi ». Il en ressort que le salaire n’est pas une bonification mais la rémunération correspondant à une prestation de travail conformément aux clauses contractuelles et dans le respect des conventions collectives et de la loi. De cette clarification, il importe de faire remarquer qu’un salaire prévu dans un contrat, même régulièrement signé, doit impérativement se conformer à la convention collective régissant le secteur et aux dispositions légales en vigueur.
Mieux, il y a une exigence d’égalité de traitement et de non-discrimination dans la détermination du salaire. Une exigence qui trouve d’ailleurs son ancrage dans la Constitution béninoise. « A travail de valeur égale, le salaire est égal pour tous les travailleurs quels que soient leur origine, leur sexe, leur âge, leur statut et leur confession, dans les conditions prévues au présent code », précise l’article 208 du Code du travail. 
Par ailleurs, si tout travailleur mérite son salaire, il va sans dire que celui qui n’a délibérément pas travaillé ne saurait exiger quelque contrepartie. « Le salaire étant la contrepartie du travail fourni, aucun salaire n'est dû en cas d'absence, sauf dans les cas prévus par la réglementation, les conventions et accords collectifs et le contrat individuel de travail», nuance l’article 209 du Code du travail. Exception faite bien-sûr des congés payés, des permissions régulièrement obtenues, de la mise en œuvre des prérogatives légales relatives au droit de grève…, qui ne constituent pas des absences délibérées.

De la détermination du salaire

« Aucun salaire ne peut être inférieur au salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig) fixé par décret pris en Conseil des ministres sur rapport du ministre chargé du Travail après avis motivé du Conseil national du travail. Le salaire minimum interprofessionnel garanti peut être révisé tous les 3 ans ou en cas de besoin ». Voilà ce que prescrit l’article 210 de la loi N° 98-004 du 27 janvier 1998 portant Code du travail en République du Bénin, qui consacre son titre V au salaire. En principe, nul ne saurait parapher un contrat de travail pour lequel la rémunération est inférieure au Smig. Une sanction est prévue au Code du travail à l’encontre de tout employeur qui enfreint cette disposition. Il s’agit, conformément à l’article 309 du Code du travail, d'une amende de 14 000 à 70 000 francs appliquée autant de fois que l’infraction est constatée. Si un employeur embauche pour moins du Smig quatre employés, l’amende est appliquée sur chaque contrat. Pour rappel, le Smig a été récemment relevé et s’établit à la somme de 52 mille francs Cfa. 
La nouvelle loi sur les conditions d’embauche fait en outre ressortir l’obligation de fixer le salaire conformément aux conventions collectives. « Le salaire minimum pour chaque catégorie professionnelle est fixé par voie des conventions collectives de travail. A défaut, un décret est pris en Conseil des ministres après avis du Conseil national du travail», peut-on lire à l’article 42 de ladite loi. Et la peine pécuniaire prévue en l’article 54, est plus corsée dans le présent texte. L'employeur ou le représentant de l'employeur qui, intentionnellement, porte atteinte à ce principe de rémunération encourt une peine d'amende de dix mille (10 000) à cent mille (100 000) francs et le double de cette peine, en cas de récidive.
Par ailleurs, le législateur encadre également le travailleur à la tâche qui pourrait se retrouver lésé du fait de la particularité de son contrat. Ainsi, la rémunération d'un travail à la tâche ou aux pièces doit être calculée de telle sorte qu'elle procure au travailleur, de capacité moyenne, et travaillant normalement, un salaire au moins égal à celui du travailleur rémunéré à temps effectuant un travail analogue.

Les modalités liées au paiement du salaire

Vous travaillez au Bénin, faites-vous payer en francs Cfa. Le Code du travail en son article 220 l’énonce clairement : « Le salaire doit être payé en monnaie ayant cours légal nonobstant toute stipulation contraire. Le paiement de tout ou partie du salaire en alcool ou boissons alcoolisées, drogues est formellement interdit. Le paiement de tout ou partie du salaire en nature est également interdit sous réserve des dispositions du présent code. Aucun employeur ne peut restreindre la liberté du travailleur de disposer de son salaire à son gré ». Il s’en dégage qu’un pot partagé entre l’employeur et l’employé à la fin du mois, ne vaut pas salaire. Et, pour se conformer aux moyens de paiement modernes, la loi 2017-05 fixant les conditions et la procédure d’embauche, de placement de la main-d’œuvre et de résiliation du contrat de travail en République du Bénin précise en son article 43 : « Le salaire est payé en monnaie ayant cours légal en République du Bénin, par chèque ou par virement à un compte bancaire, postal, électronique ou en espèces, nonobstant toute stipulation contraire, à peine de nullité ».
En principe, le salarié rémunéré au travail par mois devrait recevoir sa paie au plus tard huit jours après la fin du mois de travail qui donne droit au salaire. Généralement, le salaire doit être payé à intervalles réguliers ne pouvant excéder un mois pour les travailleurs dont la rémunération est stipulée au mois et quinze jours pour les travailleurs dont la rémunération est stipulée à l'heure. Tout employeur qui enfreint ces dispositions est puni d'une amende de 14 000 à 70 000 francs appliquée autant de fois qu'il y a d'infractions constatées. Les employés rémunérés au travail par mois peuvent recevoir sur leur demande, au bout de quinze jours, un acompte portant au plus sur la moitié de la quotité mensuelle de leur rémunération de base. On parle usuellement d’avance sur salaire. Laquelle situation doit obligatoirement être apurée lors du paiement immédiatement consécutif. Il n’est pas possible d’accumuler des avances sur salaires sur plusieurs mois.
L’employeur est tenu de délivrer au travailleur au moment du paiement, un bulletin de paie individuel ou tout autre document admis. Dans le cas où le travailleur relèverait des erreurs sur une de ses fiches, qu’elle soit récente ou passée ; l'acceptation sans protestation par le travailleur du bulletin de paie en son temps, ne peut valoir renonciation de sa part au paiement de tout ou partie du salaire, des indemnités et accessoires du salaire qui lui sont dus en vertu des dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles. Le travailleur peut toujours intenter une action en paiement de salaire ou des accessoires, primes et indemnités de toute nature, à condition que l’action tienne dans la période de prescription fixée à trois ans. La prescription court à compter de la date à partir de laquelle le salaire est exigible. Toutefois, le législateur nuance : « Elle est suspendue lorsqu'il y a compte arrêté, cédule ou obligation, ou citation en justice non prescrite ou lorsque l'inspecteur du travail a été saisi du différend individuel. Dans ce dernier cas, une attestation du service du travail mentionne la date à laquelle il a été saisi de ce différend ». En outre, le paiement du salaire doit être constaté par une pièce dressée ou certifiée par l'employeur ou son représentant et émargée par chaque travailleur ou par deux témoins, si ce dernier est illettré. C’est pourquoi certaines entreprises, outre la fiche de paie, tiennent également des listes d’émargement.

Pas de retenues fantaisistes sur le salaire

En règle générale, il est interdit à l'employeur d'infliger des amendes sur le salaire. L’article 215 du Code du travail est explicite là-dessus. L’article suivant présente les exceptions qui peuvent faire l’objet de retenues sur salaire. Il s’agit en l’occurrence des prélèvements obligatoires, des remboursements et consignations prévus par les lois, les conventions collectives, les contrats individuels de travail. L'employeur doit prélever d'office sur les salaires les cotisations des travailleurs et les verser aux institutions de sécurité sociale dans les conditions fixées par la réglementation en vigueur ou par les statuts desdites institutions. « L'autorité compétente fixe les plafonds des retenues à opérer au titre de la cotisation du travailleur aux institutions obligatoires ou autorisées de sécurité sociale, ainsi que les modalités pratiques de versement de ces cotisations par l'employeur aux institutions intéressées », précise l’article 217 du Code du travail.