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Irresponsabilité pénale et atténuation: Les conditions fixées par le code pénal

Droits et Devoirs
Par   Anselme Pascal AGUEHOUNDE, le 17 mars 2023 à 12h51
La responsabilité pénale est invoquée lorsqu’il y a infraction à la loi pénale. Elle vise à réprimer une atteinte à l’ordre public et fait répondre les mis en cause de leurs actes. Mais il arrive bien souvent que dans un procès, l’on disqualifie la responsabilité pénale de celui qui pourtant est l’auteur de l’infraction. Il est alors utile de comprendre comment s’apprécie la responsabilité pénale à la lecture du code pénal. Dans son titre II consacré à la responsabilité pénale, la loi 2018-16 portant code pénal en République du Bénin dispose en son article 15 : « Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ». Et pour mettre l’accent sur l’invalidité des excuses et arguments fallacieux, le législateur stipule dans l’article suivant : « L’ignorance de la loi pénale, le mobile, l’erreur sur la personne de la victime ou sur l’objet de l’infraction ainsi que le pardon de la victime, sont sans conséquence sur l’existence de la responsabilité. Ils peuvent cependant être pris en compte dans l’appréciation par la juridiction de la mesure de la peine ». Il est clair que l’on ne peut prétexter d’une quelconque ignorance de la loi ou d’excuses présentées pour prétendre à une exclusion de responsabilité pénale. Le législateur est rigide en la matière, car au pénal, la loi est d’application stricte. Toutefois, il existe des causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de la responsabilité pénale qui sont explicitement prévues. Ouvrant le chapitre des causes d’irresponsabilité, l’article 24 de la loi 2018-16 portant code pénal en République du Bénin stipule : « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable. Toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime ». Les deux alinéas de cet article amènent à faire la nuance entre deux participes passés : aboli et altéré. Le législateur fait une distinction entre les troubles psychiques ou neuropsychiques ayant aboli le discernement du mis en cause et les troubles psychiques ou neuropsychiques ayant altéré le discernement. Il est question de savoir si l’inculpé au moment des faits ne possédait pas du tout ses facultés mentales ou s’il était simplement dans un état qui a influencé ses facultés mentales. Dans le premier cas, le mis en cause n’est pas pénalement responsable, mais dans le second cas, il demeure punissable. Dans la même logique, l’article 25 du code pénal indique :« N’est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l’emprise d’une force ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pu résister ». Le législateur, quoique strict et dur en matière pénale, met les balises nécessaires pour que ne soit pas condamnée la personne qui a commis l’infraction sans pouvoir résister à une contrainte. L’on peut imaginer le cas de figure où le mis en cause est drogué par une personne malveillante et commet une infraction sous l’effet de cette drogue. Par ailleurs, l’article 27 nuance: «N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires. N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal». C’est pourquoi en matière de responsabilité civile, le principe de la légalité s’impose. L’infraction doit avoir été prévue comme étant une infraction à la loi pénale. Mais l’alinéa 2 de cet article met en exergue la nécessité pour tout exécutant de se dérober de la commission d’un acte illégal même si l’ordre vient de l’autorité légitime. Un argument comme : « C’est le ministre qui m’a demandé de commettre le crime », n’exclut pas la responsabilité de l’auteur sans préjudice de la mise en œuvre de la responsabilité du commanditaire. La légitime défense est bien souvent invoquée pour exclure la responsabilité pénale du mis en cause ou tout au moins atténuer sa responsabilité. L’article 28 du code pénal stipule : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit dans le même temps un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte ». Deux nuances sont à faire : elles sont relatives à la gravité de l’atteinte ayant conduit à la légitime défense et aux moyens qui doivent être proportionnels. Si quelqu’un vous administre une paire de gifles et en riposte vous brisez une bouteille sur sa tête et qu’il en arrive à porter des blessures graves ou à en mourir, l’excuse de légitime défense ne sera pas valable ni au regard de la gravité de l’atteinte ni des moyens utilisés. L’alinéa suivant du même article met en scène un autre cas de figure : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction ». L’assistance à personne en danger ne doit pas amener à utiliser des moyens disproportionnés. Vouloir délivrer un voisin de la menace d’un voleur de cabris n’autorise pas à utiliser une machette en plein jour pour en découdre avec ledit voleur. Mais le code pénal reconnait la légitime défense pour « celui qui accomplit l’acte pour repousser de nuit, l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ; ou pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence.» Quant aux mineurs capables de discernement, conformément à l’article 31 du code pénal, ils sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, dans les conditions fixées par une loi particulière qui détermine les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation dont ils peuvent faire l’objet. « Cette loi détermine également les sanctions éducatives qui peuvent être prononcées à l’encontre des mineurs de dix (10) ans à treize (13) ans ainsi que les peines auxquelles peuvent être condamnés les mineurs de treize (13) ans à moins de dix-huit (18) ans, en tenant compte de l’atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge », précise l’article 31 du code pénal.

Responsable même en cas de tentative criminelle

Généralement, exception faite des causes d’irresponsabilité et d’atténuation, l’auteur d’une infraction est pénalement responsable de ses faits.Est auteur de l’infraction la personne qui commet les faits incriminés ou tente de commettre un crime. C’est dire que la tentative est punissable en matière criminelle et selon les dispositions de la loi, en matière délictuelle. L’article 21 précise: « La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d’exécution, elle n’a été suspendue ou n’a manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ». Dès lors, l’auteur d’une tentative qualifiée conformément à la définition donnée par le code pénal, est tout aussi responsable que si le crime était consommé. Faut-il le préciser, auteur, coauteur ou complice, commanditaire…, tous peuvent voir leur responsabilité engagée dans une même affaire pénale. S’agissant des complices, les articles 22 et 23 du code pénal clarifient et mettent en garde: « Est complice d’un crime ou d’un délit, la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir aura provoqué une infraction ou donné des instructions pour la commettre. Est également complice la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation. Les complices d’un crime ou d’un délit sont punis de la même peine que les auteurs mêmes de ce crime ou de ce délit, sauf si la loi en dispose autrement » ■