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Prolifération des Centres d’accueil et de protection des enfants au Bénin: Quels sont les normes et standards applicables ?

Droits et Devoirs
Par   LANATION, le 16 juin 2016 à 07h56

La prolifération des Centres d’accueil et de protection des enfants a été préoccupante ces dernières années. A telle enseigne qu’on se demande si c’est toujours pour le bien des enfants ou plutôt pour garantir une activité à leurs promoteurs. Tant et si bien que l’Etat a été obligé, en 2012, de fixer des normes et standards indispensables à remplir par lesdits centres dont les promoteurs devraient faire un bréviaire.

Par décret N° 2012-416 du 06 novembre 2012, fixant les normes et standards applicables aux Centres d’accueil et de protection d’enfants (CAPE) en République du Bénin, l’Etat entend réglementer le secteur. Aux termes de ce décret, il faut entendre par normes et standards, «l’ensemble des conditions physiques, psychologiques, des mesures législatives, administratives, sociales, culturelles et éducatives appropriées que doivent respecter les centres d’accueil et de protection d’enfants pour garantir aux enfants une sécurité et une protection de remplacement de qualité.» Est, Enfant en situation difficile, «Tout enfant ayant besoin de mesures spéciales de protection. Il s’agit en particulier de tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu». Quant au Centre d’accueil et de protection d’enfants (CAPE), c’est «Un centre reconnu par l’Etat qui s’investit dans le domaine de l’accueil et de la protection d’enfants en situation difficile, pour une durée variable et limitée».

En effet, un Centre d’accueil et de protection d’enfants peut être ouvert ou fermé. Il est dit ouvert lorsque les enfants sont libres de venir au centre, d’y rester ou de partir selon l’organisation et suivant le règlement intérieur du centre. Il est dit fermé lorsque les règles sont plus strictes ; l’entrée et la sortie des enfants sont règlementées et sont obligatoirement sous la surveillance des responsables du centre.
Les principes de base de tout CAPE sont de promouvoir la prévention de la séparation familiale, la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, la non discrimination, le développement de l’enfant et le soutien aux familles. Cela dit, le décret de 2012 identifie plusieurs types de centre d’accueil et de protection de l’enfant.

Des différents types de CAPE

Suivant l’article 4 du décret visé, «on peut distinguer plusieurs types de centres d’accueil et de protection d’enfants. Il s’agit des orphelinats, des centres de transit, des centres résidentiels de long séjour, des centres mixtes, des crèches-garderies, des haltes garderies et des centres spécialisés. Si l’orphelinat est un centre qui accueille et prend en charge des enfants de la naissance à l’âge de moins de 18 ans ayant perdu un ou les deux parents géniteurs ; où on peut aussi admettre les enfants sans trace de famille (bébé abandonné, enfant courant le risque d’infanticide, etc.), les enfants nés d’une mère malade mentale ou souffrant d’autres maladies graves. Dans tous les cas, la famille étant le cadre idéal pour le développement de l’enfant, l’admission d’un enfant dans un orphelinat doit être le dernier recours. En outre, le décret distingue plusieurs types d’orphelinat. Il s’agit de l’orphelinat pouponnière qui accueille les enfants de la naissance à l’âge de trois ans. C’est un centre qui éveille le nourrisson à la vie en lui administrant les soins et l’alimentation adéquats. Son principe est fondé sur une prise en charge psychosociale favorable à une évolution optimale. Ce centre gère par conséquent la vaccination et l’apprentissage à la locomotion et à la diction. Il s’agit aussi de l’orphelinat du jeune enfant qui accompagne la socialisation de l’enfant, la préscolarisation et le primaire. On y accueille des enfants de 3 à 12 ans. Il s’agit enfin de l’orphelinat de l’adolescent qui accueille des enfants de 12 à moins de 18 ans et qui les prépare à s’insérer dans la vie active (article 5).
Comme autre type de CAPE, l’article 6 du décret vise les centres de transit. Ce sont les centres qui accueillent les enfants en situation difficile pour des séjours de courte ou moyenne durée. Les enfants viennent pour y passer au plus trois mois (dans les cas normaux) pour des soins et prise en charge avant d’être réintégrés dans leurs familles d’origine ou dans des familles d’accueil ou pour être transférés dans des centres de long séjour. Mais pour des raisons diverses, certains centres de transit peuvent exceptionnellement garder des enfants pour de longs séjours. Quant à l’article 7, il est consacré aux centres résidentiels de long séjour. Ce sont ceux qui accueillent les enfants pour des séjours de plus de trois mois. Ce sont des centres qui accueillent des enfants obligés d’être séparés de leur milieu familial pour une longue durée et dans leur intérêt supérieur.
Quid des centres mixtes ? L’article 8 les définit comme ceux qui accueillent et protègent sur le même site des enfants des deux sexes (filles et garçons). L’article 9, pour sa part, se rapporte aux haltes-garderies. Qui sont définies comme des établissements équipés pour accueillir dans la journée, des enfants bien portants âgés de moins de trois ans dont les parents ne peuvent s’occuper aux heures ouvrables. Ces centres peuvent aussi accueillir des enfants de plus de trois ans pendant les heures de pause ou pendant les vacances. L’article 10 vise les centres spécialisés. Ce sont des centres adaptés à des problématiques spécifiques. Il peut s’agir de centres de réhabilitation de mineurs, d’enfants handicapés ou victimes de maladies et/ou préjugés sociaux. Ils exigent des équipements spéciaux et du personnel spécialisé. Des dispositions doivent être prises pour réduire ou éviter la stigmatisation des enfants. Enfin l’article 11 envisage les crèches-garderies. Il s’agit des établissements destinés à recevoir dans la journée les enfants de moins de trois ans dont les parents travaillent.
On note que la fréquentation des haltes-garderies et crèches-garderies est bien encadrée par le décret. En effet, ces centres sont réputés accueillir des enfants en dessous de 3 ans d’âge dont les parents travaillent et ne peuvent, par conséquent, s’occuper aux heures ouvrables. Si les haltes-garderies accueillent des enfants au-dessus de 3 ans, ce ne serait qu’aux heures de pause ou pendant les vacances. Ces dispositions suggèrent que l’Etat entend promouvoir, au mieux, la croissance de l’enfant dans son milieu familial. Seulement, il n’est pas évident que la pratique révèle le strict respect des normes ainsi posées.

Des conditions strictes

C’est d’ailleurs pourquoi la création d’un CAPE est strictement encadrée. Ainsi, «Tout promoteur de CAPE doit : être un homme ou une femme ou une personne morale ayant de la vocation pour l’enfance et qui est prêt à prendre en charge l’enfant ; avoir trois personnes de référence qui attestent de sa bonne moralité; avoir des ressources suffisantes ou fournir la preuve de mobilisation de ressources ou de partenariat pour le fonctionnement du centre ; avoir la collaboration du chef du Centre de promotion sociale de la localité; avoir un emploi stable et rémunéré ou à défaut avoir une source crédible de revenus; justifier d’un diplôme en sciences sociales ou formations connexes s’il est en même temps le Directeur du centre; justifier d’un titre de propriété temporaire ou définitif sur le terrain et/ou maison qui abrite le centre (un titre foncier, un permis d’habiter, un arrêté communal attestant une donation de la parcelle, un contrat de bail d’une durée d’au moins deux ans)» (article 12).
En outre, tout CAPE doit être implanté dans un milieu viabilisé (lieu accessible, électrifié, eau, couvert par les réseaux téléphoniques, etc.); être moins isolé de la ville ou du centre village; être situé en dehors du bruit nuisible, des zones inondables et des marécages (article 13). De même, tout CAPE doit être en matériaux définitifs ou solides; être convenablement clôturé avec un portail et une enseigne clairement visible et mis en sécurité avec placement des matériels de détecteurs et d’extincteurs d’incendie ; comporter des mesures d’accès facile aux enfants souffrant d’un handicap. Ces mesures doivent inclure des solutions pratiques telles que des rampes d’accès, des poignées et des sanitaires adaptés. Les centres qui accueillent des enfants handicapés doivent tenir compte des besoins spécifiques de ces enfants. Tout CAPE doit disposer des installations adéquates à savoir : un ou des locaux administratifs (bureaux responsables et/ou collaborateurs); une ou plusieurs salles d’écoute, bien disposées et à porter de vue de tous ; un ou plusieurs dortoirs d’étendue convenable à la capacité du centre (supérieur ou égal à 2m²/enfant); un ou des aires de jeux; des salles d’eaux et cabines d’aisance ; des douches et /ou salles de bain; une buanderie; un réfectoire ou un système équivalent; un système d’approvisionnement en eau potable (eau de bonne fontaine ou à défaut d’un puits ou de citerne de conservation d’eau); un système adéquat d’alimentation en électricité (installation non apparente); des salles de classes scolaires ou d’alphabétisation (en cas de besoin); des ateliers/salles de formation professionnelle et adaptés au métier (en cas de besoin); des dispositifs pour la protection de l’environnement; des équipements (roulants, informatiques, de cuisine, de couchage, etc.) selon les besoins du centre; une infirmerie obligatoire lorsque l’effectif dépasse 80 enfants; une salle d’études équipée, aérée et bien éclairée pour préserver la santé visuelle des enfants (article 14).
A l’appui de ces conditions d’agrément, celles de placement des enfants édifient aussi sur le souci de l’Etat d’assurer leur protection.

Des conditions de placement

Aux termes de l’article 18 du décret, les groupes d’âge considérés sont: 0 à 3 ans (nourrisson); 3 à 8 ans (petite enfance); 8 à 12 ans (préadolescence); 12 à moins de18 ans (adolescence). Et chaque centre peut se spécialiser dans une tranche donnée ou combiner deux ou plusieurs à conditions d’en avoir les moyens humains, matériels et financiers et après en avoir fourni les preuves aux différentes structures du ministère en charge de la famille qui en constatent l’effectivité. L’article 19 stipule que «la décision de placement doit impliquer au moins une structure de l’Etat. Elle peut être prise par les instances suivantes: la Gendarmerie, la Police, le Centre de promotion sociale, l’Office central de protection des mineurs, le Tribunal, le Juge des enfants, les autorités locales, etc. Elle peut être aussi prise par un autre centre d’accueil pour les cas de transfert dans l’intérêt de l’enfant ou en respect de la cible du centre. Dans tous les cas, l’accueil d’un enfant dans un centre est subordonné à l’obtention d’une ordonnance de placement provisoire délivrée par l’autorité compétente (Président du tribunal ou juge des enfants) ou à défaut d’un ordre de mise à disposition délivré par un Officier de police judiciaire.
Si pour une raison ou une autre, ces autorisations n’ont pas été obtenues, les responsables du centre en font la demande dans les 72 heures qui suivent l’accueil. Les responsables des centres peuvent effectuer une enquête sociale s’ils en ont les compétences ou solliciter l’aide du chef/CPS de la localité en vue de motiver l’accueil ou le placement. En cas d’urgence, le C/CPS peut procéder, à titre conservatoire à un placement administratif dans un centre d’accueil. Il saisit le juge dans les 48 h qui suivent sa décision.
Pour les crèches-garderies qui sont des centres de jour et pour les centres ouverts, l’autorisation ou l’acte de placement n’est pas nécessaire. Mieux, suivant l’article 20 du décret, «Tout placement d’enfant dans un centre est subordonné à la production d’un dossier comprenant les pièces suivantes, dans la mesure du possible et selon les exigences de sa problématique. Il s’agit de la fiche de renseignements (sur l’enfant, sa famille, sa problématique), la fiche de suivi individuel de l’enfant, l’acte de placement qui peut être une décision administrative, une ordonnance de placement, un ordre de mise à disposition (obligatoire), le rapport d’enquête sociale; le rapport d’observation, le dossier médical (certificat médical, carnet de vaccination, bilan de santé) évaluant l’état sanitaire de l’enfant; l’extrait d’acte de naissance ou le jugement supplétif s’il en existe éventuellement; le certificat de scolarité ou de radiation de l’établissement fréquenté par l’enfant; le certificat d’indigence des parents, le cas échéant, le document sur les rapports d’entretien; les bulletins de notes ; la photo d’identité; le ou les certificat (s) de décès du ou des parent(s) décédé(s). En outre, l’article 21 prescrit que «le dossier individuel est confidentiel et classé au niveau de l’administration du centre. Il est régulièrement mis à jour et complété au vu des événements qui interviennent dans la vie de l’enfant. Et l’article 22 exige que « Chaque enfant a un numéro qui le suit durant son séjour dans le centre. Ce numéro sera porté sur tout ce qui le concerne. De même, suivant l’article 23, un registre de tous les enfants doit exister au centre et doit être convenablement et régulièrement mis à jour. Les statistiques des enfants doivent être convenablement tenues et vérifiables. Le registre doit comporter les renseignements comme nom et prénoms, date et lieu de naissance, statut/motif, adresse de la personne à contacter.