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Règlement des conflits collectifs de travail: De la conciliation à l’arbitrage

Droits et Devoirs
Dans le règlement des conflits collectifs de travail, les  procédures de conciliation et d’arbitrage sont gratuites Dans le règlement des conflits collectifs de travail, les procédures de conciliation et d’arbitrage sont gratuites

En milieu de travail, lorsqu’un différend oppose le travailleur à l’employeur, on parle de litige individuel. Mais lorsque le différend oppose un groupe de travailleurs à l’employeur ou à un groupe d’employeurs, on parle de conflit collectif de travail. Et pour le règlement des conflits collectifs, le code du travail en vigueur en République du Bénin prévoit deux étapes que sont la conciliation et en cas d’échec, l’arbitrage.


Par   Anselme Pascal AGUEHOUNDE, le 01 sept. 2023 à 10h34 Durée 3 min.
#Règlement des conflits collectifs
Qu’il s’agisse du litige individuel ou collectif en milieu de travail, le législateur priorise l’approche consensuelle. Cela se laisse entendre ! Si pour une mésentente, l’une des parties doit recourir aussitôt à la justice ; quelle que soit l’issue du procès, la relation de travail part en vrille. Le but recherché n’étant pas de monter l’employé contre son employeur pour un combat juridique à l’issue duquel l’employé s’en sort, le plus souvent, éreinté ; le législateur semble être davantage enclin au dépassement de la mésentente afin de préserver la relation de travail. Ainsi, pour la résolution des conflits collectifs de travail, le législateur béninois prévoit la conciliation et au besoin l’arbitrage. 
Faut-il le rappeler, le différend collectif est celui qui oppose une collectivité de salariés organisés ou non en groupement professionnel à un employeur ou à un groupe d’employeurs. Ce litige est caractérisé par la nature collective de l’intérêt en jeu. Conformément à l’article 253 de la loi 98-004 du 27 janvier 1998 portant code du travail en République du Bénin, tout différend collectif doit être immédiatement notifié par les parties soit à l’inspecteur du travail lorsque le conflit est limité au ressort d’une inspection départementale du travail ; ou au directeur du travail lorsque le conflit s’étend sur les ressorts de plusieurs inspections départementales du travail. Le service compétent du travail, ainsi saisi, convoque les parties en vue de procéder à leur conciliation. Les parties composées de plusieurs individus n’étant pas constitués en groupement, mandatent explicitement un représentant pour porter formellement leurs prétentions lors de la conciliation. A l’issue de la tentative de conciliation, le service du travail établit, séance tenante, un procès-verbal constatant soit l’accord, soit le désaccord partiel ou total des parties. Les parties contresignent le procès-verbal et en reçoivent copie. L’accord de conciliation ainsi établi, devient exécutoire par les parties au jour du dépôt au greffier du tribunal du ressort territorial. Cet accord produit effet à dater du jour de la notification du conflit au service compétent du travail ; sauf stipulation contraire explicitement consentie par les parties. C’est dire que si le différend concerne des primes légitimes non perçues par un groupement d’employés ; au cas où les parties s’accordent à faire droit à ces primes, l’accord prend effet à partir du moment où le litige a été porté devant le service compétent. A moins que les parties se soient explicitement entendues pour donner effet à cet accord, à compter du jour où lesdites primes sont censées être dues, ou à compter d’une date consensuellement négociée. En cas d’échec de la conciliation, le différend est obligatoirement soumis au conseil d’arbitrage par l’inspecteur ou le directeur du travail, dans un délai de huit jours francs.

Procédure d’arbitrage

Conformément à l’article 257 de la loi 98-004 du 27 janvier 1998, l’arbitrage des différends collectifs du travail non réglés par la conciliation est assuré par un conseil d’arbitrage institué dans le ressort de chaque cour d’appel. Le conseil d’arbitrage est présidé par le président de la cour d’appel ou son délégué et comprend : un magistrat de la cour d’appel désigné par le président ; le président du tribunal du travail du ressort ; un secrétaire choisi parmi les greffiers de la cour d’appel ; deux assesseurs employeurs et deux assesseurs travailleurs, désignés par le ministre chargé du Travail. Pour garantir au mieux la transparence, les personnes ayant participé à la conciliation ou qui sont intervenues à un niveau quelconque du règlement, ne peuvent être désignées dans les fonctions d’assesseurs. Le conseil d’arbitrage peut statuer sur d’autres objets que ceux déterminés par le procès-verbal de non conciliation ou ceux qui, résultant d’événements postérieurs à ce procès-verbal, sont la conséquence directe du différend en cours. Il statue, en droit, sur les différends relatifs à l’interprétation et à l’exécution des lois, règlements, conventions collectives ou accords d’établissement en vigueur. Il statue, en équité, sur les autres différends, notamment ceux qui portent sur les salaires ou sur les conditions de travail quand celles-ci ne sont pas fixées par les dispositions des lois, règlements, conventions collectives ou accords d’établissement en vigueur ainsi que sur les différends relatifs à la négociation et à la révision des clauses des conventions et accords collectifs. Il ressort que le conseil d’arbitrage statue en tenant compte du droit notamment du cadre juridique qui régit la relation de travail entre les parties au cas où le différend résulte d’un droit prévu dans les dispositifs légaux et réglementaires. Mais lorsque le différend porte sur une situation non prévue expressément par les dispositifs, les parties s’en remettent au sens d’équité du conseil d’arbitrage. 
Dans le règlement du conflit collectif, le conseil d’arbitrage a les plus larges pouvoirs pour s’informer de la situation économique des entreprises et de la situation des travailleurs intéressés par le conflit. Il peut procéder à toutes enquêtes auprès des entreprises et syndicats et requérir des parties la production de tout document ou renseignement d’ordre économique, comptable, financier, statistique ou administratif susceptible de lui être utile pour l’accomplissement de sa mission. Il peut recourir aux offices d’experts comptables agréés et généralement de toute personne qualifiée susceptible de l’éclairer. Le conseil d’arbitrage juge sur pièces, mais il peut entendre les parties si celles-ci le requièrent. La sentence arbitrale est notifiée immédiatement aux parties par le président du conseil d’arbitrage. Si à l’expiration d’un délai de quatre jours à compter de la notification, aucune des parties ne manifeste son opposition, la sentence acquiert force exécutoire. En cas d’insatisfaction, l’opposition à la décision, pour être recevable, doit être formée par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au président du conseil d’arbitrage. L’exécution de la sentence arbitrale non frappée d’opposition est obligatoire. Elle produit effet, sauf stipulation contraire, à dater du jour de la notification du conflit au service compétent du travail du ressort. La minute de la sentence arbitrale est déposée au greffe de la cour d’appel. Le code du travail dispose explicitement en son article 263, que les procédures de conciliation et d’arbitrage sont gratuites.

Favoriser une juste application

Lorsqu’un accord de conciliation ou une sentence du conseil d’arbitrage, devenue exécutoire, porte sur l’interprétation des clauses d’une convention ou d’un accord collectif sur les salaires ou sur les conditions de travail, cet accord ou cette sentence produit les effets d’une convention ou d’un accord collectif de travail. Si l’accord ou la sentence est intervenu en vue de régler un conflit survenu dans une branche d’activités où une convention collective a été étendue, cet accord ou cette sentence doit, à la demande des organisations syndicales signataires de la convention collective étendue, faire l’objet d’un arrêté d’extension. Le législateur dispose ainsi pour que la décision de justice puisse, d’une part s’étendre à toute situation similaire pour les individus relevant d’une même convention de travail et d’autre part, donner la possibilité à tous les individus ou collectifs d’individus membres d’un même groupement, de profiter d’une décision plus bénéfique.
Les accords de conciliation ainsi que les sentences du conseil d’arbitrage sont immédiatement insérés au journal officiel et affichés dans les bureaux de l’inspection du travail du ressort et de la direction du travail. Les sentences arbitrales qui ont acquis force exécutoire peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ou violation de la loi. Ce recours est introduit devant la cour suprême et jugé dans les délais, formes et conditions des pourvois en cassation en matière civile. 
A la lumière du code du travail, la grève ne peut être déclenchée qu’en cas d’échec des négociations devant l’inspecteur ou le directeur du travail. L’échec des négociations doit être constaté séance tenante par procès-verbal de l’inspecteur ou du directeur du travail signé des parties et visé de l’inspecteur ou du directeur du travail. Aujourd’hui, la grève est autrement encadrée. Elle est si précieuse, que les travailleurs ne la gaspillent plus pour un fait bénin.