La Nation Bénin...
Le
Tribunal de commerce de Cotonou a prononcé la liquidation judiciaire du
Comptoir de distribution de produits alimentaires (Cdpa Sarl), fleuron de
l'agroalimentaire béninois. Retour sur une chute marquée par des dettes
colossales, des négociations infructueuses et des engagements non respectés.
La société Comptoir de distribution de produits alimentaires (Cdpa Sarl) de l’opérateur économique Jean-Baptiste Satchivi est placée sous administration pour cessation d'activités. Le vendredi 22 novembre dernier, le Tribunal de commerce de Cotonou a officialisé la liquidation judiciaire de l’entreprise, autrefois emblématique du secteur agroalimentaire au Bénin. Ce verdict a marqué la fin de plusieurs années d'efforts visant à redresser les finances d'une société en difficulté, malgré des initiatives comme le concordat signé en 2021 pour rééchelonner ses dettes. Désormais, un liquidateur prendra en charge la gestion des actifs et passifs de l'entreprise, sous la surveillance d'un juge commissaire. Pour Maître Victorien Olatoundji Fadé, avocat de Cdpa Sarl, cette liquidation était inévitable. « Les organes réguliers de la société ne peuvent plus fonctionner à présent. Le liquidateur nommé va réaliser l’actif pour répondre du passif de la société», précise-t-il. Créée pour répondre aux besoins croissants du marché agroalimentaire béninois, la société Cdpa Sarl avait tout pour réussir. En 2013, l'entreprise avait obtenu un prêt d’environ 6,6 milliards de F Cfa de certaines institutions européennes pour soutenir sa filiale avicole Agrisatch. Cet investissement visait à augmenter la production nationale de volaille, alors que moins de 20 % de la demande locale était satisfaite par des producteurs béninois. Malgré cet appui financier, Cdpa n'a pas réussi à se maintenir. Les difficultés économiques sont devenues apparentes dès 2019, lorsque l'entreprise a été placée sous redressement judiciaire par le Tribunal de commerce de Cotonou. Un concordat de redressement avait été homologué en mars 2021, permettant à Cdpa de poursuivre ses activités tout en négociant avec ses créanciers. Cependant, cet accord n’a pas pu être respecté. Selon Maître Victorien Olatoundji Fadé, les créanciers ont refusé d'apporter leur appui pour atteindre les objectifs du concordat. « En réalité, la société avait souscrit, dans le concordat, l’engagement de payer des montants déterminés au bout d’un certain temps et au fur et à mesure de l’écoulement du délai concordataire », détaille l’avocat conseil. Le jugement de liquidation judiciaire rendu le 22 novembre fait suite à une série d'audiences qui ont révélé l'ampleur de la crise. Après une audience en septembre où l'équipe juridique de Cdpa avait plaidé pour un nouveau délai, le tribunal a rouvert les débats en octobre à la demande des parties concernées. Lors de l'audience finale du 8 novembre, le ministère public a estimé que les conditions nécessaires à l'adoption d'un accord concordataire n'étaient pas réunies. Cette position a conduit à la liquidation par jugement N°009/24/Cpcap/Tcc, scellant ainsi le sort de l'entreprise.
Coup
dur
La liquidation de Cdpa Sarl représente une perte significative pour le secteur agroalimentaire béninois, où l'entreprise jouait un rôle non moins important, surtout avec sa filiale Agrisatch qui produit de la volaille à grande échelle. Avec ses équipements modernes et un marché en croissance, Cdpa avait le potentiel de répondre aux besoins locaux et régionaux. Cependant, son incapacité à honorer ses engagements financiers, combinée à une transition mal négociée pour passer du statut d’importateur à celui de producteur local, a mis en lumière les défis structurels auxquels peuvent faire face certaines entreprises. Maître Victorien Olatoundji Fadé insiste sur la nécessité d'un soutien accumulé aux entreprises locales, particulièrement celles opérant dans des secteurs stratégiques comme l'agroalimentaire. « L'État béninois aurait pu intervenir pour réduire ou effacer certaines dettes fiscales, permettant à l'entreprise de se redresser. Une telle politique d'accompagnement est essentielle pour éviter que des situations similaires se reproduisent », affirme-t-il. Au-delà de la liquidation de Cdpa Sarl, cette affaire soulève des questions sur la gestion des entreprises locales et leur résilience face aux crises financières. Malgré les efforts du gouvernement pour créer un environnement favorable aux affaires, avec de nombreuses réformes et mesures incitatives, certaines entreprises continuent de faire preuve de légèreté dans leur gestion, ce qui les conduit parfois à mettre la clé sous le paillasson. La liquidation judiciaire de cette entreprise met en lumière l'urgence pour l'État de diversifier et de moderniser les secteurs stratégiques de l’économie. Cela inclut le développement de politiques qui encouragent la pérennité des entreprises locales, particulièrement celles évoluant dans des secteurs vitaux comme l'agroalimentaire. D’où l’utilité de la mesure du gouvernement d’interdire bientôt, l’importation de la volaille et de promouvoir la production locale. Vivement que cette mesure entre en vigueur pour le bien des entreprises locales opérant dans ce domaine. Aussi, l'affaire Cdpa Sarl doit servir de leçon pour prévenir des scénarios similaires. Le défi est désormais de transformer ce revers en opportunité pour mieux structurer le tissu entrepreneurial et garantir une croissance durable.