La Nation Bénin...

Coopération fiscale: Un levier de souveraineté financière pour l'Afrique

Economie
La fiscalité devient ainsi un pilier central d’une Afrique plus souveraine, plus équitable et plus résiliente La fiscalité devient ainsi un pilier central d’une Afrique plus souveraine, plus équitable et plus résiliente

L’Afrique tire progressivement profit de la coopération fiscale internationale pour financer les projets de développement. Un récent rapport de l’Ocde révèle des avancées notables en matière de transparence, de lutte contre l’évasion et de renforcement des capacités fiscales sur le continent.

 

Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 07 nov. 2025 à 05h36 Durée 3 min.
#Coopération fiscale

Les pays africains disposent encore de peu de moyens pour financer les services publics et renforcer la confiance entre citoyens et institutions. Selon le rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde) intitulé « Coopération fiscale au service du développement : rapport d’étape sur 2024 », en moyenne, le ratio des recettes fiscales par rapport au produit intérieur brut (Pib) reste inférieur à 17,5 % dans les pays en développement et chute à 11,4 % dans les pays à faible revenu, bien en deçà du seuil de 15 % jugé nécessaire pour assurer un financement public stable.

L’Ocde explique cette faiblesse par la propension de l’informalité des économies, les capacités administratives insuffisantes, des exonérations mal ciblées et la persistance des flux financiers illicites. Les efforts de transparence fiscale commencent toutefois à porter leurs fruits. L’Organisation indique que les pays en développement ont recouvré 45 milliards d’euros de recettes supplémentaires entre 2009 et 2023 grâce à l’échange de renseignements et aux programmes de divulgation volontaire. Rien qu’en 2023, les pays africains ont perçu 2,2 milliards d’euros de revenus additionnels issus de cette coopération.

En 2024, le Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations fiscales a accompagné 79 pays en développement, dont une majorité d’Etats africains, dans la mise en œuvre des normes internationales. Cette dynamique favorise l’accès aux données issues de la déclaration pays par pays des multinationales, un outil essentiel pour repérer les transferts de bénéfices et mieux taxer les profits réalisés localement.

Des capacités renforcées

L’une des initiatives les plus marquantes est le programme Inspecteurs des impôts sans frontières (Iisf), mis en œuvre conjointement par l’Ocde et le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud). Cette approche originale d’apprentissage entre pairs a permis aux pays en développement de générer 2,4 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires depuis son lancement. En 2024, un nombre record de 25 nouveaux programmes Iisf a été ouvert, portant à 66 le total des initiatives en cours dans le monde. En Afrique, plusieurs d’entre elles se concentrent sur les prix de transfert et les industries extractives. Ces résultats confirment que le renforcement des capacités fiscales locales a un impact direct sur les recettes publiques et la gouvernance économique.

L’Afrique participe désormais activement à la définition des règles fiscales mondiales. En 2024, le nombre de pays en développement membres du Cadre inclusif Ocde/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (Beps) est passé à 73, dont une trentaine de pays africains. Ce cadre vise à instaurer des règles plus justes pour taxer les entreprises multinationales, notamment à travers l’impôt minimum mondial et la règle d’assujettissement à l’impôt (Rai). Ces mécanismes permettent aux pays africains de limiter les pertes de recettes liées à l’optimisation fiscale agressive et de sécuriser leurs bases d’imposition.

En parallèle, l’Ocde accompagne les Etats africains dans la réforme de la taxe sur la valeur ajoutée (Tva), du commerce électronique et dans la mise en place de régimes fiscaux simplifiés adaptés aux réalités de l’économie informelle.

Eclairer les politiques publiques

L’intégration des pays africains dans la base mondiale de l’Ocde sur les Statistiques des recettes publiques progresse. En 2024, sept nouveaux pays en développement, dont le Mozambique, la Zambie et la Somalie, y ont été ajoutés. Ces données permettent d’évaluer la performance des systèmes fiscaux et d’orienter les politiques nationales.

L’Afrique participe également à la base de données Ocde sur la tarification des émissions de gaz à effet de serre, qui couvre désormais 37 pays en développement, marquant l’intégration croissante de la fiscalité environnementale dans les politiques publiques.

Pour l’Organisation, la coopération fiscale internationale n’est pas seulement une question technique, mais constitue aussi un véritable levier de souveraineté et de développement durable. En renforçant leurs administrations, en modernisant leurs outils et en s’insérant dans les débats fiscaux mondiaux, les pays africains posent les bases d’une autonomie financière durable.

L’impôt demeure la première source de financement du développement, à condition d’être équitablement prélevé et efficacement administré. Des progrès considérables sont possibles, mais ils exigent des réformes de grande ampleur, couvrant tous les types d’impôts et reposant sur la coopération internationale, conclut le rapport de l’Ocde.