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Financement du développement en Afrique de l’Ouest: Les fonds de garantie comme catalyseurs des investissements privés

Economie
Les fonds de garantie permettent aux banques de réduire le risque associé aux crédits accordés aux petites et moyennes entreprises Les fonds de garantie permettent aux banques de réduire le risque associé aux crédits accordés aux petites et moyennes entreprises

En Afrique de l’Ouest, l’accès au financement demeure un défi majeur pour les petites et moyennes entreprises et freine la croissance et l’innovation. Face à la frilosité du secteur bancaire, les fonds de garantie s’imposent comme des instruments stratégiques, partageant le risque de crédit et ouvrant de nouvelles perspectives de financement des projets.

Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 02 sept. 2025 à 08h48 Durée 3 min.
#Afrique de l’Ouest

« Le continent africain est potentiellement riche mais chroniquement sous-financé parce que les institutions bancaires classiques sont frileuses dans l’octroi des crédits productifs », constate Dr Nguéto Tiraïna Yambaye, directeur général du Fonds africain de garantie et de coopération économique (Fagace). Cet avis est partagé par Jules Ngankam, directeur général du Groupe African Guarantee Fund (Agf) qui affirme :

« Malgré l’importance reconnue à l’échelle internationale des Pme, les petites entreprises africaines font face à des difficultés pour accéder au financement dans leur besoin de croissance et d’innovation».

En Afrique subsaharienne, la faiblesse des cadres juridiques, la volatilité économique et l’absence de garanties bancables aggravent le problème. En moyenne, les dépôts bancaires représentent moins de 20 % du Pib dans plusieurs pays ouest-africains, contre plus de 40 % en Asie ou en Amérique latine (Banque mondiale, World Development Indicators 2024). Cette faible mobilisation de l’épargne formelle limite la capacité des banques à financer l’économie réelle.

Les fonds de garantie permettent aux banques de réduire le risque associé aux crédits accordés aux petites et moyennes entreprises (Pme). « Nos interventions sont à 80 % à l’endroit des Pme », explique Dr Yambaye, rappelant que le Fagace, pour sa part, met en place des lignes de garantie et accompagne les porteurs de projets dans l’élaboration de leurs business plans. « Notre rôle est de pousser les banques à contribuer au développement, notamment dans les secteurs qu’elles évitent souvent, comme l’agriculture et l’élevage », insiste-t-il.

 

Mécanismes au service des économies

Les dispositifs de garantie présentent de multiples avantages. Ils permettent d’atténuer les créances douteuses, d’améliorer la trésorerie des banques en cas d’impayés et de réduire les besoins en fonds propres pour couvrir les risques de crédit. Ils offrent également un effet de levier pour stimuler les échanges commerciaux, la création d’emplois et l’inclusion financière, contribuant ainsi à une croissance durable.

Ces mécanismes permettent de renforcer l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises et industries (Pme/Pmi) et de soutenir des projets dans les secteurs clés comme les Btp, l’agro-industrie ou l’innovation. Entre 2021 et 2024, le Fagace dont siège se trouve au Bénin a porté ses engagements cumulés à plus de 1 300 milliards de F Cfa, avec plus de 4 000 milliards mobilisés et ce, malgré un environnement difficile.

Comme le Fagace, l’Agf permet de lever les freins au financement des Pme, se positionnant comme un relais indispensable auprès des institutions financières. «Agf est le chaînon manquant pour permettre aux banques de réaliser efficacement leurs stratégies de financement des Pme», affirme Jules Ngankam.

Pendant la pandémie de Covid-19, par exemple, l’Agf a mis en place un mécanisme de garanties en partenariat avec l’agence américaine Usaid, mobilisant jusqu’à 160 millions de dollars au bénéfice de 3 000 Pme en Afrique de l’Ouest. Des accords de garantie de portefeuille, notamment avec Vista Bank, ont renforcé l’écosystème régional et stimulé les investissements privés.

Pour sa part, le Fonds de solidarité africain (Fsa) oeuvre, à travers son plan stratégique «New Frontier 2025 », à diversifier ses instruments. Sous l’impulsion de son directeur général, Abdourahmane Diallo, le Fsa élargit ses interventions à toutes les étapes de vie des entreprises : création, extension, refinancement ou modernisation. « Déterminé, engagé et responsable, le Fonds s’attache à construire ensemble, avec ses partenaires, un avenir meilleur et durable », souligne M. Diallo.

Des défis persistants

Malgré les avancées, les dispositifs de garantie en Afrique de l’Ouest se heurtent à plusieurs limites structurelles qui freinent leur impact sur le financement de l’économie. Ainsi, les Pme qui constituent plus de 80 % du tissu économique africain selon la Bad, continuent d’accéder difficilement au crédit, tandis que le secteur agricole, moteur de nombreuses économies, reste chroniquement sous-financé.

Le premier obstacle demeure le faible niveau de bancarisation et d’inclusion financière. Selon la Banque mondiale (Global Findex 2025), environ 58 % des adultes en Afrique subsaharienne possédaient un compte bancaire ou mobile money en 2024, contre

34 % en 2014. Une progression significative, mais qui laisse encore près de la moitié de la population en marge des services financiers formels. Cette faible inclusion limite la mobilisation de l’épargne domestique et prive les banques de ressources longues.

A cela s’ajoutent d’autres défis à savoir déficit d’information des Pme sur les mécanismes de garantie, exclusion des zones rurales, faiblesse des capacités institutionnelles de certains fonds.

Pour y répondre, experts et institutions plaident pour le renforcement de la coopération régionale, afin de favoriser les synergies entre les différents fonds de garantie et maximiser leur impact. Il importe aussi d’accroître la capitalisation des fonds, investir dans la formation et développer des programmes de sensibilisation.

En surmontant ces obstacles, les fonds de garantie pourront jouer pleinement leur rôle structurant, celui de partager le risque avec les banques, stimuler l’investissement productif et catalyser une croissance inclusive et durable en Afrique de l’Ouest.