La Nation Bénin...
L’Ocde a dévoilé une mise à jour de ses lignes directrices pour lutter contre les ententes dans les marchés publics. Ce document met l’accent sur de nouvelles mesures de prévention et de détection, ainsi que sur la coopération entre institutions, afin de mieux protéger la concurrence et les deniers publics.
La collusion dans les marchés publics ou le «truquage des offres » se produit lorsque des entreprises censées se concurrencer s’entendent pour manipuler les prix, se partager des clients ou des zones géographiques, ou encore se relayer dans l’attribution des contrats. Pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde), il s’agit de « l’une des violations les plus flagrantes du droit de la concurrence », entraînant une hausse artificielle des prix, une réduction de la qualité et une inefficacité économique.
Les conséquences vont bien au-delà des finances publiques: gaspillage des deniers, services dégradés, perte de confiance des citoyens. Dans plusieurs pays membres, ces pratiques constituent d’ailleurs des infractions pénales.
Adoptées en juin dernier, les nouvelles lignes directrices de l’Ocde sur la lutte contre les soumissions concertées dans les marchés publics font suite à la révision en 2023 de la Recommandation du Conseil sur la lutte contre la collusion. Elles intègrent les retours d’expérience des autorités de concurrence, des cas récents et des projets de sensibilisation menés dans divers pays. Le document s’articule autour de deux grandes listes de contrôle pour limiter les risques de collusion dès la planification.
Appels d’offres mieux conçus
La première innovation majeure de cette mise à jour concerne la conception des appels d’offres. Cela inclut la compréhension du marché et de ses acteurs, la diversification des critères d’attribution, la limitation de la prévisibilité des appels, la protection des informations sensibles et la promotion de l’innovation. L’Ocde recommande désormais d’aller au-delà du critère du prix en intégrant la qualité, l’innovation ou le service après-vente dans les critères d’attribution. Elle invite aussi les acheteurs publics à varier les calendriers et volumes des marchés pour éviter toute prévisibilité, à promouvoir des solutions de substitution et à recourir davantage aux plateformes électroniques afin de limiter les échanges directs entre soumissionnaires.
La deuxième nouveauté réside dans l’enrichissement de la liste de détection des ententes. Cette liste fournit des signaux d’alerte à surveiller : prix ou schémas de soumission inhabituels, retraits coordonnés d’offres, déclarations suspectes, comportements concertés entre fournisseurs. Les responsables de la passation doivent documenter toute suspicion et la transmettre à l’autorité compétente. Ils sont appelés à observer de près les comportements suspects comme les offres identiques ou inhabituelles, la rotation des gagnants, les erreurs répétées dans les documents ou encore les similitudes techniques (adresses IP, métadonnées). L’Ocde recommande de consigner ces indices et de les transmettre systématiquement aux autorités compétentes.
Coopération interinstitutionnelle
L’Ocde insiste sur la nécessité d’établir des partenariats formels entre les organes de passation, les cours des comptes, les instances de lutte anticorruption, les autorités de concurrence et, le cas échéant, les autorités judiciaires. Des programmes de formation réguliers pour les agents publics, couvrant la détection des cartels, la mise en place et l’utilisation d’outils de suivi ainsi que l’échange de données et de bonnes pratiques, sont explicitement recommandés.
Enfin, le texte établit un lien clair entre les soumissions concertées et d’autres infractions comme la corruption et la fraude, plaidant pour une approche intégrée de l’intégrité publique. L’Ocde appelle les Etats à adopter une stratégie proactive, fondée sur l’échange d’informations, la sensibilisation et la coopération internationale.
En somme, la version 2025 des lignes directrices constitue un guide opérationnel destiné à protéger la concurrence dans les marchés publics. Elle invite les pouvoirs publics à rester vigilants, à renforcer la formation de leurs agents et à coopérer davantage entre institutions pour que l’argent des contribuables serve réellement l’intérêt général. Dans un contexte où les marchés publics représentent en moyenne 12 % du produit intérieur brut (Pib) des pays de l’Ocde, leur impact potentiel est majeur.