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Productivité agricole et pauvreté dans l’espace Cedeao: Un rôle clé dans la réduction de la précarité

Economie
L’agriculture reste au cœur de la lutte contre la pauvreté en Afrique de l’Ouest, à condition d’être soutenue par des réformes structurelles et des investissements adéquats L’agriculture reste au cœur de la lutte contre la pauvreté en Afrique de l’Ouest, à condition d’être soutenue par des réformes structurelles et des investissements adéquats

Une récente étude démontre que la hausse de la productivité agricole reste l’un des leviers les plus efficaces pour réduire la pauvreté dans les pays de la Cedeao. Basée sur l’analyse approfondie de données couvrant treize pays sur trois décennies, elle souligne l’importance stratégique du secteur agricole dans les trajectoires de développement ouest-africaines.

Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 24 nov. 2025 à 18h08 Durée 4 min.
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Face à la pression démographique, à la demande alimentaire mondiale croissante et aux effets déjà tangibles du changement climatique, l’agriculture reste un vecteur majeur de revenu, d’emploi et de résilience sociale. C’est ce que souligne une étude publiée dans la Revue d’analyse des politiques économiques et financières (Rapef n° 8, Mef, juin 2025), qui établit que la hausse de la productivité agricole contribue à réduire significativement la pauvreté dans les pays de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao).

Près de 60 % de la population active de la région travaille encore dans le secteur agricole. A l’heure où la demande alimentaire mondiale pourrait croître de 60 % d’ici 2050 et où les effets du changement climatique risquent de plonger plus de 100 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté d’ici 2030, comprendre les leviers d’action devient stratégique. Dans ce contexte, l’étude conduite par les chercheurs Randis Dégbessou, Rose Fiamohe, Denis Acclassato (Université d’Abomey-Calavi) et Akoété Agbodji (Université de Lomé) rappelle que l’amélioration de la productivité agricole demeure un pilier pour la sécurité alimentaire, les revenus ruraux et la transformation structurelle.

Les auteurs analysent l’évolution conjointe de la productivité agricole et de la pauvreté multidimensionnelle dans treize pays entre 1990 et 2019, en s’appuyant sur des données issues de la Banque mondiale et de la Fao. Les tests empiriques confirment l’existence d’une relation de long terme entre productivité agricole et réduction de la pauvreté, malgré des disparités structurelles importantes entre pays.

Effets sectoriels différenciés

 

L’indice de pauvreté humaine utilisé comme variable centrale présente une moyenne régionale de 47 %, avec des extrêmes allant de 3,21 % à près de 88 %. La valeur ajoutée agricole par tête présente quant à elle des écarts considérables, de moins de 340 dollars à plus de 6 000 dollars. Cela reflète des différences marquées dans les technologies utilisées, l’accès aux intrants ou la qualité des infrastructures. L’étude souligne également une forte instabilité macroéconomique, avec un taux d’inflation moyen supérieur à 8 %, susceptible d’éroder les gains réels des ménages vulnérables.

Une progression de la valeur ajoutée agricole par travailleur entraîne une réduction notable de l’indice de pauvreté humaine. Ce résultat rejoint les conclusions de travaux de référence montrant que les gains agricoles profitent directement aux ménages ruraux, par l’amélioration des revenus, de l’alimentation et la diminution du coût de vie.

A court terme, la productivité industrielle et celle des services contribuent également à réduire la pauvreté, selon l’étude. Une hausse de la valeur ajoutée industrielle ou tertiaire provoque en effet une baisse quasi immédiate de l’indice de pauvreté. Mais sur le long terme, les effets apparaissent plus ambivalents : l’industrie et les services peuvent profiter davantage à certains segments économiques sans nécessairement bénéficier aux plus pauvres, constatent les auteurs. L’agriculture demeure, elle, le secteur dont les gains influencent le plus largement les économies rurales.

 

Repenser les politiques agricoles

 

L’étude appelle à des politiques plus cohérentes, mieux financées et mieux ciblées, afin que les gains de productivité profitent réellement aux ménages ruraux et soutiennent une transformation économique inclusive.

Les auteurs insistent sur la nécessité d’investir dans l’irrigation, encore limitée à moins de 4 % des surfaces cultivées, d’améliorer l’accès aux intrants, de renforcer les infrastructures rurales, de réduire les coûts de commercialisation et de consolider la gouvernance sectorielle. Ils soulignent aussi l’importance de réformes institutionnelles et de capacités publiques renforcées pour convertir les gains de productivité en amélioration durable du bien-être.

Les travaux rappellent enfin que les efforts nationaux doivent s’inscrire dans les cadres communautaires existants, notamment la politique agricole de la Cedeao (Ecowap), qui vise à moderniser les systèmes agricoles pour soutenir une croissance inclusive. Une stratégie coordonnée permettrait de valoriser les complémentarités productives, soutenir les filières stratégiques et renforcer la résilience face aux chocs climatiques et économiques.