La Nation Bénin...
Cyrille Gougbédji est le
délégué général adjoint au Contrôle et à l’éthique dans l’enseignement
supérieur. Dans cette interview, il évoque les valeurs d’éthique à rechercher
dans le monde universitaire, une communication qu’il a présentée lors d’un
colloque organisé par l’Académie nationale des sciences, arts et lettres du
Bénin (Ansalb) sur l’éthique dans l’enseignement supérieur les 25 et 26 janvier
derniers à Cotonou.
La Nation : Au cours du
colloque organisé par l’Académie nationale des sciences, arts et lettres du
Bénin (Ansalb), vous avez présenté une communication sur le thème : « Les
valeurs d’éthique dans l’enseignement supérieur ». Pourquoi le choix de cette
thématique ?
Cyrille Gougbédji :
L’Académie nationale des sciences, arts et lettres du Bénin (Ansalb) a organisé
un colloque sur le thème : « Ethique dans l’enseignement supérieur et la
recherche scientifique ». Nous avons participé à ce colloque à double titre.
D’abord, en tant qu’enseignant chercheur du supérieur et ensuite en tant que
membre désigné par la Délégation au Contrôle et à l’éthique dans l’enseignement
supérieur pour assurer le rôle communicateur. A ce colloque, nous avons
présenté une communication portant sur le thème : « Les valeurs d’éthique dans
l’enseignement supérieur ». Ces dernières années, le monde universitaire est
marqué par quelques scandales ou faits répugnants qui indiquent une perte des
valeurs dans l’enseignement supérieur. Mais au-delà de cette question liée à
certains faits scandaleux, il faut noter que la qualité dans l’enseignement
supérieur est une question d’actualité et appelle à l’observance de certaines
valeurs d’éthique. Quand on met les faits scandaleux et la question de la qualité
ensemble, on comprend pourquoi l’Académie nationale a bien voulu mettre
l’accent sur l’éthique dans l’enseignement supérieur.
Quelles sont les valeurs
d’éthique à rechercher dans l’enseignement supérieur ?
Il y a une multitude de
valeurs d’éthique mais notre communication a fait une synthèse qui permet de
les catégoriser. Nous avons identifié les valeurs d’éthique que nous appelons
valeurs d’ordre social parce que les enseignants et les chercheurs du supérieur
ne sont pas en marge de la société dans laquelle ils vivent. Il y a des valeurs
d’éthique qui sont intrinsèques à toute société et qui s’appliquent à eux en
tant que membres ou acteurs de la société. Deuxièmement, nous avons les valeurs
d’éthique communautaires parce que l’université est une communauté à part
entière qui a ses règles spécifiques, ses exigences et ses privilèges. A
l’ensemble de ces paramètres, sont attachées certaines valeurs appelées valeurs
communautaires. Troisièmement, nous avons les valeurs professionnelles et
individuelles qui concernent l’enseignant ou le chercheur en tant que
professionnel ou spécialiste de son art et en tant qu’individu et qui, en tant
que tel, doit mettre ses comportements en phase avec certaines valeurs. Quand nous
prenons les valeurs sociales et communautaires, on voit qu’elles sont des
valeurs qui portent ce que nous appelons le bien-être et le savoir-vivre au
sein de la société ou de la communauté. Quand nous prenons aussi les valeurs
professionnelles et individuelles, elles traduisent un état de comportement du
professionnel et de l’individu en rapport à sa profession ou à son comportement
vis-à-vis des autres acteurs qu’il côtoie.
A partir de là, il a été
bien clarifié que les valeurs d’éthique que l’on trouve proches de la morale se
situent au-delà de la morale pour être des valeurs qui établissent un rapport
de soi avec la société, la communauté, la profession ou ses semblables tandis
que les valeurs dites simplement de morale constituent ce qui en réalité,
établit le bon comportement reconnu partout et découlant simplement du bon
sens. Tout ce qui découle du bon sens n’aura pas acquis valeur d’éthique ni de
déontologie parce qu’il y a des pas à franchir. Les valeurs d’éthique liées à
une profession constituent un ensemble de valeurs jugées indispensables pour la
bienséance dans l’exercice de cette profession et donc, à la base des valeurs
d’éthique professionnelle. On peut avoir l’idée de morale mais elles sont
ciblées parce que attachées à la profession tandis que les valeurs d’éthique
qu’on va appeler les valeurs déontologiques sont des valeurs d’éthique
codifiées assorties de sanctions. Si c’est l’éthique pure, il n’y a pas de sanction
mais cela apparaît comme un idéal à promouvoir pour que la profession puisse se
porter au mieux. Il y a donc une nuance entre les valeurs morales, les valeurs
d’éthique et les valeurs déontologiques. Seulement, à première vue, la
frontière ne paraît pas très nette.
Existe-t-il des mécanismes
de protection de ces valeurs ?
Parlant de mécanismes de
protection des valeurs, nous avons des organes qui sont mis en place par l’Etat
au niveau central comme la Délégation au Contrôle et à l’éthique dans
l’enseignement supérieur. Il y a aussi des organes mis en place aux niveaux sectoriel
et institutionnel. Au niveau sectoriel, dans le domaine de la santé, il existe
un comité national qui s’occupe des questions d’éthique en matière de recherche
en santé. Aussi, au niveau des universités, nous avons des comités d’éthique.
Pour ce qui concerne les mécanismes, on peut dire que les valeurs d’éthique
sont protégées par deux types de mécanismes à savoir : le mécanisme de
l’infraction qui consiste à ériger une valeur d’éthique en un principe d’ordre
pénal dont la violation conduit à une sanction pénale. Ça peut être une peine
d’emprisonnement ou une peine d’amende. Il y a aussi le mécanisme par lequel la
violation d’une règle d’éthique conduit à la violation d’une règle
déontologique et la sanction est le mécanisme disciplinaire. On peut donc soumettre
l’enseignant du supérieur à un conseil de discipline et il va écoper d’une
sanction disciplinaire. Il y a donc une démarcation à faire entre le mécanisme
pénal et celui disciplinaire qui sont deux mécanismes contraignants de
protection de l’éthique.
A ces mécanismes
contraignants, il faut ajouter les mécanismes qui sont du droit
recommandatoire, c’est-à-dire qu’on met en place des instances de dialogue pour
faire des reproches à des acteurs dont les comportements sont en contradiction
avec les valeurs d’éthique. Voilà en quoi le thème du colloque a été très
intéressant et notre communication a permis de visiter ces chantiers liés aux
valeurs d’éthique et de déontologie dans l’enseignement supérieur.
Des erreurs déontologiques
peuvent-elles conduire à des sanctions pénales ?
La règle de déontologie
violée fait l’objet d’une constatation d’infraction. On a vu que c’est une
faute déontologique mais cette faute a comme répondant dans le système des
sanctions, une infraction à laquelle correspond une peine. Et donc, une faute
disciplinaire peut bien conduire à une sanction pénale. Maintenant pour la même
faute, doit-on sanctionner au pénal et au disciplinaire ? Cela est une question
de droit qui a suscité beaucoup de controverses où certains disent que pour la
même faute, il ne faut pas sanctionner à la fois au disciplinaire et au pénal.
Mais d’autres disent que la sanction disciplinaire n’est pas un emprisonnement
ni une amende. Aussi, c’est dans la profession que l’individu subit des
représailles liées à sa déviance. Or la sanction pénale, c’est la
responsabilité de l’individu au regard des lois pénales. Donc, c’est la société
qui demande qu’il réponde de ses actes. Il est déjà arrivé qu’une faute qui a
fait objet de mesures disciplinaires ait également été utilisée comme moyen pour
sanctionner un individu.