La Nation Bénin...
La construction et la réhabilitation des lycées
techniques agricoles, l’un des projets phares en cours de réalisation,
suscitent bien des espoirs et de l’engouement.
A 390 km de route de Cotonou, plusieurs modules
de salles de classe sortent de terre au Lycée technique agricole d’Ina, dans la
commune de N’Dali. Dans cet établissement qui compte environ 1 400 élèves dont
436 à l’internat, le proviseur Mouritala Odjo espère que l’effectif va
s'accroître à la prochaine rentrée prévue pour février 2024, en raison des
nouvelles infrastructures et des ouvrages réhabilités qui augmentent la
capacité d’accueil du site, et lui donnent une autre image.
« Le gouvernement est en train d’opérer un
aménagement profond de notre lycée, avec la construction de dortoirs, des
salles de classe, de bureaux, des ateliers de mécanique, de transformation, de
production végétale et aussi de foresterie», a-t-il indiqué. Il ajoute : «
D’ici mai 2024, nous allons entrer en possession de ces cadres. Ça va diminuer
nos peines au niveau des salles, même si c’est toujours insuffisant. Avec un
effectif de plus de 1 400 apprenants, nous n’avons que 37 salles ». Cette
politique orientée vers la construction et la réhabilitation des lycées vient
apporter un ouf de soulagement, et une réponse aux attentes dans un contexte où
la problématique de l’adéquation formation-emploi est d’actualité. Les
apprenants peuvent s’inscrire dans six filières de formation dans les lycées
agricoles où la pratique et la théorie vont de pair, en ce sens qu'ils
vont sortir de ces centres comme des candidats
à l’auto-emploi. Il s’agit de la production animale, de la nutrition et de la
technologie alimentaire, de la production végétale, de l’aménagement et
équipement rural, de la pêche et l’aquaculture, de la foresterie et des
transformations. « On peut entreprendre
les réformes nécessaires de nos systèmes éducatifs afin de former des
ressources humaines conformes aux besoins ou à la demande de notre marché
intérieur. Nous sommes des pays agropastoraux et pourtant, nous avons très peu
d’écoles d’ingénierie agricole, en élevage, etc. Il y a tout un travail de
gouvernance, un changement de mentalité qui doit s’introduire», indiquait Dr
Abdoul Sogodogo, vice-doyen de la Faculté des Sciences administratives et
politiques à l’Université des Sciences juridiques, politiques de Bamako. Au
Bénin, la volonté politique s’active dans ce sens.
Dans les lycées techniques agricoles, les
filières les plus appréciées par les apprenants sont les productions animale et
végétale parce qu’ils ont plus de facilité à s’installer, à s’auto-employer
après leur formation, assure Victorin Adjimantin, proviseur du lycée technique
agricole de Kika dans la commune de Tchaourou. A l’en croire, le lycée de Kika
est déjà embarqué dans le projet de construction et de réhabilitation des
lycées. « Des équipes sont venues pour les études d'impact. Nous avons un effectif
de 611, et nous espérons qu’avec l’appui du gouvernement à travers ce projet,
et les réformes en cours, ça va s'accroître. Avec l’octroi d’un domaine de 1
000 hectares aux lycées, cela va booster la production et la formation
technique agricole dans notre pays », explique le proviseur du lycée technique
agricole de Kika.
Employabilité des jeunes
En effet, le gouvernement béninois a mis un
accent particulier sur la promotion d’une éducation de qualité dans
l’enseignement et la Formation techniques et professionnels (Eftp), et approuvé
en conseil des ministres du mercredi 26 juillet 2023, la réhabilitation et la
construction de 24 lycées et écoles normales supérieures dans plusieurs villes.
La vision est de mettre à la disposition des apprenants un cadre confortable
pour acquérir le savoir, de contribuer au développement économique et social du
pays par un renforcement de l’offre de l’enseignement et de la formation
techniques et professionnels adaptés aux besoins du marché de l’emploi, de
renforcer les outils de pilotage du secteur, de susciter l’orientation
professionnelle dans les collèges et de favoriser l’amélioration de
l’employabilité des jeunes. « Nos apprenants préfèrent plus aller vers
l’enseignement général, mais en réalité, l’agriculture est la base du
développement de notre pays. Tant que nous n’allons pas changer de mentalité,
nous n’allons pas véritablement décoller. La formation technique agricole donne
de l’emploi. Nos apprenants sont un peu partout dans le développement rural
dans notre pays », fait savoir Victorin Adjimantin, proviseur du lycée
technique agricole de Kika, dans la commune de Tchaourou.
Il va inviter les parents à changer de
paradigme et à s’inscrire dans la vision du gouvernement. Car, à l’en croire,
l’engouement suscité par la volonté politique qui entend renforcer le secteur
de la formation technique et professionnelle n’est pas encore à la hauteur des
attentes. Par exemple au lycée, où le matériel disponible permet de donner une
formation de qualité sur le plan agricole, que ce soit dans le domaine de la
production végétale où des tracteurs et équipements d’irrigation sont disponibles, ainsi qu’au
niveau de la transformation, l’effectif laisse à désirer. « Au niveau de
l’accueil des élèves, nous disposons des cabines de garçons et des cabines de
filles, et nous pouvons recevoir à l’internat jusqu’à 450 élèves. Mais faute
d’effectif, c’est sous occupé », indique le proviseur Victorin Adjimantin, qui
ajoute que l’accessibilité au site est un autre challenge en raison de l’état
de la voie, et du phénomène de débordement cyclique du fleuve Opkara.
Deux niveaux requis
Le Bénin compte aujourd’hui dix lycées
techniques agricoles: les lycées d’Adja Ouèrè, de Banikoara, Médji de Sékou, de
Kpataba, de Kika, d’Ina, d’Adja Hounmey, d’Akodéha, de Natitingou, et de
Djougou. Le gouvernement projette d’en créer une vingtaine afin que le pays
dispose d’un lycée agricole par zone agro-écologique. « D’ici deux ans, nous
allons métamorphoser les lycées en unités économiques. Faire de ces lieux du
savoir de réels incubateurs avec des équipements de qualité que les enfants
sauront réparer. Les apprenants auront des plans d’affaires bien élaborés et
seront financés », a indiqué Gaston Dossouhoui, ministre de l’Agriculture, de
l’Elevage et de la Pêche.
Deux voies d’entrée s’offrent aux apprenants au
niveau des lycées techniques agricoles. Soit par le biais d’une bourse accordée
par l’Etat aux meilleurs pour les quatre années de formation, à l’issue d’un
concours organisé par les ministères des enseignements secondaire, technique,
et de la formation professionnelle. Le dépôt des candidatures à ce concours est
en cours. La seconde voie d’entrée est celle à titre payant qui facilite
l’accès à la grande majorité, et cela s'organise courant mois de janvier. Deux
niveaux sont requis pour l’inscription dans ces établissements. Le premier est
celui de la classe de cinquième, soit deux ans après l’obtention du Certificat
d’études primaires (Cep). Trois lycées disposent actuellement de ce seul niveau
: les lycées d’Adja Ouèrè, d’Ina et de Nattitingou. Le second niveau d’accès
est sur présentation du Brevet d’études de premier cycle (Bepc). Tous les
autres lycées disposent des deux niveaux. L’année scolaire dans les lycées
techniques agricoles s’étale de mi-février à décembre, couvrant ainsi toute la
période des pluies. « Pendant les mois de juillet, d’août, de septembre,
d’octobre où il pleut, nous devons être à l’école parce que nous installons nos
propres champs pour la production et l’expérimentation. Donc, nous profitons de
la saison pour installer nos cultures, dans le cadre de la formation. Nous
récoltons, et quand nous prenons les vacances le 15 décembre, nous nous
reposons pendant la saison sèche », fait savoir Ibrahim Moumouni, proviseur du
lycée agricole Médji de Sékou, commune d’Allada. Il se réjouit de la réforme du
gouvernement en faveur des lycées pour rendre les apprenants plus
professionnels à travers l’octroi d’équipements et la réalisation
d’infrastructures adaptées.
Engagement des parents
Dans cet établissement qui compte 1 595 élèves,
il nourrit l’espoir de voir très vite se concrétiser l’ambition du gouvernement
notamment en ce qui concerne la dotation en équipements pour renforcer la
qualité de la formation. Le proviseur Ibrahim Moumouni note aujourd’hui de
l’engouement dans les lycées agricoles. « Si nous avons 1 595 élèves au lycée
Médji de Sékou, cela veut dire qu’ils sont nombreux, et il faut beaucoup de
matériels et d’équipements pour nos groupes pédagogiques. Lorsqu’un professeur
utilise le matériel dans un groupe pédagogique, un autre doit pouvoir
travailler au même moment avec un autre groupe de la promotion, les équipements
sont insuffisants», relève-t-il. Il ajoute : « Avec le projet de réhabilitation
et d’équipement des lycées, nous avons bon espoir que cela va changer d’ici
2026, en tout cas, avant la fin du second mandat du président Patrice Talon.
J’invite les parents à venir inscrire leurs enfants dans les lycées agricoles
parce qu’ils sont en train d’être rénovés et vont être équipés. Même des
programmes sont en train d'être revus pour répondre aux besoins du marché ». Il
faut noter que les productions des lycées sont rachetées par l’intendance, pour
les élèves de l’internat, avant d’envisager, si nécessaire, un complément de
ravitaillement à l’extérieur.
La vision du gouvernement pour les lycées est
aussi saluée par les parents qui déjà s’impatientent. « Sincèrement, c’est une
très bonne politique qui permet aux jeunes de ne plus être déscolarisés. Il y a
des enfants qui sortent de nos établissements, et qui commencent par vendre de
l’essence au bord des routes, alors qu’au lycée la formation est pratique. Avec
cette politique du gouvernement, nos enfants n’auront pas de difficulté à
s’insérer. Encourageons-les à s’inscrire dans les lycées », reconnaît Pierre Claver Houessou, président
du bureau de l’Association des parents d’élèves du Lycée technique agricole
d’Ina, dans la commune de N’Dali.