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Indignons-nous contre notre école: La catastrophe du Certificat d'études primaires (Cep) 2016

Education
Par   Collaboration extérieure, le 14 sept. 2016 à 04h24

L'idée première de cet article était de faire une analyse statistique des résultats des trois principaux examens enregistrés en juin-juillet 2016 pour la fin de l'année scolaire 2015-2016 de l'Ecole béninoise. En situant les responsabilités à cette veille de la nouvelle année académique qui se profile à l'horizon, une telle analyse pourrait aider à appréhender certaines des raisons de l'échec collectif que quelques personnes ont infligé à la Nation toute entière.

Mais faute d'avoir pu obtenir les documents nécessaires de l'Office du Bac et de la Direction des Examens de l'Enseignement secondaire, on a sous-dimensionné l'article pour le limiter au seul examen du Certificat d'études primaires (Cep).

C'est le lieu de remercier Dr Bio Soumarou Chabi-Gado qui a alimenté la réflexion en mettant à disposition le tableau des statistiques nationales de l'examen du Cep de 1994 à 2016. Pour faciliter la tâche au lecteur, ce tableau est reproduit ci-contre. Notons au passage que, malgré le très faible taux de réussite au Cep 2016 les filles ont encore fait jeu égal avec les garçons (40.29% contre 43.46) en dépit des tâches ménagères qui continuent bien souvent de peser sur elles pour l'aide aux mamans. Bravo les filles!! Du courage, l'égalité parfaite est au bout de l'effort.
En jetant un coup d'œil sur la colonne «pourcentage admis» du tableau sous examen, on est frappé par l'irrégularité des taux de réussite qui passent d'un pourcentage fort élevé une année à un pourcentage faible l'année suivante. Quelles en sont les causes? Bien que pertinente, cette question ne sera pas abordée dans ce qui suit car pour y répondre sans spéculer, d'autres données statistiques seraient nécessaires. De quoi s'agit-il alors ici ?

La vieille tradition

Le 10 février 1862 au Fort français de Ouidah fut ouverte une école primaire catholique. Ce fut probablement la toute première école formelle de type européen du Dahomey (Bénin). Il y a donc plus de cent - quatre ans que les enfants du Bénin sont régulièrement préparés pour passer l'examen du Certificat d'études primaires. A cause de cette vieille tradition qui l'enracine dans l'Ecole béninoise, cet examen aurait pu être considéré aujourd'hui comme une simple formalité.
Mais hélas , c'est le moment que choisit l'Ecole béninoise pour donner le résultat catastrophique de 41.98% au Cep, le pire taux de réussite depuis 1994, c'est-à-dire le plus mauvais taux des vingt-deux dernières années, d'après les statistiques disponibles. C'est indigne du Bénin. En tant que Béninoises et Béninois, nous nous indignons contre notre Ecole qui nous a fait descendre aux enfers de la médiocrité scolaire en ce mois de juin 2016. Ce taux minable de succès signifie aussi plus de 58% d'échec. Donc plus de 58% des ressources investies par l'Etat et les parents d'élèves du Bénin sur les 210,111 apprenants des classes de CM2 de l'année scolaire 2015-2016 sont parties en fumée! Quel investisseur sérieux ne chercherait pas les causes d'une telle débâcle et à en situer les responsabilités? Les causes sont sans nul doute multiples et diverses et donnent lieu bien souvent à des controverses pas toujours dignes d'intérêt. Mais les premiers responsables, ce sont les instructeurs de l'Ecole, les enseignants de l'Ecole béninoise : les écoliers ont massivement échoué au Cep à la fin de l'année scolaire en juin 2016 parce qu'ils ont été mal enseignés durant l'année scolaire 2015-2016.

Interrogation sur l'option «Education de base»

Face à cet échec massif, on s'interroge sur l'opportunité de la mise en œuvre de l'option faite par le deuxième Forum de l'Education de décembre 2014 à Cotonou d'adopter le système «Education de base» de l'Unesco. Ce système consiste à combiner le cycle primaire et les quatre premières années du cycle secondaire pour faire le premier échelon de l'Ecole. Il a l'avantage de maintenir les enfants dans l'école formelle pendant dix ans avant de leur proposer un premier diplôme de sortie. A la suite de cette longue éducation de base les apprenants sont presque définitivement accrochés à l'alphabétisme fonctionnel (savoir lire, écrire et compter) tandis qu'en quittant l'école après le cycle primaire actuel le risque qu'un enfant retombe dans l'analphabétisme est très élevé. L'option pour l'Education de base est non seulement pertinente, mais elle se trouve renforcée par le fait que la valeur marchande du Cep sur le marché de l'emploi est aujourd'hui presque nulle. Cependant pourrait-on supprimer le Cep alors que près de 60% des postulants ne parviennent pas à l'obtenir parce qu'ils n'y sont pas suffisamment bien préparés ?


* Recteur honoraire de l'Université nationale du Bénin, ancien commissaire de l'Union Africaine et de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), ancien membre du Conseil National Science Foundation (NSF) des USA, de International Science Programme (ISP) de Suède et ancien président du Conseil de l'Agence inter-Etablissement de Recherche pour le Développement (AIRD) de France.

Par Jean-Pierre O. Ezin*