La Nation Bénin...
Psychopédagogue, ancien directeur de l’Ecole normale de Porto-Novo (Ens) et ancien recteur de l’Université de Porto-Novo, le professeur Jean-Claude Hounmènou apprécie ici la récente décision du recteur de l’Université de Parakou qui a opté pour la suppression des soutenances de mémoire en fin de cycle de Licence à la Faculté des Lettres, Arts et Sciences humaines (Flash) et la Faculté des Sciences économiques et de Gestion (Faseg).
La
Nation : Quelle lecture faites-vous de la suppression de la soutenance des
mémoires de Licence à la Faculté des Lettres, Arts et Sciences humaines (Flash)
et la Faculté des Sciences économiques et de Gestion (Faseg) de l’Université de
Parakou (Unipar) décidée par le recteur ?
Professeur Jean-Claude Hounmènou : J’ai essayé de me mettre à la place du recteur de l’Université de Parakou. Je me suis dit que les facultés concernées par cette suppression de soutenance de mémoires en Licence n’ont pas été identifiées au hasard. Puisqu’il s’agit des Faculté des Lettres, Arts et Sciences humaines (Flash) et Faculté des Sciences économiques et de Gestion (Faseg). Ce sont des facultés à gros effectifs. En licence, les étudiants sont nombreux et malheureusement, nous n’avons pas beaucoup d’enseignants pour les encadrer. Vous imaginez qu’à la fin de la Licence on confie cinquante mémoires à diriger par un seul enseignant, c’est intenable. On ne pourra pas atteindre la qualité dans ces conditions. Je crois que c’est l’une des raisons qu’on peut comprendre et qui pourrait expliquer la décision du recteur qu’on peut bien déplorer. Il peut y avoir d’autres raisons qui auraient motivé la décision. Peut-être la décision a-t-elle été prise après une certaine évaluation aussi des mémoires produits par les étudiants. L’équipe rectorale s’est rendu peut-être compte que ces mémoires n’apportaient pas grand-chose à la formation desdits étudiants ni à l’avancement de la recherche dans les deux facultés concernées et qu’il n’y avait pas la qualité recherchée. Ils ont peut-être préféré reporter la recherche à la fin du Master. Comme cela, les effectifs auront été déjà réduits. L’encadrement pourrait être fait de plus près en Master et on pourrait espérer quelque chose de qualité.
La décision, selon vous, peut être déplorée même si elle est justifiée….
Ah
oui ! La rédaction d’un mémoire en année de Licence est une occasion
d’initiation des étudiants à la recherche dans la spécialité où ils ont étudié.
Ce n’est pas quelque chose où on doit attendre cinq ans ou six ans, avant
d’apprendre aux étudiants à faire de la recherche. C’est une bonne chose de
faire faire des mémoires de fin de Licence aux étudiants. Mais il se fait que
les réalités du terrain ne militent pas en faveur de la poursuite de
l’expérience. Je crois que le recteur de l’Université de Parakou a voulu tenir
compte des réalités du terrain. Sinon, il y a beaucoup de charges symboliques
associées à la soutenance de mémoire.
Ça marque la fin de cycle. La soutenance de mémoire faisait déplacer les parents qui venaient voir l’évaluation du parcours de leurs enfants pour qui ils ont payé la formation pendant trois ans. Le jugement du jury de l’évaluation montre aux parents la moisson de leurs investissements. Les bonnes mentions qui sanctionnent la soutenance des mémoires donnent une certaine satisfaction notamment aux étudiants, aux parents, amis et autres invités. C’est aussi une occasion de fête et de joie. Il y a ces symboliques qui vont disparaître avec cette suppression. Sinon, la soutenance de mémoire est une épreuve importante pour beaucoup de raisons.
C’est
quand même un bon débarras pour les étudiants qui n’auront plus à faire face
aux lourdes charges inhérentes aux frais de soutenance de leurs mémoires…
La
rédaction d’un mémoire de Licence ne coûte pas grand-chose financièrement. Le
document compte une cinquantaine de pages. L’invitation des parents et autres
est facultative. On ne force personne à inviter quelqu’un pour donner à boire
et à manger. Il y a des gens qui soutiennent sans faire de fête. Il y a des
étudiants qui viennent aux soutenances avec deux amis seulement ; certains même
sans être accompagnés. C’est une question de choix. La fête dépend de
l’importance que chaque étudiant donne à cet évènement qu’est la soutenance de
son mémoire. Je ne pense pas que cela augmente tellement les charges des
étudiants. Je ne crois pas que ce soit pour cette raison que le recteur a pris
la décision de suppression.
Pensez-vous que le recteur seul est compétent pour prendre une telle décision ?
Oui, il n’y a que l’université qui soit compétente pour prendre cette décision. C’est l’université qui élabore ses programmes de formation. Le Conseil scientifique de l’université est bien habilité à dire ce qui est adéquat et pertinent dans la formation de ses étudiants. Je suppose que le recteur a consulté son conseil scientifique avant de décider vraiment de la suppression de la soutenance de mémoire parce que cela n’apporte pas grand-chose aux étudiants.
Donc, pas de risque de remise en cause par l’autorité gouvernementale ?
L’autorité
gouvernementale n’a pas à y intervenir. Les universités ont une certaine
autonomie. C’est le gouvernement qui a nommé le recteur, lequel agit au nom du
ministre en charge de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique
et même du chef de l’Etat. C’est le recteur qui est habilité à prendre des
décisions sur le plan académique au niveau de son université¦