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Crépin Zèvounou, directeur général du LERGC: «La terre de barre n'est pas pour les pauvres»

Environnement
Par   Didier Pascal DOGUE, le 17 déc. 2015 à 06h43

De plus en plus, les bâtiments faits de briques en terre comprimée sont d’usage courant et appréciés. Si d’aucuns éprouvent un penchant pour ce matériau, en raison de son coût et de ce qu’il garantit le confort thermique par ces temps de changements climatiques, d’autres n’y pensent pas parce que ce n’est pas intéressant pour eux. Le directeur général du Laboratoire d’essai, de recherche en génie civil (LERGC), Crépin Zèvounou, rencontré à l’occasion d’une formation initiée par l’Uémoa qui s’y est intéressée du 14 au 19 décembre, revient dans cet entretien sur les avantages liés à ce choix.

« Aux Béninois, je demande de croire en ces bâtiments et de ne pas éprouver le complexe que c’est pour les pauvres». Voilà comment Crépin Zèvounou, directeur général du Laboratoire d’essai, de recherche en génie civil. (LERGC), enseignant chercheur à l’Ecole polytechnique d’Abomey-Calavi encourage les Béninois à s’orienter vers les bâtiments construits avec des briques en terre comprimée.

Comment obtenir une BTC

«Quand on descend dans la Vallée de l’Ouémé ou à Hlan, on peut avoir le sable approprié pour pouvoir faire ces briques en terre stabilisée, indique le technicien. Aujourd’hui, on ne parle plus de terre stabilisée mais de brique en terre comprimée (BTC) parce qu’il faut stabiliser le ciment», précise-t-il. Donc pour avoir ces types de briques, il faut non seulement du sable mais aussi de l’argile. C’est pourquoi la terre de barre est appropriée. Mais il faut une certaine proportion de sable et d’argile dans ce matériau pour avoir un bon mélange, nuance-t-il.
Il faut que dans le sable, les particules soient grossières, apprécie-t-il. Parfois, il est nécessaire, selon lui, d’améliorer la qualité du sable qui est en place pour avoir de bons matériaux et des briques de très haute performance.
Cette technologie existait, depuis le temps de nos parents a reconnu Crépin Zèvounou. Mais à l’époque, rapporte-t-il, on ne comprimait pas. Il n’y avait pas de presse. «Cependant, on "battait" le sable pour les maisons qu’on rencontrait en ces moments-là. Mais elles se lézardaient. Au Bénin, la technologie des briques en terre comprimée existe, il y a 20 à 30 ans qu’on l’expérimente », explique l’enseignant chercheur. «A l’université, nous disposons d’un pôle qu’on appelle le "Potema". Le pôle de technologie de matériaux locaux qui existe à l’Ecole polytechnique d’Abomey-Calavi (EPAC) dont j’ai longtemps été membre et le suis encore. On a travaillé avec nos frères burkinabé qui ont développé cette technologie», se souvient-il. Et de poursuivre que «Nous avons également travaillé avec ceux qui ont parcouru le monde entier et qui sont basés en France, avec qui nous avons réalisé un bâtiment- type. A Porto-Novo, nous avons réalisé avec eux le centre de l’artisanat situé en face de l’église Saint Pierre-Paul. Donc, nous avons réalisé ce bâtiment pour pouvoir faire la pratique et la mise en œuvre de ces technologies», insiste-t-il.

Avantages des BTC

Il est possible de disposer de sable « Partout », pour fabriquer les briques en terre comprimée, répond Crépin Zèvounou. «Mais je vais scandaliser en indiquant que vous pouvez le trouver dans votre maison. Ce qui est plus simple, c’est que lors de la réalisation d’un bâtiment privé, pour faire des fosses septiques, la terre prélevée que ce soit à Porto-Novo ou n’importe où, est déjà assez bonne, pour pouvoir faire ce type de briques», estime l’enseignant-chercheur. Maintenant, précise-t-il, si vous voulez plus de performance et si vous êtes par exemple à Porto-Novo, vous ajoutez juste la terre de Djassin, c’est-à-dire du sable avec des gravions, ça améliore la qualité de ce matériau. On adapte, ajoute-t-il, ces technologies de plus en plus. Mais il nuance que les ouvriers font des briques de 10 avec de petites presses, mais que cela ne présente pas la meilleure qualité. Mais que c’est déjà quelque chose au départ.
Enumérant les avantages attachés à cette technologie, Crépin Zèvounou avance que le premier critère de choix pour toute personne porte sur le coût. Donc l’avantage financier.
Ensuite, «Si vous prenez de la terre parce que vous allez réaliser des fosses, vous disposez déjà de la terre et vous n’avez plus besoin d’acheter du sable pour le faire. Vous avez déjà les matériaux disponibles chez vous en même temps», apprécie l’ingénieur.
Le 2e avantage, apprécie-t-il, c’est le confort thermique. « Vous allez constater que dans les maisons de nos grands-parents, il ne fait pas trop chaud. Pendant l’harmattan, on n’a pas trop froid et pendant la sècheresse, on n’a pas trop chaud. Donc le confort thermique est au rendez-vous», explique-t-il. Ainsi, au lieu d’utiliser tout le temps le ventilateur pour faire face à des factures salées par la suite, avec ces matériaux, on diminue le coût », observe. Il faut, selon Crépin Zèvounou, bien orienter le bâtiment en respectant un certain nombre de précautions pour qu’il y ait assez d’air afin que le confort et l’avantage de ce matériau soit renforcé.
En définitive, apprécie le technicien, c’est du matériau noble, le matériau de l’avenir. « Que les Béninois enlèvent de leur tête que la terre de barre est pour les pauvres. Je comprends par ailleurs, qu’il n’y ait pas encore assez d’ouvriers qualifiés et qu’il y a des déceptions pour certains qui ont voulu utiliser ce matériau », regrette-t-il.

Bâtiment à entretien facile

La mise en forme relève également, selon lui, d’un art que ceux qui savent le faire maîtrisent de telle sorte que quand ils le réalisent, vous avez un bâtiment dont l’entretien est facile. Sur des années, vous n’aurez plus à reprendre la peinture. Parce que le matériau lui-même, apprécie-t-il, ne requiert plus de badigeonnage. «C’est le même matériau, de sorte que si vous tamisez, vous n’avez plus besoin de la chaume pour faire la peinture à partir du même matériau et avec un peu de ciment. Que les Béninois y croient, car aujourd’hui, nous avons des techniciens qualifiés. Et c'est encore une occasion où on peut former des personnes à l’utilisation, à la production et à la mise en œuvre», retient l’enseignant-chercheur ¦