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Mounkaila Goumandakoye sur les changements climatiques : « L’Afrique doit s’engager dans une transition… »

Environnement
Par   Fulbert Adjimehossou, le 10 févr. 2022 à 12h05
Les changements climatiques, une des menaces majeures, interpellent toute l’Afrique. Mounkaila Goumandakoye, secrétaire exécutif de l’Organisation pour l’Environnement et le Développement durable (Oedd)en dévoile les enjeux. L’ancien directeur de Onu Environnement est intervenu lors d’une conférence organisée, le 8 février 2022, par le Réseau des médias africains pour la promotion de la santé et l’environnement (Remapsen). La Nation : Dans un contexte de changements climatiques, quels sont les défis pour l’Afrique ? Mounkaila Goumandakoye: Le dérèglement climatique pose des défis redoutables à l’Afrique dont la population est passée de 100 millions d’habitants environ en 1900 à 1, 4 milliard d’habitants de nos jours. Les changements climatiques associés à la dégradation des terres peuvent causer la perte de plus de la moitié des terres arables d’ici 2030, exacerbant l’insécurité alimentaire et la pauvreté. La bande sahélienne est particulièrement concernée, mais également la corne de l’Afrique. Toutes les régions, à un degré ou à un autre, seront affectées par les sècheresses ou les inondations. Dans son rapport sur l’état du climat en 2020, l'Organisation météorologique mondiale (Omm) indique que les changements climatiques peuvent entraîner jusqu’à 3% de baisse supplémentaire du Pib d’ici 2050. Ceci est d’autant plus alarmant que la pression démographique va croissante, avec une population qui atteindra 2,5 milliards d’habitants en 2050 et 4 milliards en 2100. En Afrique, la grande dépendance des populations à l’agriculture (plus de 90 % des activités agricoles reposent sur les précipitations.) et à la pêche, notamment, accroît la vulnérabilité des pays aux changements climatiques. Les conséquences du réchauffement climatique sont multiples. Les effets sur la santé sont dus aux chaleurs extrêmes, à l’accroissement des maladies à transmission hydrique ou celles véhiculées par les insectes notamment le paludisme et la dengue, à la malnutrition et à la sous-alimentation qu’engendre l’insécurité alimentaire. À ces effets, s’ajoutent aussi les pathologies respiratoires liées à la pollution atmosphérique (augmentation de la teneur en ozone en raison des hausses de températures ou augmentation des suspensions dans l’air due à la sècheresse et à la dégradation des terres). Par ailleurs, le niveau moyen des océans a augmenté de 20 cm entre 1901 et 2018 et une augmentation du niveau de la mer allant jusqu’à 5 mm/an est observée dans plusieurs pays africains à façade maritime avec de plus grandes menaces sur les Etats insulaires comme les Seychelles, Madagascar ou l’Île Maurice. Les changements climatiques entraînent des perturbations dans les grands équilibres écologiques, conduisant à la raréfaction des ressources. La compétition pour l’accès à ces ressources, notamment aux terres arables, à l’eau, aux pâturages, engendre ou accentue les conflits. Les déplacements de populations sont aussi induits par les inondations, les tempêtes ou les sècheresses. On estime que 12% de tous les nouveaux déplacements de populations dans le monde au cours des deux dernières années se sont produits dans la corne de l’Afrique et l’Est du continent avec plus de 1, 2 million dus aux catastrophes naturelles. En 2020, le continent a connu de graves inondations avec des pertes en vie humaine ou des déplacements de populations notamment au Soudan, au Soudan du Sud, en Éthiopie, en Somalie, au Kenya, en Ouganda, au Tchad, au Nigeria, au Niger, au Bénin, au Togo, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Cameroun et au Burkina Faso. Quelles sont les potentialités dont dispose le continent ? L’Afrique recèle un potentiel énorme en ressources humaines et en ressources naturelles qui, valorisées, constituent des atouts majeurs pour faire face aux changements climatiques et engager une croissance économique et sociale selon une trajectoire vertueuse qui assiéra les bases réelles d’un développement durable effectif. Il importe pour l’Afrique de sortir des modèles de développement dits de « business as usual » pour s’engager résolument dans un processus de transition vers une économie verte qui repose sur des investissements qui assurent une production efficiente des biens et des services à travers une meilleure efficacité de l’utilisation des ressources naturelles à court, moyen ou long termes. L’exploitation de nos ressources ne doit pas engendrer d’impacts négatifs sur l’environnement comme les pollutions, la dégradation des terres ou la perte de biodiversité. Elle doit veiller au bien-être de tous les citoyens dans la durée et l’équité. Il s’agira pour l’Afrique de valoriser son gigantesque potentiel en énergies renouvelables (hydraulique, solaire, éolienne et géothermale) pour satisfaire ses besoins en électricité et participer aux efforts d’atténuation. À titre illustratif, le continent dispose d’une capacité de génération solaire pouvant atteindre plus de 10 000 GW. Il faudra valoriser les ressources forestières dont le Massif forestier du Congo qui constitue un des poumons de la planète et un puits de gaz à effet de serre de même que les grandes étendues de terres arables représentant 25% des terres fertiles mondiales. Selon la Banque africaine de Développement, en usant de pratiques agricoles intelligentes face au climat, le continent pourrait multiplier par 3 sa production agricole passant de 280 milliards de dollars américains à 880 milliards d’ici à 2030 ; son grand potentiel en eau de surface et en eaux souterraines ainsi que les autres diverses ressources naturelles dont regorge le continent. Que faire alors? La mise en œuvre de la Convention de lutte contre les changements climatiques et de l’Accord de Paris exige que les volontés nationales s’expriment à travers ce qu’il a été convenu d’appeler les Contributions déterminées au niveau national (Cdn). Ces Cdn indiquent les engagements volontaires de chaque pays à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à engager des actions appropriées d’adaptation. Les pays développés avaient par ailleurs pris l’engagement de mobiliser des ressources financières à hauteur de 100 milliards de dollars américains qui tardent à être mis à la disposition des pays dans leur intégralité. Des mécanismes de financement comme le Fonds vert climat sont venus s’ajouter à des mécanismes existants comme le Fonds pour l’environnement mondial (Fem) et le Fonds d’adaptation entre autres. Des initiatives ont été en outre engagées pour aider au renforcement des capacités notamment à travers le Centre des Technologies sur le Climat. La réussite dans l’action de lutte contre les changements climatiques requiert des réponses politiques, techniques, scientifiques, financières et économiques que l’Afrique devra engager en mobilisant avant tout ses propres ressources et capacités aux niveaux local, national et régional. Bref : Fenêtre Verte Ecologie: Cinq plantes sauvages prioritaires à valoriser Les plantes oléagineuses sauvages sont des espèces utilisées pour l’alimentation, les cosmétiques, les nutraceutiques et la médecine. Au Bénin, leur importance est encore peu documentée. Une étude publiée le 5 février 2022 dans la revue SciencesDirect a identifié les espèces prioritaires à valoriser au Bénin. Un total de 36 espèces de plantes oléagineuses sauvages appartenant à 25 familles botaniques a été enregistré. Ces espèces ont été identifiées comme des ressources importantes pour atténuer la pauvreté et l’insécurité alimentaire dans les communautés et comme des facteurs potentiels pour le développement du secteur des oléagineux au Bénin. Les résultats ont montré que les huiles extraites des graines servent à des fins médicinales (49,25 %), alimentaires (29,85 %), cosmétiques 17,91 %) et combustibles (2,99 %), et que ni le sexe ni la profession principale ne définissent la connaissance de la diversité de ces espèces. Les cinq espèces d’huile sauvages prioritaires pour la valorisation au Bénin sont : Balanites aegyptiaca (L.) Delile, Ricinodendron heudelotii (Bail.), Lophira lanceolata Tiegh. ex Keay, Sesamum indicum L. et Cleome gynandra L. La publication scientifique porte la signature de plusieurs chercheurs dont les professeurs Achille Assogbadjo et Romain Glèlè Kakaï. Baobab : Opportunités et défis de conservation au Bénin Une étude publiée dans la revue Journal of Arid Environments, Volume 198 de mars 2022 s’est intéressée au baobab africain. On y retient trois leçons : la distribution de l’espèce a été influencée par des facteurs climatiques et pédologiques. Les modèles ont montré une grande stabilité des zones appropriées pour le baobab africain dans le futur. La conservation in situ et ex situ est cruciale pour les populations de baobabs africains. L’étude menée par des chercheurs béninois a permis d’évaluer la distribution actuelle du baobab et de prévoir l’impact probable du climat futur. Il est prévu que certaines zones protégées ne conservent pas efficacement l’espèce à l’avenir. Nous pensons que les mesures de conservation ex situ et in situ contribueront à maintenir la population de baobabs africains à l’avenir. Onu Environnement: La 5e session prévue pour le 28 février La cinquième session de l’Assemblée générale des Nations unies pour l’environnement aura lieu, en présentiel et en ligne, à Nairobi du 28 février au 2 mars 2022. Ce sera autour du thème : «Renforcer les actions en faveur de la nature pour atteindre les objectifs de développement durable». Ce thème souligne le rôle central que joue la nature dans nos vies et dans le développement durable social, économique et environnemental. Cette session sera l’occasion pour les États membres de partager les meilleures pratiques en matière de durabilité. Elle créera une dynamique pour que les gouvernements s’appuient sur les efforts environnementaux multilatéraux et en catalysent l’impact afin de protéger et de restaurer le monde naturel dont dépendent nos économies et nos sociétés.