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Yantannou Sarki, au sujet des pillages de ruches : « Il faut interdire la vente du miel dans les rues »

Environnement
Par   Fulbert Adjimehossou, le 17 mai 2022 à 09h59
  Président de la Plateforme nationale des acteurs de la filière apicole au Bénin (Pnafa-Bénin), Yantannou Sarki dévoile des pistes pour faire face aux menaces et par ricochet protéger les consommateurs de miel au Bénin. La Nation : Quelles sont les menaces qui pèsent sur l’abeille au Bénin ? Yantannou Sarki : Je voudrais d’abord souligner que l’apiculture, c’est l’élevage des abeilles pour les services de pollinisation et les produits de la ruche. L’abeille, c’est beaucoup plus que le miel. Dans le monde, trois cultures sur quatre produisant des fruits et des semences destinés à l’alimentation humaine dépendent en partie des abeilles. Notre vie en dépend donc intimement. Mais il se fait que l’homme qui vit de l’abeille est encore son premier ennemi. Les hommes tuent sciemment les abeilles. Par exemple, les techniques de récolte de miel jusqu’à présent détruisent encore beaucoup d’abeilles. En plus, il y a la monoculture. Les abeilles ne trouvent de nourriture qu’une petite partie de l’année. Les cultures n’étant pas variées, il y a beaucoup de colonies qui meurent de faim. De par l’activité agricole, on utilise exagérément de l’insecticide. Or, ce ne sont pas tous les insectes qui sont nuisibles. Il y en a qui sont des amis des plantes comme l’abeille et les papillons. L’utilisation de l’insecticide fait donc des victimes non ciblées. Celui qui cultive le coton, la mangue, le cajou a besoin des abeilles. Mais il utilise des produits qui portent atteinte à ce transporteur gratuit de pollen. Au Bénin, on parle de plus en plus d’actes de pillage. La plateforme des apiculteurs en est-elle informée ? Nous avons constaté que depuis trois ans, il y a des individus qui nuitamment brûlent les abeilles, cassent les ruches et emportent le miel. Quand nous avons pris la résolution de monter la garde, ils ont changé de méthode. Ils viennent avec des produits phytosanitaires pour traiter les abeilles ; les tuent afin de récolter le miel pour le mettre sur le marché. Ainsi, la plupart des miels qui courent les rues sont contaminés. Les gens en seront malades et vont croire que c’est la sorcellerie. Alors qu’ils ont pris sur une longue période du miel infecté. Comment faire face aux menaces ? Il faut déjà que les apiculteurs soient eux-mêmes informés que l’abeille n’est pas utile que pour le miel mais aussi pour l’agriculture. Lorsque l’apiculteur fait savoir à l’arboriculteur qui a des plantations de mangue, de cajou, que l’abeille permet d’améliorer sa production, celui-là va comprendre qu’il sera la première victime du déclin des abeilles. Je crois qu’il ne faut pas attendre l’Etat pour sensibiliser autour de nous. L’abeille joue un rôle important pour notre sécurité alimentaire et améliore la productivité des cultures de rente. Si tous les producteurs agricoles sont informés, ils feront eux-mêmes la veille pour protéger les abeilles. Maintenant, à notre niveau, nous devons nous former et améliorer le dispositif des ruchers. Il faut des ruchers modernisés. Si nous sommes d’accord qu’il faut faire des poulaillers pour des poulets de chair, il faut le faire aussi pour les abeilles. L’apiculteur doit construire son rucher. Nous devons nous demander aussi si nous contribuons aux recettes de l’Etat. Raison pour laquelle, la plateforme travaille à ce que chaque apiculteur se formalise, déclare son exploitation et paye les taxes de développement local. Une fois la formalisation faite, il faut taper du poing sur la table et interdire la vente du miel dans les rues. Le miel en vente doit être dans des contenants portant l’autorisation de l’Agence béninoise de sécurité sanitaire des aliments (Abssa). Dans ce cas, il ne sera plus question que des gens qui n’ont pas de ruche vendent le miel. La sensibilisation doit aussi aller à l’endroit des consommateurs pour qu’ils comprennent les risques qu’ils courent. Aujourd’hui, nous avons tué toutes les abeilles sauvages. Nous n’avons pour la plupart que des abeilles domestiques, qui ont des propriétaires. Alors, si vous achetez du miel chez celui qui n’est pas un apiculteur, vous payez la mort. On ne doit plus vendre du miel sans une marque autorisée. Ainsi, on sait d’où ça vient et s’il y a un problème, c’est le miel de cet apiculteur et non le miel béninois.