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Cotonou 2025: Capitale africaine de l’action climatique

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Luc GNACADJA Luc GNACADJA

La semaine prochaine, Cotonou sera au cœur du débat mondial sur la résilience. En accueillant successivement le Sommet Climate Chance Afrique (27–28 octobre) et la réunion du Comité exécutif du Mécanisme des Bénéfices d’Adaptation (29–30 octobre), la capitale économique du Bénin devient, pour quelques jours, la capitale africaine de l’action climatique, en route vers la Cop-30 de Belém, une Cop-bilan du chemin parcouru depuis l’Accord de Paris adopté en 2015. Ces deux rendez-vous sont plus qu’une juxtaposition d’événements : ils incarnent une Afrique qui pense et agit par elle-même. Une Afrique consciente que la bataille du climat ne se gagnera ni à New York ni à Bruxelles, mais dans les territoires, là où s’entrecroisent les vulnérabilités, les savoirs et les solutions.

Par   Luc GNACADJA, le 24 oct. 2025 à 08h37 Durée 2 min.
#action climatique

Sécheresses récurrentes, inondations meurtrières, chaleur extrême : la crise climatique se vit ici dans toute son intensité. Mais elle ne condamne pas l’Afrique à la plainte. Au contraire, elle révèle sa capacité à transformer chaque contrainte en opportunité, chaque vulnérabilité en levier de développement.

En effet, l’Afrique fait face à un paradoxe criant : elle contribue très marginalement aux émissions de gaz à effet de serre, subit de plein fouet les effets du changement climatique, mais reçoit moins de 3 % des flux mondiaux de financement climatique, alors que ses besoins d’adaptation sont estimés à plus de 50 milliards Usd par an, soit près de dix fois le volume actuellement mobilisé. Ce fossé est à la fois quantitatif et qualitatif : trop de financements demeurent fragmentés, sans vision programmatique de long terme, et contournent les territoires les plus vulnérables. Combler ce fossé, c’est reconnaître que chaque dollar investi dans l’adaptation africaine est un pari sur la stabilité, la sécurité et la prospérité durable du continent.

Le Sommet Climate Chance Afrique 2025 s’ouvre sur un message d’urgence et d’espoir : il est temps de faire de la résilience un moteur d’investissement et d’innovation.

Les énergies renouvelables y occupent une place centrale. Elles ne sont pas seulement un outil de réduction des émissions ; elles représentent un socle de souveraineté et de dignité. Chaque panneau solaire, chaque digue restaurée, chaque mangrove préservée incarne une victoire sur la dépendance énergétique et économique.

Mais pour transformer l’essai, il faut changer d’échelle et de logique financière.

Catalyser les investissements privés pour l’adaptation climatique

Le premier levier, c’est d’ouvrir la voie à l’investissement privé dans l’adaptation, trop souvent perçue comme “non rentable”. Pourtant, les entreprises ont tout à perdre, et tout à gagner.

Les chocs climatiques bouleversent déjà les chaînes d’approvisionnement, déprécient les actifs et poussent les assureurs à se retirer de certaines régions, voire de marchés entiers. Pour le secteur privé, investir dans la résilience n’est pas un acte de philanthropie, mais une stratégie d’avenir pour une croissance à la fois résiliente, compétitive, et responsable. Chaque dollar consacré à l’adaptation évite des pertes, protège la productivité et crée de nouveaux marchés durables. L’adaptation n’est pas un coût, mais un investissement dans la compétitivité et la pérennité; un modèle économique porteur de valeur et d’impact. Et c’est précisément dans cette perspective que l’Afrique innove.

Le Mécanisme des Bénéfices d’Adaptation (Abm), développé par la Banque africaine de développement, illustre cette innovation africaine dans le financement de la résilience. Mis en œuvre à titre pilote dans le cadre de l’article 6.8 de l’Accord de Paris, il s’apprête à entrer dans une phase de mise à l’échelle mondiale.

L’Abm permet de certifier les résultats de résilience à travers des Certificats de Bénéfices d’Adaptation (Cabs), qui garantissent que chaque dollar investi produit un impact mesurable et vérifié pour les communautés et les écosystèmes. Ces certificats seront émis pour la première fois au monde à Cotonou — une étape historique qui consacrera le leadership africain dans la mise en œuvre concrète de l’Accord de Paris.

Aux côtés de l’Abm, la facilité LoCAL (Local Climate Adaptive Living Facility), mise en œuvre par Uncdf avec l’appui du Pnud, offre un autre modèle prometteur. Déjà opérationnelle dans dix communes du Bénin et actuellement en phase de généralisation pour en couvrir une trentaine, elle intègre le financement climatique directement dans les budgets communaux grâce à des subventions basées sur la performance.

En conjuguant l’ABM et LoCAL, l’Afrique démontre qu’elle peut bâtir des ponts entre la finance mondiale et les besoins locaux, en ancrant les investissements dans la durabilité et la gouvernance de proximité. Ces dispositifs changent la donne : ils dé-risquent l’adaptation, restaurent la confiance des investisseurs et transforment la résilience en actif stratégique.

De la multiplication des projets à la transformation systémique

Le second levier, c’est de rompre avec la logique de projets dispersés pour financer de véritables transitions intégrées — territoriales, énergétiques, agricoles ou urbaines — capables de relier adaptation et développement.

L’Afrique regorge de solutions souvent frugales : des systèmes d’irrigation efficients, des coopératives d’agroforesterie, des innovations communautaires pour l’eau ou l’énergie solaire. Mais ces initiatives, aussi exemplaires soient-elles, demeurent souvent isolées, sans effet d’entraînement à l’échelle des territoires.

Il est temps de changer d’échelle et de culture.

Planifier la résilience au niveau des territoires, relier les dynamiques locales aux politiques nationales et régionales, et créer un écosystème favorable à l’investissement durable.

C’est précisément l’esprit du Sommet Climate Chance Afrique : fédérer les maires, les entrepreneurs, les chercheurs et les partenaires autour d’une conviction partagée : la résilience n’est pas un secteur, mais une culture à diffuser. Pour y parvenir, les États et les institutions régionales ont un rôle décisif : adopter des politiques incitatives, garantir les risques, favoriser les marchés publics verts et orienter les financements vers la durabilité.

Sans cela, les projets pilotes resteront des îlots d’espoir dans un océan de vulnérabilité.

L’Afrique en marche vers Belém : de la dépendance à la contribution

À quelques semaines de la Cop-30 de Belém, ces deux rendez-vous de Cotonou marquent un tournant.

Ils témoignent d’un changement de paradigme : passer de la dépendance à la contribution, du discours à l’action, de la logique d’aide à celle de la mutualité et de la valeur partagée. En inscrivant la première émission mondiale de Certificats de Bénéfices d’Adaptation dans une capitale africaine, le continent affirme son rôle d’acteur et d’innovateur du financement climatique. Il ne s’agit plus seulement de réclamer une “part juste” des fonds internationaux, mais de montrer la voie vers des solutions concrètes, équitables et mesurables, ancrées dans les territoires.

Cotonou 2025 envoie au monde un message fort : l’Afrique trace sa voie, là où se construit une résilience fondée sur la justice, la dignité et la solidarité.

 

Vice-président de Climate Chance
Co-président du Comité exécutif du Mécanisme des Bénéfices d’Adaptation (ABM)