La Nation Bénin...
Un
film sans couleur, sans race, sans genre. Une heure de voyage devant le grand
écran entre Berlin et Dakar et pour la quête d’une identité pour se redéfinir.
C’est ce que propose le réalisateur béninois Aymar Ayeman Essè à travers son
film « La kora de mon père », à découvrir en avant-première ce jour au centre
culturel Artisttik Africa de Cotonou.
Souleyman
est né femme, mais il est devenu par la force des choses, un bel homme géant
qui ne laisse voir aucun signe de féminité. Mais ce n’est pas ce qui fait de
lui, le personnage au cœur du film documentaire qui sera projeté ce jour sur
les écrans du centre culturel Artisttik Africa de Cotonou. C’est plutôt le
jeune africain, du moins le jeune berlinois à la quête de ses racines
africaines qui passionne au bout des soixante minutes de voyage que
propose Aymar Ayeman Essè au cinéphile.
A 16 ans, Souleyman reçoit de son père, de nationalité sénégalaise, une kora,
un instrument de musique typiquement africain dont la résonance fait
frissonner. Le temps a eu raison de l’instrument. La poussière aussi. Ses
cordes lâchent à l’épreuve du non-usage. Mais l’héritier est plus qu’admiratif
de son bien. Il est amoureux de l’instrument qu’il entreprend de faire réparer
à la source, au lieu de ses origines au Sénégal. Le voyage s’accompagne de la
caméra du réalisateur. Finalement, pour un voyage, il en sera deux.
L’instrument qui part en réparation, et Souleyman à la recherche de ses
origines.
Pour
en arriver là, il a fallu huit ans de travail. « J’ai décidé de le faire à mon
rythme, parce que les bonnes choses qui sont épicées, prennent du temps »,
explique le réalisateur. Pourtant, ce film, il ne parvient pas à l’expliquer
lui-même. Pour ce qui est du choix de ce personnage au bout du casting, et pas
un autre, la raison est toute simple, révèle-t-il aux médias en prélude à
l’avant-première. « Je l’ai choisi parce que c'est le personnage le plus
difficile, le plus complexe ».
«
J’ai choisi de faire ce film. Je passe sur du cinéma direct, et je fais le film
dans un style d'observation, c'est-à-dire que je passe du temps avec lui, et je
filme tout le temps. Nous avons filmé plus de 168 heures de rushes… et plus on
avance dans le film, plus on va vers la fin du film, on finit avec les
dialogues, on finit avec les conversations, et la musique s'installe »,
soutient le réalisateur.
L’autre
plus-value de ce film, c’est qu’il plonge la caméra dans le quotidien de
Souleyman en plein questionnement sur sa propre personne. Il est Africain à la
base, mais il est hors de l'Afrique, il est berlinois, né à Berlin, d'un père
sénégalais, et d'une mère allemande. Sur la question de l’identité sexuelle, le
réalisateur ne s’y attarde guère. Là n’est pas l’objet de son film, même si le
sujet s’y prête. « Ce n'est pas un film sur la communauté Lgbtq, ni un film sur
la transsexualité ou sur la trans-identité. Mais c'est plutôt un film sur un
jeune Africain en quête d'identité. Et un jeune Africain qui est en quête
d'identité, ça peut être n'importe qui. Ça peut être une femme, ça peut être un
homme, ça peut être n'importe qui parce que tout le monde a le droit de pouvoir
connaître son origine, ses origines, et de pouvoir circuler et faire ce qu'il
veut, dans la mesure où il ne perturbe pas le système ou il ne perturbe pas les
autres», rétorque-t-il.
Le
film est très soft, doux… Quelques scènes qui peuvent heurter la sensibilité
aussi ? «Je suis un réalisateur. Je ne suis pas innocent. Je sais qu'est-ce que
je peux montrer en Afrique et qu'est-ce que je ne peux pas montrer en Afrique.
Ce n'est pas parce que j'habite en Allemagne que je deviens un Allemand et que
je ne vais pas tenir compte des réalités d'ici », laisse-t-il entendre.
Ce vendredi 20 décembre à 19 h, Artisttik Africa accueille en avant-première, cette réalisation. Un honneur pour ce centre dont la vocation a toujours été de soutenir les initiatives qui valorisent le continent et son identité, témoigne le responsable des lieux, Arcade Assogba. Le centre est fier et s'honore de ce choix de l'équipe de réalisation, apprécie-t-il, non sans féliciter Aymar Ayeman Essè.