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Barrières tarifaires: Des opportunités pour le commerce africain

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Une conférence virtuelle organisée par La Nation a réuni plusieurs experts autour du thème : « Barrières tarifaires : les opportunités d’exportations pour les marchés africains ». A travers des échanges fort enrichissants, les intervenants ont dressé un état des lieux des effets économiques des politiques protectionnistes mondiales et esquissé des pistes pour une transformation structurelle du commerce africain.

Par   Arnaud DOUMANHOUN, le 07 juil. 2025 à 07h59 Durée 3 min.
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Les barrières tarifaires ne sont plus des abstractions économiques. Elles ont désormais des effets tangibles sur les économies africaines, sur la vie des Pme, sur le panier du consommateur et sur la gouvernance commerciale mondiale. C’est ce qu’a souligné le professeur Faustin Luanga, spécialiste des relations économiques Afrique-Asie, à l’occasion de la conférence virtuelle organisée par le quotidien La Nation. Sous le thème : «Barrières tarifaires: les opportunités d’exportations pour les marchés africains», la rencontre a rassemblé chercheurs, économistes, acteurs de la société civile et opérateurs du commerce autour d’un enjeu stratégique. «On pense infliger ces hausses tarifaires aux autres, mais on se les inflige à soi-même», a déclaré le Pr Luanga. En évoquant les États-Unis, il cite une estimation selon laquelle chaque citoyen américain paie plus de 1 250 dollars par an à cause des hausses tarifaires. Pour les pays africains, les conséquences sont aussi sérieuses avec une compression des marges pour les Pme exportatrices, des déséquilibres dans les filières agro-industrielles et minières et la montée des coûts logistiques.

Les chaînes de valeur mondiales fragmentées

Les politiques protectionnistes ont également accéléré une redéfinition des chaînes de valeur mondiales. Face aux injonctions de relocalisation industrielle dans les pays du Nord, les entreprises revoient leur positionnement, provoquant une instabilité structurelle. Résultat : instabilité des investissements, réorientation des flux commerciaux, et incertitudes sur l’avenir des échanges. Pour les experts présents, ces mutations provoquent un affaiblissement des instances comme l’Organisation mondiale du commerce (Omc), en proie à des tensions entre grandes puissances comme les États-Unis, la Chine et l’Union européenne. Cela alimente un climat d’incertitudes, nuisible aux ambitions exportatrices des économies africaines. «Ces barrières tarifaires révèlent nos fragilités structurelles », insiste le Pr Luanga. « Mais elles sont aussi une invitation à penser autrement notre avenir commercial. »

De cette crise, les intervenants appellent à tirer des opportunités. Pour Ludovic Emanuely, président de l’Ong Croissance Peace, l’Afrique doit cesser d’attendre un alignement extérieur favorable. «La guerre des taxes douanières ne favorisera pas notre développement. Elle aggrave notre dépendance », déclare-t-il. Sans industrialisation, sans transformation des matières premières, l’Afrique restera en marge du commerce mondial. « Le commerce interafricain est l’avenir du continent », martèle-t-il.

Réflexion sur de nouveaux partenariats

Les barrières tarifaires constituent une occasion, selon les experts, de revoir les accords économiques continentaux et internationaux. Qu’il s’agisse de l’Agoa avec les États-Unis ou des partenariats économiques entre l’Union africaine et d’autres blocs, le moment est venu de repenser les bases de ces relations. L’unanimité se dégage autour de l’impératif d’encourager la transformation locale des ressources naturelles et de développer les chaînes de valeur régionales. Le professeur Luanga insiste également sur le rôle stratégique de la diaspora africaine « décomplexée», éduquée dans les grandes universités du monde et désireuse de contribuer à la renaissance économique du continent. «Cette jeunesse a les codes, les compétences et la légitimité pour impulser une nouvelle dynamique», affirme-t-il. Mais encore faut-il qu’elle soit accompagnée par des cadres incitatifs et des politiques d’accueil audacieuses.

La conférence a aussi pointé du doigt les freins internes : lourdeurs administratives, régulations contradictoires, instabilité des taux de change, corruption, manque de transparence commerciale, mauvaise qualité des produits. Pour Ludovic Emanuely, « l’Afrique reste trop timide sur la valeur de ses propres productions». Pour redonner confiance, il prône la création de labels valorisant les produits africains. « Nous avons lancé le label Noble Africa pour cela », souligne-t-il. Autre point clé évoqué : le rôle du secteur bancaire dans la dynamique de transformation. Les intervenants ont appelé à une réforme de l’approche bancaire, trop centrée sur les garanties et pas assez sur le potentiel des projets. Il est également question de créer des passerelles entre les universités et les milieux d’affaires pour générer une recherche appliquée, centrée sur les besoins industriels africains. En substance, la conférence a plaidé pour un changement de paradigme. L’Afrique ne peut se contenter d’être un réservoir de matières premières. Elle doit devenir une puissance industrielle, commerciale et technologique. Cela passe par une vision partagée, une meilleure gouvernance économique et un sursaut collectif.