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Intégration économique en Afrique: Des avancées notables face à des défis persistants

Economie

Ratifiée par une grande majorité des pays africains, la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) incarne un espoir pour le commerce intra-africain et l’industrialisation du continent. Mais à l’épreuve de la mise en œuvre, des écarts persistent entre les ambitions affichées et les réalités sur le terrain. 

Par   Babylas ATINKPAHOUN, le 17 juil. 2025 à 12h18 Durée 3 min.
#Intégration économique

Le projet de Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) est sans aucun doute l’un des plus ambitieux de l’histoire contemporaine du continent. En août 2024, ce sont 48 des 55 États membres de l’Union africaine qui ont ratifié l’accord, marquant une volonté politique claire de bâtir un marché commun de 1,3 milliard d’habitants. Une avancée saluée comme un pas décisif vers la réalisation de la Communauté économique africaine inscrite dans les traités fondateurs de l’Union africaine.

Selon le dernier rapport sur l’état de l’intégration régionale en Afrique (Aria XI), la dynamique de la Zlecaf ne faiblit pas. Les protocoles des phases 1 et 2 sont en grande partie finalisés, notamment la soumission d’offres tarifaires par 45 pays et la conclusion de 22 engagements spécifiques dans des secteurs prioritaires du commerce des services. Des avancées notables ont également été enregistrées en matière de protocoles relatifs à l’investissement, aux droits de propriété intellectuelle et à la politique de concurrence, adoptés par l’Assemblée de l’Union africaine en février 2023. Au-delà des aspects purement commerciaux, la Zlecaf a élargi son champ d’action pour inclure des initiatives spécifiques en faveur des femmes, des jeunes et du commerce numérique. Une orientation salutaire quand on sait que les femmes représentent près de 70 % du commerce transfrontalier informel en Afrique. Toutefois, la concrétisation des bénéfices de la Zlecaf suppose de sauter plusieurs verrous structurels. Parmi eux, la création d’un environnement véritablement libéralisé pour le transport aérien via le Marché unique du transport aérien africain (Mutaa) et la ratification du protocole sur la libre circulation des personnes, du droit de résidence et du droit d’établissement. Ces volets sont essentiels pour fluidifier les échanges et stimuler les investissements intra-africains.

Obstacles structurels

Si la ratification politique est massive, la mise en œuvre concrète révèle tout autre réalité. L’Initiative de commerce guidée (Gti) qui visait à donner vie à la Zlecaf grâce à des échanges pilotes entre pays volontaires, a permis de tester les mécanismes sur le terrain. Initialement limitée à huit pays, elle s’est étendue à 35, couvrant l’ensemble des produits. Mais les données recueillies mettent en évidence des défis persistants tels que la compréhension limitée des procédures commerciales, les fausses idées sur les droits de douane, les difficultés logistiques; autant d’écueils qui freinent l’essor du commerce intra-africain. S’y ajoutent des disparités marquées en termes de revenus, de productivité et de niveaux d’industrialisation entre pays. Ces écarts, conjugués aux carences d’infrastructures et aux barrières non tarifaires (Bnt) toujours nombreuses, entretiennent la fragmentation des marchés africains. La facilitation des échanges reste donc une priorité pour donner corps aux promesses de la Zlecaf.

Face à ces défis, l’Aria XI trace une feuille de route pour dynamiser l’intégration. D’abord, les États membres sont appelés à respecter strictement les calendriers de libéralisation tarifaire et à accélérer les réductions convenues. L’alignement des politiques nationales sur les engagements de la Zlecaf apparaît également incontournable. Pour cela, les gouvernements doivent mobiliser des ressources suffisantes, renforcer leurs capacités institutionnelles et collaborer pour partager les meilleures pratiques. Le rapport insiste aussi sur la nécessité de rendre pleinement opérationnel le fonds d’ajustement de la Zlecaf, destiné à compenser les pertes de recettes tarifaires et à soutenir les secteurs impactés par la libéralisation. À cette fin, son financement doit être assuré de manière pérenne pour éviter de créer de nouvelles sources de tensions entre États membres.

Un autre levier clé réside dans la facilitation de la libre circulation des personnes. La ratification et la mise en œuvre effective du protocole y afférent permettraient de débloquer un potentiel considérable d’opportunités économiques, tout en facilitant la conduite des affaires et des investissements sur le continent.

Enfin, l’Aria XI souligne l’importance de renforcer les institutions nationales et régionales. Des structures efficaces et bien coordonnées sont indispensables pour lever les barrières non tarifaires, améliorer la coopération douanière et garantir le respect des engagements pris. Cela contribuera à réduire l’écart persistant entre une intégration de jure et une intégration de facto, et à répartir plus équitablement les bénéfices de l’intégration régionale.