Le soja: Un allié santé qui mérite sa place dans l’alimentation humaine
Santé
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La Redaction, le 28 févr. 2023
à
11h01
Diverses opinions tendent à dénier au soja ses vertus tant vantées. Mais loin de toute polémique, cette légumineuse est riche en divers nutriments et révèle de nombreux bénéfices quant à la consommation humaine.Le soja fait partie de l'alimentation humaine depuis des siècles. Durant ces derniers jours, une vidéo largement relayée sur les réseaux sociaux, met en exergue un monsieur dont l’expertise n’est pas divulguée, et qui lance sans ambages : « Le soja, c’est pour les animaux; si vous ne voulez pas avoir des tumeurs et cancers, évitez le soja ». « Le soja et la santé, c’est la guerre! C’est 2 choses contradictoires », ajoute-t-il. Ces propos tonitruants, nullement étayés par des preuves scientifiques, restent des opinions douteuses à bien des égards. Cependant, ils ont suscité un émoi au sein de la population. Mes clients végétariens, stupéfaits, ont communiqué avec moi sur le sujet. Le présent article, en se fondant sur les dernières preuves scientifiques dans le domaine de la recherche en nutrition et en épidémiologie, révèle les bénéfices de la consommation de soja sur la santé humaine.
Le soja occupe une place de choix dans l’alimentation humaine
Le soja (Glycine max L.) est une légumineuse originaire des régions chaudes du Sud-Est de l’Asie. Il y est consommé depuis plus de 3000 ans. Au cours des dernières années, la production de soja connaît une croissance notable dans toutes les régions du monde. Par exemple, au Canada, on rapporte une augmentation de 27 % de la superficie consacrée à sa culture. On observe aussi cette propension dans certains pays africains dont le Bénin. L’intérêt relatif à la culture du soja peut s’expliquer par sa forte teneur en nutriments et en phytoestrogènes. Au Bénin, le soja est consommé sous diverses formes (graines cuites ou bouillies, yogourt, lait, fromage de soja). En Amérique du Nord, le tofu et le tempeh, dérivés du soja, sont fortement appréciés par les consommateurs.
Le soja est une excellente source de protéines végétales. Les protéines sont constituées d’acides aminés dont 9 sont essentiels (c’est à dire qu’ils doivent être fournis par l’alimentation puisque l’organisme ne peut les synthétiser).
Contrairement aux autres légumineuses (haricot, lentille, voandzou), le soja contient tous les acides aminés essentiels. La qualité de ses protéines est alors comparable à celle des protéines d’origine animale (viande, volaille, poisson, etc.). Au milieu des années 90, nous avons récupéré les enfants âgés de moins de 5 ans et souffrant de malnutrition protéino-energétique au moyen de la bouillie de maïs enrichie au soja. Nos activités de promotion de la croissance sur le terrain étaient couplées à des causeries et démonstrations culinaires autour de la préparation appropriée de cette bouillie.
Actuellement, en consultation clinique ou privée, les produits à base de soja occupent une place de choix dans les plans alimentaires que je concocte aux clients adeptes du végétarisme strict (exclusion dans l’alimentation des produits d’origine animale). Pour couvrir leurs besoins en protéines (surtout en acides aminés essentiels), les végétariens doivent introduire dans leurs menus quotidiens du soja ou combiner une autre légumineuse (pauvre en méthionine, un acide aminé essentiel) avec un produit céréalier source de méthionine.
Hormis les protéines, le soja est riche en fibres et en bons gras (acides oméga-3 et 6). Il ne contient pas de cholestérol. Le soja est une bonne source de plusieurs vitamines et minéraux, dont la vitamine K1 (la phylloquinone), le folate, le cuivre, le manganèse, le phosphore et la thiamine (1).
Le soja est exceptionnellement riche en isoflavones, une famille de polyphénols antioxydants appelés phytoestrogènes. On pense que les isoflavones de soja sont l'une des principales raisons des avantages que procure la consommation des aliments à base de soja sur la santé (1, 2).
Relation entre le soja et le cancer
L’implication du soja dans le développement du cancer est une ancienne controverse. Plusieurs études épidémiologiques d'envergure ont porté sur cette polémique. Une récente revue systématique portant sur 441 études a révélé que la consommation d'isoflavones de soja peut réduire le risque de cancer du sein chez les femmes pré-ménopausées et post-ménopausées (2). Un autre article de synthèse incluant 131 études a conclu qu’un apport quotidien modéré en soja contenant 25 à 50 mg d'isoflavones peut protéger contre le cancer du sein et sa récidive (3).
Quant au cancer de la prostate chez les hommes, bien que certains auteurs aient rapporté un effet protecteur du soja (4), il faut des études additionnelles afin de tirer une conclusion ferme (l’article de synthèse systématique a porté sur 2 essais cliniques).
Enfin, en 2022, une recension des écrits a porté sur la relation entre le soja et tous les types de cancer. 81 études de cohorte prospectives ont été incluses dans la recension. Comme principal résultat, le risque d'incidence du cancer a été réduit de 4 % avec chaque augmentation de 10 mg/j d'apport d'isoflavones de soja. Ce qui suggère que le rôle bénéfique du soja contre le cancer pourrait être principalement attribué aux isoflavones de soja. Toutefois, le mécanisme d’action des isoflavones de soja reste à élucider (5).
Autres effets bénéfiques du soja sur la santé
Le soja, étant une source de gras sains et de polyphénols, peut aider à protéger l’organisme contre les maladies cardiaques. Le soja entier apporte aussi des fibres, ce qui est favorable à la bonne santé intestinale (6).
Effets indésirables des produits à base de soja
Chez certaines personnes sensibles, les produits à base de soja peuvent provoquer des flatulences, de la diarrhée et entraîner des réactions allergiques. Dans ces cas, nous vous suggérons de les éviter ou de limiter leur consommation.
Le soja Ogm
En Afrique, le défi des systèmes alimentaires actuels est de pouvoir offrir aux populations des aliments sains, abordables et de hautes valeurs nutritives. Dans cette perspective, la question des organismes génétiquement modifiés (Ogm) demeure une préoccupation majeure. Il sied alors de protéger et de vulgariser les variétés de semences de soja traditionnelles pour ne pas dire biologiques car le soja Ogm peut contenir moins de nutriments et plus de résidus d'herbicides que le soja biologique. Des recherches relatives aux effets à long terme du soja Ogm sur la santé sont nécessaires.
Contrairement aux déclarations fallacieuses du monsieur de la vidéo, le soja est bel et bien produit à des fins de consommation humaine. Sa consommation est bénéfique pour la santé. Son rôle dans la réduction du risque de cancer est bien documenté. Enfin, les résultats des études épidémiologiques appuient ma suggestion : incluez le soja et ses produits dérivés dans votre alimentation qui doit être variée et équilibrée.
*PhD en nutrition
Nutritionniste, expert en évaluation de la qualité de l’alimentation chez les populations canadiennes
Références
bibliographiques
1- Messina M. Soy and health update: evaluation of the clinical and epidemiologic literature. Nutrients. 2016; 8:754. doi: 10.3390/nu8120754.
2- Boutas I, Kontogeorgi A , Dimitrakakis C et al. Soy Isoflavones and Breast Cancer Risk: A Meta-analysis. In vivo. 2022; 36: 556-562. doi:10.21873.
3- Fritz H, Seely D, Flower G, Skidmore B, Fernandes R, et al. Soy, Red Clover, and Isoflavones and Breast Cancer: A Systematic Review. PLoS ONE. 2013; 8(11): e81968. doi:10.1371/journal.pone.0081968.
4- van Die MD, Bone KM, Scott G et al. Soy and soy isoflavones in prostate cancer:
a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. BJU Int. 2014; 113: E119–E130. doi:10.1111/bju.12435
5- Fan Y, Wang M, Li Z et al. Intake of Soy, Soy Isoflavones and Soy Protein and Risk
of Cancer Incidence and Mortality. Front. Nutr. 2022; 9:847421.doi: 10.3389/fnut.2022.847421.
6- Mejia SB, Messina M, Li SS et al. A Meta-Analysis of 46 Studies Identified by
the FDA Demonstrates that Soy Protein Decreases Circulating LDL and Total
Cholesterol Concentrations in Adults. J Nutr. 2019; 149:968–981.
Par Karimou MOROU*