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Moumouni Djobo, cultivateur et conducteur de taxi-moto demeurant à Kandi, était devant la cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou, lundi 6 février dernier. C’est pour répondre du chef d’accusation de coups et blessures volontaires ayant entraîné une infirmité permanente. Condamné à la peine de cinq ans de réclusion, il retourne en prison pour purger sa peine, après avoir été placé en détention le 22 janvier 2004 et bénéficié d’une liberté provisoire le 16 juillet de la même année.
Le dix-septième dossier inscrit au rôle de la première session de la cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou, au titre de l’année 2017, portait sur une affaire de coups et blessures volontaires ayant entraîné une cécité totale. A la base du dossier, il y avait un problème de violence faite aux femmes. C’était au cours d’une scène de ménage.
Pour une somme de1 000 F Cfa
Les nommés Moumouni Djobo et M’Djaratou Belki vivent maritalement à Kandi. Leur cohabitation a souvent été perturbée par des scènes de ménage. Le 5 décembre 2003, la femme a réclamé à son mari une somme de 1 000 F Cfa pour amener leur petit enfant malade aux soins, chez un tradi-thérapeute. Le mari qui n’avait pas les moyens a commencé par la gronder. Elle est allée se plaindre aux parents de ce dernier qui lui ont donné un peu de maïs. Informé, il demanda à son épouse de leur retourner la céréale. C’est dans ces conditions qu’il a perdu son sang-froid, en administrant une gifle à M’Djaratou Belki qui perdra définitivement l’usage de son œil gauche.
Interpellé, Moumouni Djobo, à toutes les étapes de la procédure, a reconnu les faits mais en précisant que ce ne sont pas les coups portés à sa femme qui sont la cause du dommage de l’œil ; puisqu’elle a des problèmes d’yeux depuis son enfance.
A la barre, lundi 6 février dernier, l’accusé n’a pas été en mesure d’indiquer les causes de la bagarre au cours de laquelle, il a fait éclater l’œil gauche de son épouse, après lui avoir administré une gifle. « Est-ce parce que ta femme malvoyante était devenue pour toi une charge ? », lui demandera le président Jean-Pierre Yérima Bandé. Ayant appris que Moumouni Djobo avait entre-temps pris une nouvelle femme, l’avocat général, Fiacre T. Azalou, a voulu savoir si ce n’est pas cette dernière qui l’aurait ébloui, au point de l’amener à engager avec M’Djaratou Belki, une bagarre dont il ignore les raisons. A toutes ces questions, l’accusé a répondu par la négative.
Après avoir fait un enfant avec un autre homme, la victime l’a rejoint à nouveau, informera Moumouni Djobo. En dehors du seul qu’ils avaient avant l’incident, elle lui a fait trois autres enfants. Mais au cours de l’enquête de moralité qui a été réalisée, les témoignages sont concordants que M’Djaratou Belki l’a déjà quitté et qu’il vit désormais avec une nouvelle femme. Ce qui amènera le président Jean-Pierre Yérima Bandé à l’inviter à mieux situer la cour.
Le vain combat du conseil de l’accusé
Prenant ses réquisitions, le représentant du ministère public, Fiacre T. Azalou, a fait remarquer que l’élément matériel du chef d’accusation pour lequel l’accusé est à la barre consiste en des coups et blessures volontaires faites à la personne humaine. Dans le dossier, insiste-t-il, il est constant que l’accusé a porté des coups et fait des blessures à sa femme, M’Djaratou Belki. S’agissant du deuxième élément exigé pour la constitution dudit crime, poursuit-il, la nécessité d’une victime vivante s’impose. Il s’agit de sa femme, même s’il est admis que cette dernière est malvoyante. Pour l’élément moral, Fiacre T. Azalou a fait constater que l’accusé n’a pas été capable d’expliquer les intentions qui l’ont contraint à agir ainsi. D’où, l’infirmité permanente survenue avec la perte de l’usage de l’œil gauche par M’Djaratou Belki. Avec la réunion de tous ces éléments, il ressort, selon l’avocat général, que l’infraction de coups et blessures volontaires ayant entraîné une incapacité permanente prévue et punie par l’article 309 alinéa 3 du Code pénal est constituée. Il invite la cour à le condamner à six ans de réclusion criminelle.
A la suite des dépositions de l’avocat général, le conseil de l’accusé, Me Laurent Bognon, a tenu à préciser qu’il s’agit du procès de l’indigence. « Toute une famille a été incapable de réunir 1 000 F Cfa pour faire soigner un enfant. Dans ces conditions, où voulez-vous que la partie civile, dans cette affaire, trouve les frais de voyage aller et retour entre Kandi et Parakou, pour venir répondre aux convocations de la chambre d’accusation, puis déposer devant la cour d’assises? », s’est-il inquiété. Il a alors plaidé le dossier sur deux aspects. Par rapport au premier, celui technique, il a appelé la cour à faire la part des choses entre « l’incapacité fonctionnelle d’un organe » et « l’incapacité de travail personnel ». Selon lui, congénitalement condamnée à être aveugle, dame M’Djaratou Belki qui a eu son œil gauche crevé, n’a jamais cessé de vaquer aux activités courantes de la vie. « La gifle est venue au mauvais moment. Elle n’a pas choisi cet œil. On pouvait l’éviter », a souligné Me Laurent Bognon.
Le deuxième aspect de sa plaidoirie a statué sur le volet social, avec la victime qui a refusé d’intenter une poursuite pénale contre son époux, à condition qu’il accepte de ne pas l’abandonner. Pour Me Laurent Bognon, l’infraction dont on accuse son client d’être coupable est déjà là. Toutefois, au lieu de condamner Moumouni Djobo à six ans de réclusion, il faudra plutôt l’accompagner en lui donnant l’occasion d’aller s’occuper de ses cinq enfants.
Les coups et blessures portés n’ayant pas occasionné, selon Me Laurent Bognon, une incapacité de travail personnel, il priera la cour de requalifier l’infraction en violence ou coups et blessures simples. Ce qui permettra de condamner Moumouni Djobo en tenant compte du temps qu’il a déjà passé en prison. Dans ce cas, il demande la correctionnalisation en application de l’article 311 du Code pénal qui punit de six jours et au plus deux ans l’infraction de coups et blessures simples.
A l’arrivée, la cour a condamné Moumouni Djobo à la peine de cinq ans de réclusion criminelle.
La cour avait pour président Jean-Pierre Yérima Bandé et comme assesseurs, Abdou Karimi Adéoti et Rodrigue I. Sèdonougbo. Fiacre T. Azalou a occupé le fauteuil du ministère public et Me Brice Dossou-Yovo a assuré la mémoire de la cour. L’avocat de l’accusé avait pour nom Laurent Bognon et les jurés étaient Poulo Amadou Sambo, Kouandi Toura, Bio Dancoré et Léopold Chabi Boukoh.