La Nation Bénin...
L’Agence
pour le développement intégré de la zone économique du lac Ahémé et de ses
chenaux (Adelac) et les chefferies traditionnelles de la zone ont opté pour la
"sacralisation", dans le cadre de la protection des réserves
biologiques et des palétuviers de l’écosystème, après les travaux de dragage
pilote de Djondji-Houncloun. Les adeptes du culte vodoun ont achevé les
cérémonies, mercredi 18 septembre dernier, sur le lac.
Aux
sons des tam-tams, des chants, et avec des pas de danse et des libations, les
adeptes du culte vodoun, parés de leurs plus beaux accoutrements, ont conduit à
son terme, sur le lac Ahémé et ses chenaux, ce mercredi 18 septembre, la
cérémonie de sacralisation des réserves biologiques et des mangroves de
l’écosystème, commencée le 10 septembre dernier. En effet, dans le cadre des
travaux de dragage pilote de Djondji-Houncloun dans la zone du lac Ahémé et de
ses chenaux, deux zones de réserves biologiques ont été aménagées et 12,5 ha de
palétuviers ont été plantés. Selon Martin Gbèdey, directeur général de l’Agence
chargée de la réhabilitation du lac Ahémé et de ses chenaux (Adelac),
l’objectif principal du dragage était de rétablir les fonctions systémiques de
ce plan d'eau afin de répondre aux besoins exprimés par les populations de
l’ensemble du lac Ahémé et de ses chenaux depuis des décennies. La phase pilote
a été achevée sur environ 235 hectares avec des profondeurs variant entre 6 et
7 mètres au niveau du plan d'eau. Les deux réserves biologiques érigées sont
situées à proximité de la berge du hameau de Totogbo, village de Houncloun dans
la lagune côtière de Grand-Popo. Elles couvrent des superficies respectives de
2ha et 1ha, et sont draguées à une profondeur de 10 mètres. Ces réserves
biologiques sont des zones de refuge, d'alimentation, de reproduction et de
croissance des espèces halieutiques. Elles constituent une des techniques
efficaces de repeuplement naturel des plans d'eau et d'amélioration de la
protection. Pour qu'elles jouent convenablement leurs fonctions, des récifs
constitués de blocs de béton creux et de troncs de cocotiers et de rôniers
évidés y ont été déposés.
"Nous avons convenu avec les populations que cette zone de réserve biologique doit être une zone en défense de pêche, c'est-à-dire une zone protégée dans laquelle on ne doit pas pêcher ni naviguer, afin que les espèces de poissons qui y ont leur refuge ne soient pas perturbées dans leur cycle biologique", a indiqué le directeur général de l’Agence chargée de la réhabilitation du lac Ahémé et de ses chenaux (Adelac). Il ajoute : "Aussi, nous avons convenu avec les mêmes populations que nous allons recourir à nos règles endogènes de sacralisation et de protection afin que cette zone devienne, pour les populations locales, un espace réellement considéré comme divinité, un espace sacré qu'il faut préserver". En effet, dans la zone du lac Ahémé et de ses chenaux, le respect du “sacré” est profondément ancré dans la culture des populations riveraines. Cette sacralisation s’appuie donc sur les règles et pratiques socioculturelles du milieu et érige les espaces définis comme tels en espaces consacrés à des divinités. La violation desdits espaces est alors assimilée à une profanation, dont les auteurs sont sanctionnés.
La
cérémonie de sacralisation est intervenue après la réception provisoire des
travaux et le balisage des réserves biologiques. Les populations riveraines du
lac se sont mobilisées à l'occasion, pour manifester leur gratitude au
gouvernement, au regard des efforts consentis, et ainsi apporter leur
contribution sociologique à la préservation de la biodiversité du plan d’eau.
Le processus de sacralisation a été conduit sous le leadership de Togbé Diaz,
chef du village de Hèvè, du roi Ayolomi II de Possotomè, et de Daagbo Hounon
Houna II. "Il s’agit d’une cérémonie traditionnelle de Xwla-vodoun
(divinité de la communauté) appelée Vlékété-Dossou. Cette divinité, conjointement
avec Tôbossi, nourrit le monde, car elle s’installe dans l’eau pour booster la
production agricole et halieutique", a expliqué Xwla Hölou Houenouhögnon,
roi central des Xwla Hèvè de la commune de Grand-Popo. Les réserves biologiques
protégées vont desservir toutes les populations riveraines du lac Ahémé et de
ses chenaux, car les espèces halieutiques qui en sortiront migreront pour être
pêchées un peu partout dans les six communes concernées par le projet : Bopa,
Comè, Grand-Popo, Houéyogbé, Kpomassè et Ouidah.
La sacralisation des réserves biologiques impliqu celle des palétuviers, car liés par le même destin. En plus de leur rôle de frayère pour les espèces halieutiques, les palétuviers contribuent à la protection des berges des plans d'eau contre l'érosion, qui est la première cause du comblement des écosystèmes aquatiques. Par ailleurs, ils jouent un rôle important dans la lutte contre le réchauffement climatique et la purification de l'atmosphère à travers la séquestration du carbone. Mais, en dépit de l'interdiction faite par les pouvoirs publics de les couper, les populations de la zone, à la recherche de bois de chauffage, s'adonnent fréquemment à des coupes sauvages. D'où la nécessité de trouver des moyens de protection et de conservation plus efficaces. "Le gouvernement a opté pour la préservation et la protection de ces zones, pour que les avantages que procurent les mangroves dans cette zone humide soient développés. Le Bénin fait en sorte que notre neutralité carbone soit préservée et que nous puissions développer ces forêts, ces palétuviers, qui constituent des zones de séquestration du carbone", indique Martin Gbèdey, directeur général de l’Agence chargée de la réhabilitation du lac Ahémé et de ses chenaux, qui est parvenu à mobiliser toutes les populations autour du lac à cette cause. "En sacralisant ces points du plan d’eau, nous cherchons à obtenir la bénédiction divine. Les divinités lacustres protégeront ces points de réserve pour garantir et améliorer la reproduction des poissons. Après la sacralisation, il va falloir sensibiliser la population autour du lac pour que personne ne tente de profaner les lieux, car quiconque tenterait cela en subira les conséquences", a déclaré Sa Majesté Anagonou Ayolomin Laté, roi de Possotomè■