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Mohamed Ahamada Baco, député du Parlement panafricain: « La dignité africaine bafouée doit être restaurée »

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Mohamed Ahamada Baco, député comorien et membre du  Parlement panafricain Mohamed Ahamada Baco, député comorien et membre du Parlement panafricain

Mohamed Ahamada Baco, avocat comorien, député et premier vice-président de l’Assemblée nationale de l’Union des Comores puis vice-président de la Commission de la Justice et des Droits de l’homme du Parlement panafricain, n’est pas allé par quatre chemins pour sensibiliser à la nécessité d’une justice réparatrice au profit des peuples africains victimes des atrocités de toutes sortes depuis la traite négrière jusqu’à la colonisation. Le Parlement panafricain fait d’ailleurs de ce défi son cheval de bataille en lien avec l’ambition de l’Union africaine qui a placé l’année 2025 sous le thème : « Favoriser les synergies panafricaines pour la justice et les réparations ». Le député panafricain revient ici sur les enjeux de ce combat, en marge d’un atelier qu’a organisé à Dakar au Sénégal, du 5 au 8 décembre dernier, le Parlement panafricain avec les Médias, la Diaspora et la Société civile africaine sur la justice réparatrice.

Par   Thibaud C. NAGNONHOU, A/R Ouémé-Plateau, le 24 déc. 2024 à 10h13 Durée 3 min.
#peuples africains #droits de l’homme #Parlement panafricain

La Nation : Que peut-on comprendre par justice réparatrice ?

Député Mohamed Ahamada Baco : J’entends par justice réparatrice l’excuse qui devrait être présentée par les autorités occidentales pour restaurer l’identité africaine, laquelle a été bafouée depuis la traite négrière jusqu’à la colonisation. Les populations africaines ont été humiliées pendant cette période. L’Afrique en a payé le prix le plus fort de son histoire. Nous avons perdu notre identité et notre crédibilité, nous avons été malmenés et maltraités comme des animaux. Nous avons éprouvé maintenant le besoin de restaurer ou de réparer la dignité africaine. On ne peut pas plaider pour une réparation financière mais nous demandons une réparation de la dignité africaine qui a été bafouée. Nous demandons que les Africains de la diaspora installés ailleurs et tous les Africains du continent humiliés soient traités sur un pied d’égalité que les citoyens occidentaux. L’Afrique, berceau de l’humanité, ne veut que ça. Le berceau de l’humanité n’est rien d’autre que le respect de la culture, le respect de l’identité africaine, la protection de nos ressources, de nos matières premières. Nous espérons voir, dans un avenir très proche, nos peuples se retrouver autour d’une même table pour discuter sur les questions qui nous unissent pour le développement de l’Afrique. C’est cela l’image de l’Afrique qui gagne.

Pourquoi le Parlement panafricain, pourtant créé depuis plus de 20 ans, ne se réveille que maintenant pour mener ce combat ? 

C’est pour une raison bien simple que le Parlement panafricain a choisi maintenant pour mener ce combat. Déjà, l’Union africaine a décidé de placer l’année 2025 sous le thème : « Favoriser les synergies panafricaines pour la justice et les réparations ». Cette thématique se veut le fer de lance de l’année 2025 pour l’organisation continentale. Puisque le Parlement panafricain prépare sa session parlementaire ordinaire qui aura lieu au début de l’année 2025, nous avons jugé opportun de défendre nos idées, sensibiliser nos populations, nos Parlements nationaux et régionaux aux enjeux de ce thème notamment la justice réparatrice. Ainsi, le Parlement panafricain se positionne comme le porte-parole de tous les peuples africains en vue d’une Afrique qui gagne. C’est cette mission de sensibilisation qui m’a conduit à Dakar au Sénégal, du 5 au 8 décembre 2024, où le Parlement panafricain a organisé une consultation avec les médias, la Société civile et la diaspora africaine, sur la préparation de ce thème. J’ai même animé un panel. Mon intervention a été axée sur l’engagement ferme du Parlement panafricain surtout à travers sa commission de la Justice et des droits de l’homme pour réfléchir sur les modes de réparation des préjudices subis par les peuples africains et de la diaspora pendant cette période. J’ai eu l’occasion de mettre l’accent sur la méthodologie et la qualification des faits, des peines et la sanction qui devrait être proposée afin de pouvoir corriger cette imperfection que je jugerais anachronique pour la dignité et le bien-être du peuple africain. 

Où en est finalement votre commission avec le dossier ?

Le dossier avance à notre niveau. Notre commission a déjà organisé des rencontres d’échanges et de travail avec la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples. Nous avons organisé également une rencontre fructueuse avec la Cour internationale des droits de l’Homme et des peuples. Les conclusions sont pertinentes. Nous allons travailler dans le sens des conclusions des différents échanges et travaux que nous avons eus sur le terrain. La commission va examiner la question, proposer une résolution qui sera soumise à la plénière des députés du Parlement panafricain.

Pourquoi vouloir demander un simple pardon au lieu d’engager une procédure judiciaire en bonne et due forme devant les hautes juridictions internationales, étant donné que les faits de traite négrière incriminés constituent un crime contre l’humanité ?  

Le Parlement panafricain est en train de recueillir les avis des uns et des autres. Il ne fait pas ces consultations ex nihilo. Il le fait pour se préparer en conséquence. Cela, parce qu’il faut d’abord qualifier les faits et les infractions en vue de déterminer la peine applicable. On ne peut pas plaider devant les hautes juridictions internationales telles que la Cour pénale internationale (Cpi) ou la Cour internationale de justice et des droits de l’Homme sans pour autant connaitre des éléments d’appréciation devant nous permettre de défendre notre cause. En tout cas, nous, au niveau du Parlement panafricain précisément à la commission en charge de la justice et des droits de l’Homme, on n’exclut rien, on ne ferme la porte à rien du tout. Bien au contraire, on mène ces sensibilisations pour mieux ficeler notre dossier. 

Une procédure judiciaire est quand même plus avantageuse en ce sens qu’elle peut déboucher sur la condamnation des Occidentaux à payer des sanctions pécuniaires à l’Afrique en guise de dommages-intérêts…

Sourire. L’Afrique est riche. C’est le réservoir des matières premières. Nous devons continuer à travailler pour honorer les mémoires des pères fondateurs de l’Afrique qui n’avaient pas mis en avant l’idée de vendre le continent pour des raisons pécuniaires mais de faire respecter l’Afrique ici et ailleurs. La dignité se doit d’être restaurée. On ne peut pas plaider pour une réparation financière mais nous demandons une réparation de la dignité africaine qui a été bafouée. Cette dignité ou identité africaine, j’insiste, n’a pas de prix.

Pensez-vous que tous les pays africains vont suivre le mouvement ?  

Je pense que les rencontres que nous avons eues de part et d’autre nous rassurent. Nous sommes dans la phase finale des sensibilisations. Nous attendons de ces différentes sensibilisations que les pays africains, leurs organes et institutions reconnaissent le tort que le continent a subi et qu’ils expriment le mode de réparation souhaité afin de pouvoir plaider en faveur de ce projet.

Qu’avez-vous à dire en guise de conclusion ? 

Mon mot de la fin, c’est de continuer à sensibiliser les peuples. Je voudrais demander à la population africaine de prendre ce combat comme le sien, d’aider davantage le Parlement africain qui est son porte-parole.