La Nation Bénin...
La réforme du secteur de la décentralisation en cours de
mise en œuvre dans les communes du Bénin est un levier de développement. Mais
les acteurs relèvent des irrégularités qui plombent ce système grâce auquel la
mobilisation des ressources facilite les actions de développement. Martin Omba,
conseiller communal de Toucountouna, est le président de la Commission affaires
économiques et financières (Caef). Dans cet entretien, il fait part de ses
observations pour plus d’efficacité dans les conseils communaux.
La Nation : L’actualité, c’est la démission de la secrétaire exécutive de Toucountouna. Comment appréciez-vous ce fait ?
Martin Omba : C’est un acte salvateur, selon moi. Il
faut d’abord qu’elle prenne ses responsabilités pour ne pas esquinter sa santé.
Si vous ne vous retrouvez dans un environnement où les gens pensent que vous
êtes la bête à abattre, il vaut mieux quitter les choses avant qu’elles ne vous
quittent. Je ne suis pas de ceux-là qui pensent qu’elle est la bête à abattre,
mais toujours est-il qu’elle a pris une décision courageuse. La vie, c’est une
continuité. Elle ira faire valoir ses compétences là où le besoin se fera
sentir.
Pour la commune, les acquis de cette réforme auxquels elle
a contribué sont énormes. On est parti d’un budget de quarante millions au
maximum. Aujourd’hui, avec le collectif, on est à un milliard quatre cents
millions. Cette année, nous sommes en train de préparer un budget qui va faire
un milliard trois cents millions. Vous pensez que s’il n’y avait pas des acquis
ou un changement de comportement, les gens allaient avoir confiance en nous
pour améliorer par exemple les taux de recouvrement et voir dans quel domaine
la commune va se développer ?
Avez-vous le sentiment qu’il y a une vraie collaboration entre les cadres envoyés dans les communes et les conseils communaux ?
C’est là que l’Etat central doit prendre ses
responsabilités. Vous savez, les élus communaux sont à la recherche des
facilités. Avec les cadres techniques, les malversations seront vraiment
difficiles parce que en cas de mauvaise gestion, ce sont les cadres qui en
répondront devant la loi. Donc, souffrez que la collaboration entre élus et ces
cadres pose problème. Comme je le dis, on ne peut pas frapper un enfant et en
même temps lui interdire de pleurer. Les maires, leurs adjoints, avec le
système de passation des marchés publics, c’était la guerre. Même quand on
parlait de la destitution des maires par rapport à la gestion solitaire et
autres, ce n’était pas vraiment le cas. Ce sont des intérêts que rapportaient
ces marchés publics, je ne parlerai pas des 10 %, mais c’est ça qui opposait
des conseillers à leurs maires.
Aujourd’hui, le même phénomène se poursuit entre les maires
et les secrétaires exécutifs. C’est dans les communes où les élus sont
peut-être honnêtes et ne veulent pas bousculer la réforme que tout marche. Pour
ma part, là où il y a difficultés, il faut comprendre que c’est parce que les
secrétaires exécutifs ne veulent pas laisser continuer le phénomène de
malversation. Et c’est ça qui crée la mauvaise collaboration entre les Se et
les maires.
Quelle lecture faites-vous de l’expérience de la décentralisation en cours au Bénin ?
Pour ce qui est de la décentralisation, nous avons fait
l’expérience et on a constaté avec amertume que l’objectif visé n’était pas
atteint. C’est ce qui a motivé la décision courageuse du président Patrice
Talon en confiant la destinée de l’administration communale aux cadres
techniques. Pour nous les élus, il nous revenait seulement d’accompagner et de
sensibiliser nos parents pour qu’ils comprennent ce qu’on entend par
développement à la base. Chaque citoyen devrait savoir que le bon
fonctionnement de sa localité lui incombe. Il doit s’atteler au développement
de sa localité.
La décentralisation a failli parce que en tant qu'élus
communaux, nous n’avons pas les mêmes visions que l’Etat. C’est pour dire que
tout est politisé et la gestion des fonds alloués pour le développement
communautaire subit des tripatouillages au point où dans certaines localités,
une certaine pagaille s’installe. Ce qui expliquait des éléphants blancs par
endroits. Le chef de l’État a voulu confier la gestion aux cadres techniques.
Et c’est ce qui a amené l’avènement des secrétaires exécutifs qui sont purement
administratifs et ce sont eux qui doivent gérer l’administration et être les
ordonnateurs des budgets communaux.
Est-ce le cas dans toutes les communes ?
Ce que je vous dis, un autre conseiller dira le contraire.
Ce sont mes observations et c’est parce que j’ai fait la première mandature, la
deuxième, la troisième et que je suis à ma quatrième mandature. Je n’ai pas
occupé le poste de maire, mais je sais que ces malversations existent et des
gens continuent de les prôner et à un moment donné, on ne peut pas s’entendre.
Je l’ai souligné en présence des membres de la Cellule présidentielle de suivi
des réformes dans le secteur de la décentralisation. J’ai dit qu’en réalité, il
n’y a pas de problème. La vraie question, c’est parce que les secrétaires
exécutifs refusent de collaborer avec eux pour continuer leur sale besogne.
Le chef de l’État a voulu changer la donne en envoyant les secrétaires exécutifs, quels sont les acquis pour le cas de votre commune ?
Comme je le disais, même au niveau des recrutements, tout
était politisé. On ne mettait pas l’homme qu’il faut à la place qu’il faut.
Avec la réforme, on a constaté que c’est purement les cadres techniques, les
cadres compétents qu’on a amenés et désormais, on ne devrait pas faire un
recrutement politique pour insérer des incompétents.
De la même manière, au niveau des recettes propres, on a
mis un accent particulier sur ce point, parce que vous savez, l’homme politique
ne veut pas bousculer ses administrés. Mais en accompagnant, les recettes a
commencé par s’améliorer. Il y a l’aspect des cadres qui a joué. Il y a aussi
les partenaires qui ont commencé par avoir confiance aux mairies en
investissant dans les communes mieux qu’auparavant. Entre-temps, il y a qu’on
pensait qu’il n’y avait pas de cadres compétents pour répondre aux attentes des
partenaires. C’est avec une grande joie que nous apprécions tout ce qui a été
fait dans le cadre de la réforme. Les acquis de cette réforme sont énormes pour
notre commune.
Que faut-il faire de plus pour que cette réforme marche et impacte le développement à la base ?
Nous ne sommes pas au niveau de la prise de décision. Il
faut sanctionner parce que au Bénin, c’est l’impunité. L’audit Fadec vient
contrôler et nous prodiguer des conseils. Il ne faudrait pas élaborer les
textes et ne pas en suivre l’application. Aujourd’hui, les secrétaires
exécutifs sont à l’abattoir. Ils sont laissés pour compte. J’ai l’impression
que des gens veulent que la réforme échoue. L’origine des crises, c’est la
manipulation des élus que nous sommes. Nous ne voulons pas laisser la main aux gens
pour travailler librement.
La collaboration ne se mesure pas. Si nous délibérons, nous faisons nos sessions de manière statutaire et que dans la mise en œuvre encore, c’est nous qui voulons voir comment ça se passe, je dis non. Ce n’est plus notre rôle, et c’est ce que la réforme a refusé. Hier, on décidait et on mettait en œuvre et cela ne marchait pas correctement. Cette fois-ci, il y a les cadres qui doivent mettre en œuvre les décisions, les délibérations du conseil communal. En principe, nous conseillers communaux, on devrait attendre à la fin pour demander des comptes en cas de failles. S’il y a sanction, on sanctionne plutôt que de faire des crocs-en-jambe, ce qui n’est pas normal.