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Renforcement du système de santé au Bénin: La pérennisation du FBR en question

Santé
Par   Eric TCHOGBO, le 20 juil. 2016 à 07h32

Alors que la Banque mondiale annonce la fin de son appui à l’approche Financement basé sur les résultats (FBR) au Bénin d’ici peu, les bénéficiaires et principaux acteurs de ce projet plaident pour une prolongation de quelques années. Mais à quel prix se fera cette pérennisation ?

Aujourd’hui, il est une évidence que le Financement basé sur les résultats (FBR) a révolutionné le système de santé au Bénin. De sorte que si les actions pouvaient continuer conformément aux empreintes dictées par cette approche, les Béninois conjugueraient la mauvaise qualité des soins de santé qui leur étaient offerts au passé. Avec les acquis observés par la délégation de la Banque mondiale dans les hôpitaux de zones et centres de santé de Banikoara, de Zogbodomey, Bohicon et Zagnanado, d’une part, l’intérêt des populations et le reste du chemin à parcourir, d’autre part, il est souhaitable que l’approche soit pérennisée. Mais cette pérennisation aboutira-t-elle, sans l’implication de la Banque mondiale.

Une nécessité

Ce que la Banque mondiale a commencé avec le Bénin, depuis quatre ans, a fait venir d’autres partenaires. Ainsi, le Bénin est passé d’une expérience pilote de 8 zones sanitaires qui s’est généralisée à toutes les 34 zones qu’il compte. Un acte qui montre combien l’approche FBR est en marche dans le pays, avec des acquis concrets. Dans un plaidoyer nourri, le coordonnateur de l’Unité de coordination du programme, Alphonse Akpamoli, a rappelé l’historique du FBR sans lequel la santé des populations serait hypothéquée.
En 2007, explique-t-il, le Bénin a organisé la table ronde du secteur de la santé. A l’occasion, le gouvernement avait demandé à la Banque mondiale de venir l’aider à résoudre une crise très poussée. Le constat est que, le Bénin a plus de meilleurs médecins de santé publique que les autres pays de la sous-région qui savent ce qu’ils doivent faire, mais ne le font pas. Ce qui a un impact sur certains indicateurs tels que le taux de mortalité maternelle ou infantile. Le Bénin était à un stade très élevé malgré certains bons indicateurs comme la consultation prénatale et même postnatale, l’accouchement assisté, la vaccination qui étaient à des niveaux très importants. Le diagnostic était qu’il y a l’homme et des équipements. Il fallait alors mettre l’homme au cœur du développement, mais l’homme motivé.
L’alternative de financement qui s’offrait au Bénin était de suivre l’exemple du Rwanda, juste après la guerre et plus ou moins le Burundi. Il a opté pour le modèle burundais, parce que c’était la version améliorée du modèle rwandais. C’est de cette manière que le Bénin a commencé l’exercice avec un accompagnement des techniciens des différentes régions de la Banque mondiale, pour aboutir à un modèle qui s’est amélioré au fil du temps. Au cours des années 2007, le Bénin avait fait la petite expérience pilote avec trois zones sanitaires qui étaient Banikoara, Sakété et Aplahoué. Ce modèle n’était pas le vrai financement basé sur les résultats mais se présentait comme une alternative de contrat avec les zones sanitaires. Ensuite vient la CTB suivie de la Banque mondiale. C’est alors que l’expérience a démarré avec 8 zones sanitaires et aujourd’hui, le Bénin s’honore avec une extension jusqu’à 34 zones sanitaires. Le coordonnateur du Projet de renforcement de la performance du système de santé, Alphonse Akpamoli, observe que l’approche FBR est un bébé nouveau-né qui n’est pas encore assis. Le véritable problème est que la Banque mondiale à elle seule, ne peut continuer à financer le système de santé. Il faut alors que le pays fasse des réformes et que les ressources soient gérées au mieux. Pour lui, les partenaires doivent aider le Bénin à se lever. Lorsqu’on apprécie le cas du Rwanda dans les quatre premières années, rapporte-t-il, les indicateurs ne bougeaient pas pour autant. Le Bénin, quant à lui, traversait une crise sociale. A entendre le personnel de la santé, poursuit-il, on sent qu’il y a quelque chose qui le transcende. Les populations ont perdu confiance en les structures sanitaires publiques confrontées à l’absentéisme des agents, au rançonnement et à tous les maux. Ce qui peut réjouir aujourd’hui, fait constater Alphonse Akpamoli, est qu’on est en train de corriger progressivement ces insuffisances.
Aujourd’hui, avec l’appui des partenaires techniques et financiers de même que les élus locaux, il est à espérer que la veille citoyenne va reprendre. Ce qui, selon le coordonnateur, peut rassurer les partenaires et les amener à continuer d’aider le Bénin à mettre en œuvre certaines réformes afin de donner une base solide de pérennisation.
« Le FBR au Bénin n’est pas un échec mais un succès », apprécie Ibrahim Magazi, chef projet à la Banque mondiale. En ce sens, explique-t-il, que sur le terrain, on peut observer des hommes véritablement engagés dans leur travail. «On a vu aussi des hommes en train de produire. Le souhait est que cela dure le plus longtemps possible», insiste Ibrahim Magazi. Ainsi, note-t-il, il y a des faiblesses à corriger sinon que le système marche bien. «Ce qui est aussi bien, est que d’autres viennent s’en inspirer. Car, c’est le seul pays dans la sous-région où on a pu généraliser le FBR, c'est-à-dire, que sur le plan national, toutes les zones sanitaires sont couvertes», a rassuré le chef projet.

Améliorer les performances

La représentante résidente de la Banque mondiale au Bénin, Katrina Sharkey affirme qu’elle sort de ce périple très inspirée de l’engagement et du dévouement des personnels de santé. Elle indique qu’il y a un nouveau départ et le début de mise en œuvre de cette opération a permis d’améliorer la prestation de la qualité de service au profit des bénéficiaires. « J’ai été impressionnée par les comportements de quelques bénéficiaires, soit des mères qui allaient accoucher bientôt, soit des mères qui venaient d’accoucher et certains patients bénéficiaires de soins dans les hôpitaux ou les centres de santé », souligne-t-elle. Il y a une appréciation de tout ce que l’Etat essaie de faire avec l’appui des partenaires techniques et financiers.
Elle a ajouté qu’on peut noter des améliorations quantitatives et qualitatives sur le terrain de même que l’engagement des médecins coordonnateurs de zone notamment à Banikoara, Zogbodomey et Zagnanado. Car, ils visent non seulement l’amélioration de la performance des qualités de soins, mais aussi la remise en place des questions de valeur et de l’éthique de la performance par l’Etat et le secteur privé, au cours des mois et années à venir.
«Le FBR est non seulement nécessaire mais indispensable pour notre système de santé », a qualifié le médecin coordonnateur de la zone sanitaire ZOBOZA, Blaise Guézo-Mèvo. Il a relevé que le centre de Bohicon 2 a aujourd’hui le score de qualité le plus élevé avec un score qualité moyen de 88,7% en décembre 2015. On sent alors, confie-t-il, une nette amélioration du score au niveau de plusieurs formations sanitaires. Une approche assurance-qualité avec l’installation des équipements pour l’amélioration de la qualité des soins est désormais mise en place. Comme stratégie, une évaluation individuelle de la performance des acteurs a été introduite, rapporte-t-il.

La pérennisation à quel prix ?

L’unanimité est faite autour de la pérennisation du FBR. Mais à quel prix se fera-t-elle ? Alphonse Akpamoli s’appuie sur le cas du Rwanda. Dans ce pays comme au Burundi, argumente-t-il, le gouvernement met la main à la poche. L’espoir aurait été que le gouvernement respecte ses engagements et que les acteurs se remettent au travail comme les partenaires. Si la Banque mondiale se retire du financement du FBR, les autres partenaires vont la suivre, déplore-t-il.
« Il existe au Bénin des médecins chefs et des médecins coordonnateurs qui sont très actifs et peuvent faire bouger la réforme. La présence de l’autorité sanitaire peut être un point fort à partager, pour qu’on puisse semer un peu partout les bonnes pratiques afin de donner de bons résultats pour ne pas les décourager », rassure le coordonnateur. Le grand problème qu’on a aujourd’hui, poursuit-il, c’est que l’approche FBR est totalement financée par l’extérieur. C’est une opportunité, un atout mais également une faiblesse, parce qu’il faut la présence de l’Etat.
Parlant du cas de la Côte-d’Ivoire, Ibrahim Magazi a expliqué que les Ivoiriens se sont inspirés de l’expérience du Bénin. Mais l’Etat ivoirien a accepté de mettre 30% du budget pour financer le FBR. Il n’est pas mis en œuvre par un projet mais plutôt par les structures du ministère de la Santé. Et c’est ce qui doit être véritablement corrigé au Bénin, suggère Alphonse Akpamoli. Il s’agit de remettre de façon institutionnelle la mise en œuvre des activités du FBR au ministère de la Santé ou de voir l’Etat en financer une partie, souhaite le coordonnateur. Il a fait remarquer que tout ne peut pas se construire et s’entretenir sur des fonds de l’extérieur. «Il faut qu’on sente la place de l’Etat. Car aucun bailleur de fonds ne peut continuer à financer les mêmes choses. Autrement dit, des dispositions doivent être prises avant que cela ne s’arrête un jour. Pour que le FBR dure, il faut que l’Etat accepte de jouer son rôle. La Banque mondiale ne va pas continuer à financer le FBR, rassure-t-il. Mais elle sera là pour appuyer ce qui est en train d’être fait.
Maud Juquois, spécialiste en économie de la santé de la Banque mondiale a, pour sa part, renchéri en estimant que beaucoup de pays de la sous-région s’emploient à mettre en place des expériences pilotes comme au Bénin, en tenant compte de leurs contextes. Il y a des expériences de FBR au Sénégal, en Gambie, au Liberia et au Ghana qui peuvent servir de modèle, note-t-il. Le financement basé sur les résultats n’est pas uniquement une affaire de ressources financières supplémentaires qui arrivent au niveau local, nuance-t-il. C’est aussi tout un système où il y a beaucoup plus de transparence qui s’inscrit dans le dispositif, puisque les résultats sont mieux suivis à la fois au niveau local, puis de l’équipe d’encadrement de zone, et sur le plan national.
Au Burundi, apprécie-t-il, c’est le ministère de la Santé à travers l’Etat qui contribue essentiellement au financement du dispositif. Et les partenaires techniques et financiers accompagnent le pays, à la fois techniquement et financièrement mais de façon complémentaire. Le leadership à la fois financier et technique vient du ministère de la Santé. C’est dans ce cadre que le Burundi est un exemple à suivre.
Pour Katrina Sharkey, les populations ont déjà internalisé les bonnes pratiques afin de pérenniser cette approche. Il est certain que le groupe de la Banque mondiale et éventuellement les autres partenaires vont progressivement se retirer. Ce qui ne veut pas dire qu’elle va lâcher le Bénin.
Le chargé de projet à la Banque mondiale, Ibrahim Magazi, justifie ce retrait par la réorientation des aides dans la lutte contre les épidémiologies comme le virus Ebola et le virus Lassa.
Le conseiller technique du ministère de la Santé, Sossa Edmond Gbèdo a déclaré que son ministère a déjà fait le choix de pérenniser le FBR. «La volonté politique existe. Et nous n’avons pas le choix de ne pas pérenniser le FBR », martèle-t-il. «Car, il est important d’opérationnaliser le RAMU. Or, si cela est fait, le gouvernement doit procéder au prélèvement à la source de sorte que, quand on est malade, on pourra se rendre dans les formations sanitaires », explique le conseiller. Et pour le faire, indique le conseiller, on ne peut que se baser sur le Financement basé sur les résultats. Déjà, des discussions sont en cours avec le gouvernement pour voir quelle est la réforme la mieux appropriée pour le Bénin et il ne peut pas avoir des réformes au détriment du FBR.