La Nation Bénin...
C’est d'un cas de viol sur mineure qu’a connu mercredi 8 avril dernier la Cour d’assises de la Cour d’appel de Cotonou pour le compte de son 25è dossier. La cour a été présidée par Thérèse Kossou assistée de Marie Soudé Godonou et Joseph Kploca. Le procureur général Gilles Sodonon était assis dans le fauteuil du ministère public. La greffe a été assurée par Théogène Zountchékon .
Au terme du procès qui a duré une demi-journée, Mathurin Aïssi 61 ans a été simplement acquitté. Il peut jouir de sa liberté et vaquer à ses activités, après avoir passé 5 ans 4 mois en prison.
Les faits
En effet, courant février 2005, dans le quartier Sikècodji à Cotonou, profitant de l’absence des parents de mademoiselle X alors agée de 9 ans, Mathurin Aïssi l'invita dans sa chambre pour qu’elle lui gratte les poils au niveau du sexe. Naïvement, la petite céda à sa demande. C’est ainsi que Mathurin profita pour abuser d’elle. Interpellé, il a reconnu les faits tant à l’enquête préliminaire que devant le juge d’instruction lors de sa première comparution, avant de se rétracter au cours de l’interrogatoire au fond.
Le certificat médical délivré après consultation de la petite par le médecin, renseigne sur l’absence de l’hymen.
Le casier judiciaire de l’inculpé est sans trace de condamnation antérieure. Le rapport de l’examen psychologique et psychiatrique conclut que l’inculpé a une personnalité normalement structurée et équilibrée. Il est normal et jouit de toutes ses facultés mentales. L’enquête de moralité lui est favorable.
Précisons qu’aucun des deux témoins invités à la barre n’était présent.
Alors que la présidente de céans a voulu le huis clos compte tenu de la nature du dossier, l’avocat de l’inculpé a expliqué que le huis clos n’est pas systématique. «La victime n’étant pas présente à la barre, l’audience pourra être publique. Il suffit que chacun fasse l’effort d’éviter de prononcer son nom», a souhaité, Me Arthur Ballé. Doléance à laquelle la présidente de la cour a accédé.
Il nie tout en bloc
A la barre, mercredi dernier, Mathurin Aïssi, père de six enfants et ancien manœuvre au port de Cotonou a nié en bloc les faits. «J’ai l’habitude de commander les enfants de la maison. Quelquefois, il arrive que je les invite à me gratter le dos, juste pour les occuper lorsqu’ils se mettent à créer le vacarme dans la maison», a expliqué Mathurin Aïssi. Il rappelle avec précision que le 1er mars 2005, alors qu’il faisait son ménage, une de ses locataires est venue toute affolée lui dire qu’il aurait violé sa fille, il y a trois jours. «J’étais surpris par ce que j’ai entendu», indique l’inculpé, avant de préciser que dans les minutes qui ont suivi, la même dame lui a apporté des ordonnances médicales à payer. «Il vaut mieux les régler pour que l’affaire reste entre nous sinon cela t’amènera loin surtout si ma sœur commandant de police apprenait l’affaire», a menacé la dame tutrice de la victime du viol.
C’est son refus de cautionner cette affaire pour laquelle il se dit innocent, que des agents de police sont venus le chercher pour le conduire au commissariat où des aveux lui sont extorqués sous la torture, confie-t-il à la barre.
«Mais vous n’avez pas été frappé devant le juge d’instruction et pourtant vous avez reconnu les faits», avance la présidente. Mathurin Aïssi d’avouer que c’est parce qu’on lui aurait dit dans les couloirs que s’il n’avouait pas les faits, il sera pendu au cocotier, déclare-t-il.
«Avez-vous des antécédents avec vos locataires au point où ils comploteraient contre vous ?», poursuit la présidente dans son interrogatoire. L’inculpé répond par la négative, en précisant que l’ambiance dans la maison était bon enfant.
En tout cas, harcelé de questions aussi bien de la part de la présidente de la cour que par le représentant du ministère public, Mathurin Aïssi n’a pas varié dans ses propos. Il soutient qu’une parente de la tutrice de la victime qui serait un haut gradé dans la police, est intervenue dans l’affaire en sa défaveur.
Assainir les mœurs pour sauver la jeunesse
Dans ses réquisitions, le ministère public a fait recours aux articles 332 et 333 du Code pénal qui punissent le viol, avant de démontrer que les éléments constitutifs du viol sont réunis. «Il y a eu l’acte sexuel puisque le rapport médical fait état de ce que l’hymen n’y est plus. A cela s’ajoute la violence physique puisque l’inculpé a fait violence sur la victime en la brutalisant et a cogné sa tête contre le rebord du lit avant d'abuser d'elle.
Quant à la violence morale, elle réside dans le rapport sexuel sans le consentement de cette petite fille. «C’est un traumatisme que la victime gardera toute sa vie», martèle Gilles Sodonon qui argue que c’est exprès que l’inculpé a créé une familiarité avec les enfants aux fins d'abuser d'eux plus tard. Ainsi demande-t-il que l’inculpé soit «puni pour l’exemple et condamné à dix ans de travaux forcés pour rendre justice à une jeunesse naïve et innocente».
Pour sa part, Me Arthur Ballé se dit scandalisé. Il confie ne pas comprendre comment on peut conduire cet interrogatoire en l’absence des plaignants et des témoins. Mieux, il dit ne pas comprendre pourquoi il a fallu attendre 8 mois avant de présenter son client devant le juge d’instruction. «Je veux que la cour dise le droit sur la base des faits. Si l’enquête de moralité lui est favorable, que son casier judiciaire est vierge et que surtout l’expertise médicale révèle que l’hymen n’y est pas mais qu’il n’y a aucune lésion, alors les faits parlent d’eux-mêmes», indique Me Arthur Ballé. Il soutient qu’un adulte de 51 ans au moment des faits, ne peut avoir des rapports sexuels avec une mineure de 9 ans sans qu’il y ait des lésions. «Mieux, le médecin gynécologue mentionne dans son rapport que le doigté opéré n’a montré aucune anomalie». Me Arthur Ballé d’ajouter que rien ne pressait et pourtant on présente un procès- verbal manuscrit au niveau de la police. «C’est juste parce qu’on est pressé de liquider quelqu’un», a-t-il avancé, en faisant remarquer qu’il n’y a aucune trace de la parente policière dans le dossier; quid de la déclaration de la voisine qui est allée alerter la tutrice de la victime présumée. A cette allure vous comprenez qu’il y a assez de fils blancs dans ce qui est cousu ?, s’interroge l’avocat qui demande à la cour de juger avec son cœur. «Il faut dire le droit à partir des faits», conseille l’avocat.
Après s’être retirée pour délibérer, la cour est revenue prononcer l’acquittement pur et simple de Mathurin Aïssi.