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Conservation des poissons achetés au débarcadère de Cotonou:De la méthode artisanale au système moderne

Société
Par   zounars, le 26 mars 2015 à 06h20

Le poisson est très prisé en raison de son apport en nutriments à l’organisme humain. Cela justifie l’affluence des femmes au débarcadère de Cotonou. Des ménagères aux restauratrices, en passant par les revendeuses de poissons, elles viennent toutes s’y approvisionner. Les pêcheurs n’allant en mer que tous les neuf jours, le poisson n’est pas toujours disponible. Pour éviter la rupture, les femmes s’approvisionnent en conséquence, ce qui les oblige à conserver le poisson à leur manière.

«Je viens de prendre du poisson frais, en quantité suffisante pour au moins cinq jours. Je suis restauratrice, et je suis obligée de venir ici pour me ravitailler et je conserve ma provision au réfrigérateur», confie Valérie Biaou, une cliente de Denise Dakpogan, revendeuse de poissons au port de pêche de Cotonou. Cette dernière quant à elle vient de s’approvisionner auprès de Casimir Houngbo, un pêcheur. Comme Valérie Biaou, de nombreuses restauratrices, et ménagères s’approvisionnent en poissons auprès des revendeuses. Reine Guèdègbé, tenancière de gargote à Dèkoungbé est venue en prendre en quantité suffisante qu’elle conserve aussi dans son congélateur pour une utilisation rationnelle selon ses besoins. Les quantités acquises varient d’une cliente à une autre.
La raison commune avancée par les femmes, toutes catégories confondues, au niveau du port de pêche est que les pêcheurs ne vont en mer que suivant une périodicité de neuf jours. Or, expliquent-elles, elles doivent poursuivre leurs activités, chacune selon qu’elle est revendeuse de poissons, restauratrice ou ménagère. Elles évitent donc à leur manière les ruptures de stocks. A cette raison s’ajoute, à en croire Valérie Biaou, la distance entre le port et son restaurant situé à Akpakpa. Il en est de même pour Reine Guèdègbé qui réside à Dèkoungbé. «Prendre zémidjan ou un bus et venir acheter du poisson tous les jours, c’est fatiguant. J’ai un congélateur à la maison et cela m’aide beaucoup», explique la gargotière. La plus heureuse des restauratrices rencontrées, c’est Chimène Kpatinvo dont la gargote est installée dans les environs de Ganhi et qui a donc la chance d’être à coté du débarcadère. Elle affirme qu’elle vient au port de pêche tous les jours acheter du poisson chez les revendeuses qui y sont installées. Parfois même, renchérit-elle, sourire aux lèvres, la revendeuse vient jusqu’à son restaurant lui en livrer. Quant à Bernice, une ménagère, elle s’approvisionne une fois en passant au port de pêche mais en quantité suffisante pour les conserver.

Les pratiques en matière de conservation du poisson

Pour conserver leurs poissons, les femmes utilisent deux méthodes. La première, moderne, est pratiquée par les restauratrices et les ménagères. Elle consiste, explique Valérie Biaou, à tenir au frais les poissons au congélateur. Cela permet d’éviter l’avarie et la décomposition. Mieux, insiste-t-elle, cette méthode permet de conserver la saveur du poisson.
Quant aux revendeuses de poisson comme Denise Dakpogan, Léontine Hintènoun, et autres installées au débarcadère du port de pêche, elles ont plutôt recours aux congélateurs hors d’usage. Elles y étalent d’abord des sacs de jute sur lesquels elles disposent des glaçons avant d’y installer les poissons qu’elles couvrent avec des sacs de jute et de grands sachets. Ces différentes méthodes permettent, selon elles, de garder le poisson toujours frais, avec toutes ses saveurs. Selon Valérie Biaou, cette méthode ne permet pas toujours de maintenir le poisson à l’état naturel. Elle explique : « Un jour, j’ai pris du poisson frais que j’ai vendu à un client. Après consommation, il était convaincu que c’était du poisson frais. Mais le même client revient trois jours après et je lui vends cette fois-ci le même poisson, congelé, que j’ai cuisiné. Et quand il l'a goûté, il a affirmé que le goût est différent de ce qu’il avait mangé». La conservation des poissons au congélateur ne permet donc pas de maintenir son goût originel. Léontine Hintènoun, explique que lorsque les poissons sont conservés au congélateur, ils ne gardent pas leur saveur, car le goût change.

L’avis de la diététicienne

Carmelle Mizehoun Adissoda, pharmacienne-nutritionniste, coordonnatrice à l’école de nutrition et diététique FSS/UAC aborde la question sous l’angle scientifique. «Pour conserver les poissons, il faut avoir une température inférieure à zéro degré. La glace se forme à zéro degré et elle est maintenue en l’état à une température inférieure à zéro degré. Donc, tant que c’est à une température en dessous de zéro degré, le poisson est conservé et maintient ces qualités nutritionnelles», démontre-t-elle. Toutefois, nuance la spécialiste, lorsque c’est du poisson conservé à une température au-dessus de zéro degré où il n’y a pas de la glace, ou simplement au réfrigérateur, il n’est conservable que pour une journée. «Généralement, la température du réfrigérateur est 8 degrés», affirme-t-elle, expliquant que, quand le poisson est dans le congélateur le matin, il faut qu’il soit utilisé en soirée. Selon elle, on ne doit pas le garder au réfrigérateur plus d’une journée, le lendemain le poisson commence déjà par se détériorer.
A propos de la méthode de conservation appliquée par les revendeuses de poisson, la nutritionniste n’y trouve pas d’inconvénients. Elle fait savoir qu’avec toute la masse de glace, ces femmes parviennent à maintenir le poisson à une température inférieure à zéro degré quand bien même il ne s’agirait pas d’un congélateur à proprement parler. A l’en croire, ce système de conservation est comme un congélateur artisanal et tant que le poisson y est à une température inférieure à zéro degré, il garde toutes ses qualités intactes et les minéraux sont conservés. En fait, précise-t-elle, il s’agit d’une vieille technique développée au moment où la congélation n’était pas encore disponible. C’est la rupture de la chaîne de froid qui peut être à l’origine du dégivrage et quand le poisson se dégèle, il y a des micro-bactéries qui peuvent se multiplier rapidement. Mais elle souligne que plus la congélation dure, plus le poisson perd de sa saveur. Sans pour autant perdre en micro-nutriments et en nutriments, rassure Carmelle Mizéhoun Adissoda.
La nutritionniste recommande alors qu’en matière de conservation, il ne faut pas non plus congeler et dégeler tout le temps. L’idéal, d’après elle, serait d’avoir un congélateur qui fonctionne avec une source d’énergie sans qu’il n’y ait rupture de la chaîne de froid. Mais à défaut, elle suggère aux revendeuses de poisson du port de Cotonou, qui désirent utiliser de la glace pour conserver le poisson de façon artisanale, de veiller à ce qu’il n’y ait pas de changement de température. Cela permet de maintenir le poisson ferme et intact comme si c’était dans un congélateur durant toute la période de conservation avant la mise en vente, conseille-t-elle. Il ne faut pas, conseille par ailleurs la nutritionniste, avoir du poisson congelé, le sortir le matin et en fin de journée parce qu’il n’a pas été vendu, le remettre au froid. Ce poisson qui n’a pas été vendu est à mettre de côté ou à consommer très rapidement, recommande-t-elle.