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Coups et blessures volontaires ayant entraîné une infirmité permanente :Patrick Okigbuzor écope de 15 ans de réclusion criminelle(20e dossier)

Société
Par   Didier Pascal DOGUE, le 02 avr. 2015 à 07h28

A la barre, les yeux constamment fixés au plancher, Patrick Okigbuzor répondait, hier mercredi 1er avril, du chef d’accusation de coups et blessures volontaires ayant entraîné une infirmité permanente sur un apprenti menuisier de 11 ans. La cour était présidée par Michel Romaric Azalou assisté de Jacques Houssou et Eliane Akovobahou Tohozin. La plume était tenue par Angelique Tossa Soares.

Cheveux crépus, teint clair, la tête constamment baissée et les mains entrecroisées à l’avant, Patrick Okigbuzor était à la barre, hier mercredi 1er avril, pour le 20e dossier au titre des assises à la Cour d’appel de Cotonou. Il est dans le box des accusés pour avoir volontairement tranché l’oreille droite à un apprenti menuisier à Cococodji courant 2010. La trentaine, et Nigérian de nationalité, il est placé sous mandat de dépôt depuis le 14 octobre 2010. Il n’a pas pu convaincre la Cour présidée par Michel Romaric Azalou, sur les motifs de son acte criminel sur un garçon de 11 ans. Il a écopé, au terme de l’audience, de 15 ans de réclusion criminelle et condamné à payer les frais de justice avec interdiction de séjour au Bénin à la fin de sa peine.

Au cours des débats, le ministère public assuré par Honoré Alowakinou a souligné que l’accusé a volontairement commis un acte criminel. A l’en croire, les éléments fondamentaux constitutifs du crime sont réunis au regard de l’article 309 alinéa 3 du Code pénal. Premièrement, il évoque la flagrance de l’élément matériel. Il s’agit des coups, de la violence, des voies de fait et des blessures perpétrées sur le jeune garçon et qui méritent d’être punis sans restriction. Secundo, Honoré Alowakinou dans son réquisitoire, a souligné l’intention coupable, la volonté affichée de l’accusé qu’il juge manifeste et non contestable.

Dans sa démonstration, Honoré Alowakinou a laissé entendre que les précautions préliminaires prises par l’accusé en entraînant sa proie dans un bâtiment isolé et en construction sont édifiantes. «C’est un acte qu’il a voulu, mûri, étudié et exécuté de main de professionnel», a soutenu l’avocat général. Mieux, souligne-t-il, aucun élément extérieur n’a manifestement contraint le sieur Okigbuzor à commettre son forfait. «Il n’y a donc aucune contrainte et les faits sont constitués et engagent la responsabilité pénale entière de l’accusé», a-t-il insisté avant de requérir contre lui, la peine de 10 ans de prison.

Le résumé des faits

Pour rappel, le mardi 12 octobre 2010 à Cococodji, P. M., un apprenti menuisier âgé de 11 ans, s’était rendu dans la brousse, derrière un bâtiment en construction situé en face de son atelier pour se mettre à l’aise. Sur le chemin du retour, il avait été intercepté par l’accusé, Patrick Okigbuzor, de nationalité nigériane qui l’a entraîné dans le bâtiment inachevé. A cet endroit, il l’a tenu par le cou pour l’empêcher de crier avant de cogner, plusieurs fois, sa tête contre le mur. Convaincu qu'il était évanoui, il lui coupa l’oreille droite qu’il a emballée et mise dans un sac. Il sortit momentanément du bâtiment, ce qui a permis au petit garçon, entre temps sorti de son évanescence, de ramper jusqu’à l’atelier pour demander secours. Sur ses indications, l’accusé a été appréhendé non loin du lieu des faits.

Interpellé, Patrick Okigbuzor, a nié les faits à l’enquête préliminaire avant de les reconnaître devant le magistrat instructeur, expliquant son comportement par des troubles liés à l’usage de la drogue. Il a soutenu la même thèse hier, devant le juge. L’enquête de moralité lui est favorable.
Du côté de la défense assurée par Me Générick Ahouangonou, on estime qu’il n’est point besoin de revenir sur les faits car ceux-ci sont atroces. Cependant sa ligne de défense a porté essentiellement sur la dimension humaine de la sanction. «Qu’est-ce qui peut bien amener un homme à faire le mal ?», a-t-il lancé. Plaidant pour l’humanisation de la peine, Me Ahouangonou a affirmé avec force et conviction à l’endroit de la cour que la prison n’est pas la solution. De son avis, l’occasion est bonne pour corriger les gens au lieu de vouloir forcément châtier Patrick Okigbuzor, un être humain en qui sommeille, comme tous ses semblables, le crime.

«L’inhumain révèle l’humain, je vous prie donc d’être cléments», a plaidé l’avocat de la défense avant d’ajouter qu’il faut donner la chance à son client car son acte parait gratuit et désintéressé.
En effet, poursuit-il, son client n’a déclaré nullement que l’oreille coupée devrait servir à quoi que ce soit. Il a alors plaidé pour sa condamnation au temps déjà passé en prison qui est de 4 ans. Notons que l’accusé était assisté d’un interprète car parlant anglais.

Dommages et intérêts

Etaient également à la barre pour cette affaire, Mathurin Djossou, maître menuisier et patron de la victime qui s'est constitué partie civile. Devant la cour, il a réclamé réparations. Des dommages-intérêts estimés à la somme de un million de francs CFA dont 700 mille francs investis pour les soins médicaux. Le ministère public reconnait la justesse de la requête mais avance que le Sieur Djossou devra fournir toutes les preuves, les pièces qui justifient, à leur juste valeur, les dépenses effectuées par lui pour porter secours et assistance à la victime qui se veut être son apprenti, absent à l’audience. Après délibération, la cour a renvoyé à la prochaine session cette requête afin que le requérant puisse apporter toutes les factures justificatives desdites dépenses.
Le bulletin n°1 du casier judiciaire de l’accusé ne porte mention d’aucune condamnation. L’expertise psychiatrique mentionne qu’il n’était pas en état de démence au moment des faits.