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Deux Nigérians poursuivis pour association de malfaiteurs (12e dossier): L’accusé Divine Obi tombe lourdement à l’audience, la cause renvoyée

Société
Par   LANATION, le 10 août 2015 à 22h17

Ce sont deux Nigérians, accusés des crimes d’association de malfaiteurs, de vol qualifié et de coups et blessures volontaires, qui comparaissaient devant la Cour d’assises de Cotonou, en sa deuxième session de l’année 2015, hier lundi 10 août. Divine Obi et Ifeanyi Moses Ofoukwu alias Chief Okofor, la quarantaine, sont présentés comme les braqueurs de la Recette-perception de Grand-Popo en 2006. Ils sont défendus par Mes Vincent Tohozin, Julien Togbadja et Bonaventure Essou. La cour de céans est présidée par Saturnin Calixte Avognon, assisté de William Kodjoh Kpakpassou et Virgile Kpomalègni (assesseurs) puis de Benoît Gbènassoua, Zanmènou Louis Hounkanrin, Hounyèmè Honoré Mello, François Koundé et Osséni Abiossè (jurés, le dernier étant suppléant). Des débats, Me Théogène Zountchékon, greffier, a assuré la transcription.

Les faits dont répondent les accusés remontent au 29 août 2006. Ce jour-là, à Grand-Popo, aux environs de 13h, Divine Obi, Ifeanyi Moses Ofoukwu alias Chief Okofor, un certain Bidémi Bada dit Coach et un autre non encore identifié, armés de fusils auraient fait irruption dans le logement de fonction de Cyrille Agnandji, receveur de la Recette des Impôts de Grand-Popo. Sous la menace d’armes à feu, ils ont tenu en respect Cyrille Agnandji et toute sa famille. Après avoir enfermé ses enfants dans une chambre, ils lui ont porté des coups et fait des blessures pour le contraindre vainement à leur ouvrir la porte de la caisse et à leur remettre la clé du coffre-fort de la Recette-perception. Tous les bureaux étaient passés aux peignes fins. Aux environs de 15h, chaque usager et employé de la Recette-perception était pris en charge par les malfrats. Ils auraient été roués de coups, dessaisis de leurs portables et de leur argent avant d’être enfermés dans un local de la Recette-perception. Michel Wongla, le caissier aurait été accueilli dans les mêmes conditions et contraint d’ouvrir le coffre-fort de la Recette d’où les malfrats auraient soustrait 10 000 000 F CFA avant de s’emparer des 8 639 719 F CFA se trouvant sous une trappe. A la fin, ils auraient enfermé toutes leurs victimes dans le magasin de la Recette avant de s’enfuir. Les bulletins N°1 de leurs casiers judiciaires ne portent mention d’aucune condamnation. Et il ressort du rapport d’expertise médico-psychiatrique des accusés qu’ils ne présentaient aucun trouble mental ni d’antécédent psychiatrique pouvant abolir le contrôle de leurs actes au moment des faits.

L’arrêt de renvoi renseigne par ailleurs que le receveur n’ayant pas donné la combinaison du coffre-fort, les malfrats ont maintenu leurs otages sous pression jusqu’à 15h, attendant l’arrivée des autres employés. C’est ainsi que le caissier Michel Wongla aurait été pris en charge… Et suite aux dénonciations de Watchiou Souin, le nommé Moukaramou Otekpola a été arrêté. Courant 2007, Chief Okofor et Divine, détenus à la prison civile de Cotonou dans le cadre du braquage du véhicule SAGAM (intervenu le 6 décembre 2006 derrière la présidence de la République) ont été identifiés par certaines personnes victimes du braquage de la Recette-perception de Grand-Popo…

Ils nient les faits

Les accusés passent déposer à la barre. Dans un français approximatif, ils plaident non coupables et quand ils n’en peuvent plus, ils y vont en anglais pour mieux se faire comprendre. Le traducteur joue alors sa partition. Parfois, un des accusés a le sentiment qu’il ne traduit pas bien ses pensées et le reprend. Le premier à déposer, Chief Okofor, raconte que le jour des faits, il était au Nigeria, vaquant à ses affaires. Et s’il a été en prison ensuite, parce que les policiers nigérians l’ont appréhendé et remis à la police béninoise, c’est que son nom a été cité dans le braquage intervenu derrière la présidence de la République courant 2006 ; et sa photo diffusée dans les journaux, alors qu’il n’aurait rien à y voir. Ce n’est qu’à l’occasion de son arrestation, dit-il, qu’il a vu Divine Obi pour la première fois au commissariat. «Mais quel sort le poursuit pour que, dans chaque cas de braquage, son nom surgisse ?», veut comprendre la Cour. Il jure qu’il n’a rien fait, explique qu’il était à sa boutique. Le ministère public s’étonne que l’accusé se souvienne bien de sa journée du 28 août 2006 mais oublie curieusement tout ce qu’il s’est produit le reste de l’année…
Comme lui, Divine vient clamer son innocence. Et si des plaignants disent l’avoir reconnu, il soutient n’avoir pas été sur les lieux du crime. C’est donc à tort, dénonce-t-il, qu’il est jeté en prison. «Mais que faisiez-vous à Grand-Popo ce jour-là ?», lance le président. «Je n’ai jamais été à Grand-Popo». «Et comment se fait-il que deux personnes vous aient reconnu ?», «C’est une personne sur les trois qui a prétendu me reconnaître», rectifie-t-il. «Justement parce vous n’étiez pas postés au même endroit non, votre ami et vous ?», engage Saturnin Avognon, qui enchaîne en lui demandant combien ils étaient à mener l’opération. L’accusé ne varie pas. «Je n’ai jamais été à Grand-Popo», remet-il. La Cour n’est pas satisfaite, cherche à tirer tout cela au clair. Aussi, demande-t-elle à l’accusé si la personne qui a dit le reconnaître, en sa présence, est dans le prétoire. Lui est imperturbable : «Je ne connais personne». Mais si les policiers nigérians n’étaient pas convaincus de son implication dans les faits, pourquoi auraient-ils remis un national de chez eux à une police étrangère? N’était-il pas associé au braquage de la boutique Azar Jean à Cotonou ?, veut encore savoir Christophe Atinmankan du ministère public… Divine assure que le jour des faits de Grand-Popo, il était en voyage sur l’Espagne et n’est rentré au Nigeria qu’en décembre 2006, que son passeport fait foi mais est gardé par la police nigériane. Déclaration contenue dans le procès-verbal d’interrogatoire au fond, fait observer Me Julien Togbadja. Qui précise que l’accusé, au Nigeria, était allé voir au commissariat la femme de son frère aîné, lui-même en fuite, lorsque les policiers ayant su les liens de parenté, l’ont gardé à son tour. Car des amis à ce frère auraient perpétré le coup du 6 décembre à Cotonou et c’est une carte Sim délaissée dans le véhicule utilisé pour l’opération qui aurait permis d’établir la connexion.

L’accusé tombe lourdement, l’audience s’achève prématurément

Version trop belle pour être gobée par l’avocat de l’Agence judiciaire du Trésor, Me Victoire Agbanrin-Elisha. Autant que par la Cour qui lui demande de dire «Bonjour monsieur» en espagnol. Impossible. Surprenant pour quelqu’un qui dit avoir passé trois ans en Espagne à travailler dans un champ. Il lui est alors demandé de dire «Je suis au champ» en espagnol. Pas plus de chance. A chaque fois, le président de la Cour de céans lui donne la réponse. Ses avocats, pour l’aider, lui demandent de dire des mots espagnols qu’il connaît. Toujours rien. Saturnin Avognon lui propose alors de dire simplement «le mot» en espagnol. «Word» répond Divine. «C’est de l’anglais», lui fait observer le président qui vient une nouvelle fois à sa rescousse, déclarant que « le mot» en espagnol c’est «la palabra». Coup de théâtre, l’accusé se laisse lourdement tomber par l’arrière, raide tel un sac. Le sol carrelé révèle des traces de sang. Hypoglycémie ? Cinéma ? Malaise ? Les gendarmes du service d’ordre se penchent sur lui, lui font des signes de mains. Il réagit bien. «Il est lucide, c’est le plus important», lâche l’un d’entre eux. Entre-temps, Saturnin Avognon a prononcé la suspension de l’audience, le temps que l’accusé soit pris en charge… Celui-ci, une dizaine de minutes plus tard, se redresse et s’assied, la nuque légèrement ouverte et ensanglantée. Il secoue la tête, évalue la blessure par un toucher de la main gauche, puis se couche à nouveau. Son compère, Chief Okofor le regarde, lui-même la tête portant des traces de coupures antérieures…Une trentaine de minutes plus tard, les sapeurs-pompiers sont là. Ils l’emmènent sur une civière. Dans le véhicule de secours, il reste bras croisés, les détend pour faire des gestes quand un pompier engage la conversation avec lui, pour s’assurer qu’il est toujours conscient.
Quelques instants plus tard, la Cour fait constater l’incident et l’acheminement de l’accusé sur le CNHU et prononce le renvoi de l’affaire à une session ultérieure de la Cour d’assises.