La Nation Bénin...
Ils viennent de 17 pays d’Afrique francophone pour une
cause unique. D’une voix commune, ils veulent défendre le droit à un avortement
sécurisé. Du 23 au 25 octobre à Cotonou, ces dizaines de jeunes entendent
pousser plus loin la réflexion et élargir l’espace de rencontre et de dialogue
en faveur des droits de santé sexuelle et reproductive, surtout l'avortement
sécurisé.
Le premier dialogue des jeunes pour l’avortement sécurisé
en Afrique francophone (Djasaf) dont les travaux se sont déroulés, du lundi 23
au mercredi 25 octobre à Cotonou, est une opportunité de plaidoyers et un
espace d'interconnexion entre les décideurs et les acteurs de lutte de la
jeunesse en faveur des droits de santé sexuelle et reproductive. Il est initié
par l’Organisation pour le dialogue sur l’avortement sécurisé (Odas) avec le
soutien de nombreux partenaires. La rencontre ambitionne de faire entendre la
voix des jeunes en faveur d’un avortement sécurisé, mais aussi pour la
préservation des milliers de vies qui se perdent du fait des avortements à
risque. Le choix de Cotonou pour abriter l’évènement se justifie par les
avancées notées sur le terrain des droits sexuels, notamment les amendements
juridiques qui donnent aux jeunes filles et aux femmes le droit à leur
autonomie corporelle et le pouvoir de décision en faveur ou non d’une
grossesse, ainsi que la latitude de stopper à leur guise le cours d’une
grossesse.
Nancylie Gbaguidi, membre de l’Alliance des jeunes
champions d’Afrique pour l’avortement sécurisé, apprécie la dépénalisation du
droit à l’avortement comme un signal fort de la lutte menée depuis des lustres.
Mais on ne devrait pas s’en contenter, soutient-elle, invitant ses pairs,
notamment ceux présents à Cotonou, à maintenir actif le plaidoyer avec l’appui
des partenaires pour que l’élan en faveur des droits sexuels et reproductifs ne
s’estompe pas.
Nafissath Alfari, dans la même veine, invitera les jeunes du continent à lutter pour exercer leur droit à un avortement sécurisé. Ce combat, engage-t-elle, ne doit laisser personne en rade. Sa principale cible, les jeunes. A travers un message ferme, elle appelle à l’action et l’engagement pour faire avancer les mécanismes permettant l’exercice et la jouissance des droits sexuels et reproductifs. Mais elle souhaite également que des stratégies innovantes soient trouvées pour lever les obstacles qui empêchent encore en Afrique francophone le droit à un avortement sécurisé. « L’avortement sécurisé n’est pas seulement une question de santé, mais aussi de droits humains, de justice », estime la jeune activiste qui en a marre de la vulnérabilité des jeunes adolescents. C’est un enjeu complexe et controversé qui ploie sous de nombreuses pratiques notamment religieuses, fait-elle aussi observer. Elle estime à 1,8 million par an le nombre d’avortements non sécurisés en Afrique avec, à la clé, 9 500 décès.
Donner aux filles le pouvoir sur leur corps
Un tel tableau, selon Nafissath Alfari, exige qu’on donne
aux filles le pouvoir sur leur corps, sans peur ni honte, ni discrimination,
pour les aider à exercer leurs droits. « Nous avons le pouvoir de créer un
monde meilleur… le corps des femmes est leur droit et elles ont le droit de
décider de porter une grossesse à terme ou non », insiste-t-elle. Le temps de
l’action, c’est maintenant, entonnent en chœur les dizaines de jeunes présents
à Cotonou. Pour eux, « l’avortement est un soin de santé essentiel ».
Au nombre des soutiens à cette cause, les Pays-Bas dont l’ambassadeur au Bénin, Joris Jurriëns, soutiendra non seulement la rencontre, mais aussi la cause des jeunes sur un choix libre sur les décisions qui engagent leurs vies. Pour les jeunes, « rien ne peut plus se décider pour eux sans eux », précise-t-il. Leaders de demain qu’ils sont, il a souhaité qu’ils saisissent cette opportunité pour échanger entre eux afin de créer des réseaux et des lobbys qui portent plus loin et plus haut leurs idéaux.
Encore plus audible sera la voix de Kadidiatou Sow,
directrice de l'Odas. Pour elle, le Djasaf est un rendez-vous avec l’histoire
pour amplifier la voix des défenseurs de la justice reproductive et baliser le
terrain aux futures générations. Elle exhortera donc ses pairs à un engagement
commun pour explorer ensemble des solutions novatrices face au problème. Des
solutions certes, mais il faut avant tout opter pour des pratiques qui
n’amènent pas à l’avortement et n’y recourir qu’en cas extrême, plaide Blaise
Ghézo Mèvo, représentant le ministre de la Santé. Pour lui, il faut y voir,
avant même les aspects judiciaires au cœur de la plupart des batailles, une
question de santé publique. Ce dialogue sera l'occasion d'échanger sur les
droits en santé sexuelle et reproductive, y compris l'avortement sécurisé, et
le rôle des jeunes. Il permettra aussi de discuter, réfléchir et partager des
expériences (positives et négatives) en vue de construire un mouvement jeune et
fort pour la cause en Afrique.