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Entre recettes culinaires et médicinales: Le ‘’yenti’’ de Djougou et ses vertus magiques

Société
Par   zounars, le 07 août 2015 à 01h41

La commune de Djougou, n’est pas moins riche en recettes culinaires et médicinales. L’une d’elles, le ‘’yenti’’ est un oléagineux issu d’une plante cultivée dans le département de l’Atacora. Dans la cité des Kpétoni, hommes et femmes chantent les bienfaits d’un mets dont les vertus ne sont pas encore élucidées par la médecine moderne.

Samedi 1er août, tôt le matin, Atika vendeuse de ‘’yenti’’ est pleine de vigueur. Ce jour dédié à la fête de l’indépendance est un grand jour de mobilisation populaire à Djougou. Un évènement grandiose qui va faire augmenter son chiffre d’affaires, et elle en est consciente. « Seuls ceux qui n’ont pas goûté au ‘’yenti’’ n’en redemandent pas. Il donne la force et la vigueur à l’homme», lance-t-elle, confiante. C’est pourquoi, elle est déjà à la Place de l’indépendance de la ville où grouille du monde, en attendant le défilé. A 18 ans et presque, autant d’années d’expérience dans la vente des grains sauvages grillés communément appelés ‘’yenti’’, elle sait où les écouler.

La préparation du ‘’yenti’’, une affaire de famille

Atika est née et a grandi chez les Babadjimba de Djougou, une collectivité réputée détenir le secret du ‘’yenti’’ dans la cité des Kpétoni. Benjamine d’une famille de quinze demi-frères dont six frères utérins, elle achète par semaine environ 15 000 F CFA de ‘’yenti’’ qu’elle grille et les revend à un peu plus de 25 000 FCFA. «S’il faut ajouter les frais d’achat de sachets, de charbon, de l’huile et de sel, il y a un bénéfice d’à peine
3 000F CFA par semaine», ce qui n’est pas insignifiant pour une jeune fille célibataire comme elle», reconnaît Talahatou Babadjimba, sa sœur aînée. C’est ici dans la cour de la collectivité Babadjimba de Djougou qu’elle a appris à préparer et à commercialiser le «yenti», explique sa soeur. Depuis son retour du Ghana où elle travaillait comme domestique, elle a renoué avec ses vieux amours : la vente du ‘’yenti’’. Elle achète et travaille les grains, du tri jusqu’à la grillade. «Les goûts changent selon les qualités qui varient. Celle qui prépare le ‘’yenti’’ doit non seulement avoir le cœur pur, mais être honnête et fidèle à son mari. Les femmes qui ont leurs menstrues, ne doivent pas en préparer », a expliqué Talahatou Babadjimba. « Le bon goût et les vertus magiques s’évaporent, s’il n’y a pas une observance des interdits liés à la préparation du ‘’yenti’’. Une certaine sérénité doit entourer sa préparation. Aucune autre main, à part celle de la femme qui le prépare, ne doit toucher les grains avant la cuisson », a-t-elle ajouté.
Comme Atika, toutes les femmes de la collectivité Babadjimba savent préparer le ‘’yenti’’. «C’est un signe de distinction pour celles nées ici et un critère de sélection pour les femmes qui viennent ici en mariage», a ironisé Talahatou Babadjimba.
La préparation part du tri au filtrage en passant par l’écorçage. Dans un premier temps, les grains achetés au marché sont triés à la main puis imbibés d’eau quelques minutes, avant d’être tamisés. « L’eau doit être propre sinon les déchets autres que le sable vont rester au fond, plutôt qu’à la surface. Ce qui ne facilite pas le tri », explique Talahatou Babadjimba. Il faut ensuite piler les grains imbibés d’eau et les trier afin de les écorcer. Après l’écorçage, un nouveau tri est nécessaire. Les grains écorcés seront à nouveau versés dans un tamis et nettoyés une dizaine de fois afin de s’assurer qu’aucun grain de sable ne s’y est mélangé.
Les grains sont ensuite grillés à feu doux pendant une demi-heure avant d’être égouttés avec du sel et un peu d’huile. «Il y a une manière délicate de griller les grains sans les carboniser ni les casser. Le ‘’yenti’’ contient déjà de l’huile mais il faut en ajouter un peu afin que les grains ne s’assèchent pas», conseille-t-elle.

Des vertus magiques?

« Autrefois, le ‘’yenti’’ était considéré comme le mets des génies en raison du grand soin et des interdits qui entourent sa préparation ainsi que ses vertus extraordinaires. Il permet de lutter contre la faiblesse sexuelle, la constipation et les maux d’yeux, les maux de hanche», informe Talahatou. «Moi, quand je bois de l’alcool, il me suffit de prendre un peu de ça, et on en saurait jamais rien. Ces grains sont des déodorisants naturels magiques. De même, ils donnent la force et la puissance. Quand j’en prends, je suis capable de faire deux fois plus de tours que d’habitude», renchérit Boubé. Pour le Dr Salifou Sourakatou, médecin-coordonnateur de la zone sanitaire Djougou/ Ouaké/ Copargo, le ‘’yenti’’ fait partie des légumineuses cueillies à partir d'herbes sauvages et dont on peut extraire de l’huile. Mais pour confirmer ses vertus aphrodisiaques, il faut faire des analyses approfondies. En attendant, suggère-t-il, il faut être prudent. Pour lui, le ‘’yenti’’ peut éventuellement corriger la faiblesse sexuelle parce qu’il donne de l’énergie. « En terme de nutrition, il est très riche en lipides. C’est donc un aliment qui donne beaucoup d’énergie. Mais la corrélation entre l’énergie et la puissance sexuelle n’est pas directe. Une fois l’envie déclenchée, l’énergie entre en ligne de compte pour améliorer la performance. Voilà pourquoi certains y voient des vertus magiques. Mais, les expériences racontées dans les rues sont très personnelles et on ne peut les attester pour le moment. Car tout ce qui est aphrodisiaque a des effets qui doivent être neuro-sensuels. Moi j’en ai mangé, j’ai gagné en énergie mais je n’ai rien ressenti d’autre», a déclaré le Dr Salifou Sourakatou.