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Interdiction de vente d’agouti au Bénin: La levée de la mesure très attendue à Allada

Société
Par   Site par défaut, le 01 juil. 2015 à 01h02

Comme mesure préventive contre le virus Ebola, le gouvernement du Bénin à travers les autorités sanitaires a interdit, en 2014, la commercialisation et la consommation des viandes de brousse dont l’agouti, sur toute l’étendue du territoire national. Dans la commune d’Allada réputée comme plaque tournante de la viande d’agouti au Bénin, femmes vendeuses, chasseurs et consommateurs jugent suffisant le temps d’application de cette mesure dont ils souhaitent la levée afin que puissent reprendre leurs activités génératrices de revenus.

La mesure d’interdiction de la viande d’agouti à cause du virus Ebola dure déjà trop longtemps pour les femmes vendeuses et les chasseurs d’Allada. Sans être atteints du virus sur le plan sanitaire, ils en sont les victimes économiques.

En effet, depuis l’interdiction officielle de la consommer ou de la manipuler, plus rien ne va dans le commerce de ladite viande. Yvette Gnansa, vendeuse de viande d’agouti dans cette ville, assure que l’interdiction de la vente et de la consommation crée d’énormes difficultés financières aux femmes qui s’adonnent à cette activité. «Le jour où l’interdiction nous a été signifiée, j’avais de la viande d’agouti pour au moins 30 000 F CFA. Nous sommes restées sans rien vendre. Nous avons perdu beaucoup d’argent», se plaint-elle pour raconter sa misère. Entre autres difficultés, elle rappelle que la plupart des vendeuses n’arrivaient plus à payer leurs dettes auprès des organismes de microfinance ni satisfaire les besoins de leurs foyers comme auparavant. «La plupart ont abandonné cette activité pour autres choses pas aussi rentables», témoigne-t-elle. Selon elle, les recettes journalières atteignaient avant 50 000 F CFA mais depuis l’interdiction, elles ont considérablement chuté au point où c’est difficilement qu’on fait 10 000 F CFA .
«La cargaison que nous livrons en une journée avant, peut faire aujourd’hui trois jours et nous sommes obligées de réchauffer la viande», confie Yvette Gnansa avec beaucoup de peine. Cette situation a contraint beaucoup de femmes à abandonner à cause de la mévente et de la réduction considérable, voire l’inexistence de bénéfice. «On vend à perte. Le morceau qu’on vendait à 500 F CFA est cédé aujourd’hui à 300 F CFA, voire 200 F CFA», dit-elle en tapant ses mains l’une dans l’autre en signe d’impuissance. Ne pouvant supporter la mévente, certaines femmes ont dû changer leur fusil d’épaule. Elles se sont, en attendant, reconverties dans la vente de banane frite, d’escargot, d’igname frite avec beignée de haricot. Malgré la mévente et la réduction de la marge bénéficiaire, d’autres femmes plus persévérantes continuent l’activité.
Parmi ces dernières, figure Josée Hounton. Elle est reconnue et présentée comme la plus grande vendeuse de viande d’agouti à Allada. La responsable du collectif des vendeuses de viande d’agouti dans le milieu étant indisponible, elle se confie en reconnaissant les effets néfastes de l’interdiction de commercialiser et de consommer ladite viande d’agouti ciblé comme porteur potentiel du virus de la fièvre Ebola. Elle reconnaît également la très bonne marche des affaires avant cette mesure. «Avant, je vendais pour 50 000 ou 60 000 F CFA par jour», soutient Josée Hounton. Dans cette galère, elle comme ses pairs se sentent abandonnées et sans personne pour leur porter assistance. La situation, à l’en croire, décourage même les chasseurs qui ne vont plus à la chasse comme avant. Ainsi, la viande devient rare sans pour autant prendre du prix.

La misère des chasseurs

Médélinkpon Adjakpa, chasseur et cultivateur à Allada, témoigne que quand on ne parlait pas de cette maladie, il vendait un agouti soit à
8 000, 10 000 F CFA ou même à 12 000 F CFA. Et si tu tues 4 à 5 animaux, tu vois déjà ce que tu peux gagner. On réalisait beaucoup de choses telles que satisfaire les besoins du foyer, assurer la scolarisation des enfants et même construire des habitations. Pour sa part, Fortuné Codja, président des chasseurs d’agouti d'Agongblamè à Allada, indique qu’une chasse rapportait avec quatre animaux pas moins de 40 000 F CFA.
Mais avec la maladie dite Ebola et l’interdiction de la consommation de la viande de brousse par les autorités, les affaires ont pris un coup d’arrêt ou au mieux, tournent depuis au ralentir. «Les amateurs de la viande d’agouti n'en mangent plus à cause de la fièvre Ebola dont les autorités ont parlé», indique le président des chasseurs d’Agongblamè. L’animal cédé aux femmes vendeuses à
10 000 F CFA est désormais bradé à 4.000 F CFA, voire 3 000 F CFA. «Ce n’est plus rentable», se désole un autre chasseur du nom de Ferdinand Dossou à la suite de son président. Pour lui, les femmes ne trouvant plus de clients comme par le passé, elles ne vendent plus assez. Ainsi, explique Ferdinand Dossou, elles connaissent beaucoup de perte et sont obligées de baisser le prix d’achat au niveau des chasseurs.

Le temps de lever la mesure

Pour les vendeuses comme pour les chasseurs, il est maintenant temps d’autoriser à nouveau la commercialisation des viandes de brousse, notamment celle d’agouti.
Les chasseurs n’admettent pas que dure encore plus longtemps l’interdiction de la consommation de l’agouti. Pour eux, depuis près d’un an, leurs affaires tournent au ralenti et leur vie familiale en a pris un coup. Dès lors, ils demandent aux autorités gouvernementales de revenir sur la décision. «Depuis un an que le gouvernement a annoncé la mesure pour préserver la santé des citoyens, aucun cas n’a été signalé dans le pays», indique Jules Hounkpatin, un des chasseurs du village d’Agongblamè. Quant à Fortuné Codja, président de la corporation dans ce village, il estime que la mesure devrait durer moins de temps, étant donné que des familles entières vivent des produits de chasse et se retrouvent désormais sans ressources. «C’est avec difficultés que j’ai pu inscrire les enfants à l’école cette année», rappelle-t-il avant de lancer qu’il ne souhaite plus vivre les mêmes difficultés pour l’année scolaire à venir. Mieux, indique-t-il, personne ne s’est plaint du mal dont on parle alors même que «nous continuons de consommer la viande d’agouti dans nos maisons si le prix proposé nous convient». Abondant dans le même sens, Désiré Houndéssodji, chasseur à Wadon, localité voisine d’Agongblamè, avance que «la viande d’agouti se consomme depuis le temps de ses grands-parents». Aussi juge-t-il excessive la durée de validité de la mesure prise par le gouvernement. «C’est comme si notre vie est suspendue depuis un an. Le gouvernement ne nous a pas trouvé du travail mais interdit ce que nous faisons depuis des dizaines d’années», se plaint-il avant de s’interroger sur combien de temps encore va durer cette mesure.
Les mêmes inquiétudes sont exprimées par les vendeuses. Les problèmes économiques sont les mêmes pour elles que pour leurs fournisseurs que représentent les chasseurs. Josée Hounton, la vendeuse vedette, appelle aussi le gouvernement à se souvenir du secteur agouti. «On dirait que les autorités nous ont oubliées», dit-elle d'un air découragé.
Pour sa part, dame Rosaline Zinsou, amatrice de la viande d'agouti, ne dira pas le contraire. Tout en reconnaissant la pertinence de l’interdiction, elle confie qu’elle l’a respectée pendant quelques temps. Mais, après avoir observé que le mal n’est toujours pas signalé au Bénin, elle en consomme de temps à autre. «Pourtant, je suis encore en vie et je n’ai rien», soutient-elle en invitant aussi les autorités à évaluer la situation afin de faire quelque chose.

Changement de vie professionnelle

La situation n’est pas sans conséquences sur la vie des chasseurs. La fièvre Ebola les a contraints à une réorientation professionnelle ou à se trouver une deuxième occupation pour la plupart. Ferdinand Dossou, chasseur depuis 36 ans, s’est orienté vers le tâcheronnat champêtre. «J’ai dû laisser d’abord la chasse pour faire le job de «kantin» (Travaux champêtres rémunérés)», confie-t-il précisant que cela lui permet de satisfaire un tant soit peu les besoins du foyer et d’éviter des situations de crise avec sa femme et ses enfants. Il regrette que son épouse n’ait eu aucune activité génératrice de revenus auparavant. Pour lui, si elle menait une activité, il sentirait moins les difficultés liées à l’interdiction de vente de la viande d’agouti.
En dehors du changement passager de corps de métier, d’autres ont plutôt opté pour une seconde activité et continuent la chasse qui n’est plus rentable. C’est le cas de Médélinkpon Adjakpa, désormais chasseur et cultivateur. Il n’entend pour rien au monde abandonner la chasse. Ainsi, le bas prix des produits ramenés de la brousse n’a pu le décourager. Toutefois, même si le prix proposé par les femmes ne lui convient pas, il préfère utiliser la viande pour sa consommation dans son foyer. D’autres par contre ne refusent aucun prix de la part des clientes. Leur souci, confie Séraphin Dandjèkpo, chasseur résidant dans l’arrondissement d’Agbanou, c’est de pouvoir trouver de l’argent pour faire face aux besoins du foyer.