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Poursuivi pour meurtre (27e dossier):La cour condamne Achille Mèhoba à 8 ans de travaux forcés

Société
Par   Didier Pascal DOGUE, le 13 avr. 2015 à 06h00

Se penchant sur le 27e dossier inscrit à son rôle, la Cour d’assises de la Cour d’appel de Cotonou, a écouté, jeudi 9 avril dernier, Achille Mèhoba qui a poignardé son ami Prosper Koutodjo sur les mobiles de son geste criminel. La cour était présidée par Saturnin Avognon entouré de Malick Kossou et d’Euloge Akpo. Le ministère public était représenté par Badirou Lawani. Alain Kakpo avait tenu la plume de l’audience. Pour les jurés, Bernardin Narcisse Marcos, Jean Baptiste Danmado, Osséni Abiossè, Bouraïma Kotchégbé et Landry Akuesson ont siégé. Il y avait du côté de la défense Salomon K. Abou et Max d’Almeida.

«Ce jour-là, j’avais bu un peu d’alcool ; il m’a frappé plusieurs fois; j’ai pris un couteau mais je ne savais pas que cela allait le toucher à une partie vitale/mortelle». Voilà la réponse d’où sont parties toutes les autres questions et explications d’Achille Mèhoba sur les faits de meurtre dont il répondait devant la cour présidée par Saturnin Avognon.
La dispute entre lui et son ami Prosper Koutodjo s’est déroulée en deux phases, explique-t-il. La première à l’endroit où il lui a réclamé l’outil et où, ils prenaient la boisson et la deuxième non loin de là, explique Achille Mèhoba.
Cité pour éclairer la cour, le témoin Séraphin Sohoudji, technicien en électronique, un voisin du lieu où le drame est survenu, a déclaré être intervenu pour séparer deux personnes qui se bagarraient, faisant beaucoup de bruit. Il a confié qu’il ne les connaissait pas vraiment, mais que son attention avait été attirée par les bruits qui troublaient la quiétude des habitants du quartier. C’est lui qui portant assistance à la victime en sang, l’a transportée au CNHU avant que les médecins ne le déclarent déjà morte après le constat.
L’autre témoin, Mathias Koutodjo, grand frère de la victime a confié n’avoir pas assisté au drame, mais avoir été alerté suite au décès de son frère qui avait auparavant été poignardé.
Bernadette Agossou est la femme de la victime. Elle lui a fait un enfant, mais n’a pas non plus pu éclairer davantage la cour sur les circonstances du drame. C’est le résumé lu par le président Saturnin Avognon qui renseignera un peu plus sur les circonstances de survenance du crime.

Les faits

En effet, le nommé Achille Mèhoba est maçon de profession. Il a prêté, il y a environ quelques années, des instruments de travail à Prosper Koutodjo, un de ses collègues maçons qui les a gardés par devers lui. L’ayant perdu de vue pendant plusieurs années, il l’a rencontré fortuitement au quartier Sainte Cécile, le dimanche 4 février 2007. Achille Mèhoba lui a réclamé ses outils de travail, mais cela a entraîné une bagarre entre eux. Prosper Koutodjo aurait porté des coups de bâton à son ami Achille Mèhoba qui en retour, s’est saisi d’un couteau pour le poignarder au flanc gauche. Prosper est décédé sur le champ.
Achille Mèhoba, inculpé de meurtre, a reconnu les faits aussi bien à l’enquête préliminaire que devant le magistrat instructeur. L’enquête de moralité lui est favorable.
Le bulletin n°1 de son casier judiciaire ne porte mention d’aucune condamnation.

Aucun trouble mental

Le rapport d’expertise médico-psychologique et psychiatrique concernant Achille Mèhoba fait état de ce qu’au moment des faits, aucun trouble mental sans discernement des actes objectivables pouvant abolir le contrôle de ses actes, n’a été repéré. C’est donc la lecture de certaines pièces qui a permis d’en savoir davantage sur les circonstances du drame et d’ouvrir la voie pour le réquisitoire du ministère public.
Dans ses réquisitions, Badirou Lawani a souligné que juger un accusé est un attribut divin concédé aux humains. Rappelant les faits, il a déclaré qu’Achille Mèhoba et Prosper Koutodjo sont des amis, tous deux maçons à Cotonou. Le premier a prêté ses outils de travail au second qui ne les lui a pas retournés à temps. Leurs échanges, quand ils se sont revus, après un long moment ont dégénéré en une vive altercation, poursuit-il, qui a tourné au drame. Ainsi, pour lui, Achille Mèhoba a fait usage d’un couteau qui a occasionné une plaie hémorragique à la côte gauche qui a été fatal pour la victime. Des faits, selon lui, qui tombent sous le coup des articles 295 et 304 du Code pénal (élément légal). Ces faits sont-ils constitutifs de meurtre ?, s’interroge-t-il. Pour lui, l’homicide commis volontairement est qualifié de meurtre. C’est ce qu’on reproche à l’accusé, selon Badirou Lawani.

Quid de l’élément matériel ?

L’accusé a posé un acte bien déterminé, le geste criminel accompli sur la personne de Prosper Koutodjo. La commission d’un acte violent de nature à donner la mort ; l’acte d’homicide doit être matériel, a-t-il expliqué. Seuls des actes de violence physique sont à noter pour retenir l’existence de l’élément matériel ; il doit avoir ensuite le lien de causalité entre l’acte posé et la mort survenue. En l’espèce, relève Badirou Lawani, Achille Mèhoba s’est servi d’un couteau pour poignarder son ami. Le couteau n’a pas été retrouvé mais l’accusé a reconnu s’en être servi pour commettre l’homicide sur son ami.
Ses déclarations, poursuit le ministère public, ont été corroborées par Séraphin Sohoudji, l’un des témoins : le coup de poignard et le décès qui s’en est suivi. Prosper Koutodjo est décédé des suites des coups de poignard et l’accusé a parcouru plus de 200 m pour aller chercher le couteau.
L’élément intentionnel du meurtre suppose l’intention criminelle, expose Badirou Lawani. Et de poursuivre que l'accusé doit avoir eu la volonté de provoquer la mort de la victime. Ils ont été séparés, mais le fait d’avoir voulu aller chercher le couteau, suppose qu’il a fait l’option de la violence ; il avait bien conscience de son acte et l’a posé en toute connaissance de cause, retient-il. Le ministère public a confié que le couteau est un instrument dont on se sert pour couper ou perforer. Pour Badirou Lawani, il faut considérer aussi la partie qui a été choisie pour porter le coup. Il ne voulait nullement le blesser, mais il voulait le tuer, déduit-il. «Ils seront tentés d’invoquer à tort la légitime défense ou l’excuse de provocation, erreur ; c’est plutôt un acte bien réfléchi et bien mûri», relève-t-il.
Les enseignements recueillis sur l’accusé lui sont favorables et il n’était pas en état de démence au moment des faits, fait-il remarquer. Il est pénalement responsable et accessible à la sanction pénale, indique le ministère public.
La punition à lui infliger, selon Badirou Lawani, ne ramènera certes la victime à la vie. Le meurtre emportera la peine de mort aux termes de l’article 304 mais comme le Bénin a ratifié la Convention relative à l’abolition de ladite peine, il faut envisager une sanction plus douce.
Toutefois, retient Badirou Lawani, il peut bénéficier de circonstances atténuantes. «Je requiers de le reconnaître coupable de l’homicide volontaire commis sur la personne de Prosper Koutodjo et donc coupable de meurtre et le condamner à 15 ans de travaux forcés», clame-t-il. La défense ne l’entend pas de cette oreille.

Sublime humiliation

C’est Me Salomon K. Abou, qui a d’abord planché pour défendre Achille Mèhoba. « Il y a eu mort d’homme, je m’incline devant sa mémoire», expose-t-il avant de procéder à un bref rappel des faits. Selon sa relation, son client a prêté ses instruments de travail, se privant de l’opportunité de les utiliser pour gagner sa vie ; il est poursuivi pour meurtre. «Quand nous écoutons le ministère public, dès qu’il y a des coups portés et qu’il y a eu mort d’homme, c’est un meurtre ; mon client a porté des coups et la mort s’en est suivie», déclare Me Salomon K. Abou. Mais il précise que c’est un alcoolique. «Il a avoué qu’il avait déjà bu ; son raisonnement était altéré par l’effet de l’alcool», expose la défense avant de poursuivre que c’est une humiliation que de recevoir de l’alcool au visage devant une nouvelle conquête (une femme à côté). Il a porté des coups qui ont entraîné la mort sans intention de la donner, retient la défense.
Selon Me Salomon K. Abou, son client faisant le bon Samaritain est devant la cour aujourd’hui. Il n’a pas voulu donner la mort en portant les coups ; il a déjà passé 8 ans quelques mois, condamnez-le au temps déjà passé en détention préventive pour lui permettre de voir enfin le soleil.
Des observations ponctuées par Me Max d’Almeida, qui sont venues appuyer celles faites plus tôt par son confrère. Pour lui, il s’agit d’un malheureux accident pour lequel son client doit être condamné. Mais il relève que la victime aurait pu être Achille Mèhoba. Il a reçu une sublime humiliation devant sa femme (allusion à la boisson versée à la figure de l’accusé), relève la défense qui réitère que l’accusé n’avait aucune intention de donner la mort. «Je ne plaide ni la légitime défense encore moins l’excuse de provocation», a déclaré la défense qui reconnait qu’il y a eu de l’ingratitude de la part de son ami. C’est un garçon honnête, travailleur, souligne Me Max d’Almeida qui a demandé, pardon, clémence pour ce geste malheureux. «Que tous ceux qui sont ici apprennent à se maîtriser», enseigne-t-il à l’assistance.
La cour, après délibérations, l’a déclaré coupable d’avoir commis un homicide volontaire sur la personne de Prosper Koutodjo à l’aide d’une arme blanche. Une infraction prévue et punie par les articles 295 et 304 du Code pénal. Elle l’a donc condamné à la peine de 8 ans de travaux forcés et aux dépens et ordonne par la même occasion, la destruction des objets mis sous scellés.
Archille Méhoba rentre chez lui puisqu’il a déjà passé plus de huit ans en détention préventive.
Statuant sur les intérêts civils, la cour demande à Mathias Koutodjo, frère de la victime d’exprimer ses prétentions.
Pour le ministère public, il se pose un problème de représentation de la succession de Prosper Koutodjo.
La défense estime que le frère de la victime n’a pas juridiquement qualité pour venir représenter la succession.
Les parties civiles aviseront, selon le président, sur la base de l’arrêt de condamnation. Il y a des formalités à accomplir pour ensuite saisir la Cour d’assises pour éventuellement faire des demandes au nom du de cujus