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Poursuivi pour vol qualifié et tentative d’assassinat (23e dossier): Marcellin Agossou absent, condamné à la prison à perpétuité

Société
Par   Didier Pascal DOGUE, le 24 août 2015 à 06h59

Vol qualifié et tentative d’assassinat. Ce sont les deux chefs d’accusation en raison desquels était poursuivi, vendredi 21 août dernier, Marcellin Agossou. La composition de la Cour d’assises qui en a connu était présidée par Nicolas Biao. Il avait comme assesseurs, Michel Romaric Azalou et William Kodjoh Kpakpassou. Le représentant de la société avait nom Christian Atayi. Me Théogène Zounchékona a tenu le plumitif. En raison de l’absence de l’accusé, les jurés n’ont pas siégé et la défense n’avait pas non plus eu droit à la parole.

Les faits de la cause du 23e dossier de la deuxième session de la Cour d'assises de Cotonou remontent à l’année 2003. Nicolas Biao, le président de la Cour en a relaté les points saillants. Ainsi, le nommé Marcellin Agossou, conducteur de taxi-moto communément appelé zémidjan, a, à ce titre, reçu de dame Dassi, une moto de marque Suzuki 120 CC pour les besoins de son activité de transport. Mais quelque temps après, Marcellin Agossou vend ladite moto et déclara à dame Dassi, qu’elle lui aurait été volée. C’est alors que Marcellin Agossou prit la résolution de se trouver une autre moto de même marque. Ainsi, dans la nuit du 26 octobre 2003, aux environs de 20h 30, Marcellin Agossou sollicita les services de Godonou Sokènou, conducteur de taxi-moto comme lui à Aglogbé dans la commune d’Adjarra pour une course moyennant la somme de 1200 francs CFA. Après avoir fait balader Godonou Sokènou dans la ville, celui-ci lui fit comprendre qu’il était fatigué et décida de le retourner à Koutongbé où il l’avait pris. Mais chemin faisant, Marcellin Agossou demanda au conducteur de s’arrêter. Celui-ci avait à peine commencé la manœuvre que Marcellin Agossou lui assena deux coups de gourdin sur la tête. Godonou Sokènou tomba évanoui. Marcellin Agossou s’empara de la moto qu’il alla remettre à dame Dassi en remplacement de la sienne. Mais une vérification sommaire permit à celle-ci de se rendre compte que la moto n’était pas celle qu’elle lui avait remise. Marcellin Agossou fut conduit à la brigade où il dut reconnaître les faits qui lui sont reprochés. Il fut placé sous mandat de dépôt le 3 novembre 2003 avant de bénéficier d’une mise en liberté provisoire le 27 avril 2006. Le bulletin N°1 de son casier judiciaire ne porte mention d’aucune condamnation antérieure. L’enquête de moralité lui est défavorable. L’expertise médico-psychologique et psychiatrique quoiqu’ordonnée n’a pu être réalisée.

Seule la victime a répondu

L’accusé absent, c’est la victime Godonou Sokènou qui a répondu aux questions de la Cour, afin de lui permettre de se faire une idée de ce qui s’était réellement passé ce jour. Il a déclaré ne pas connaître l’accusé qui lui a demandé de l’aider à faire des courses. «Nous avons parcouru trois différents endroits. Au quatrième endroit, il a commencé à se faire tard. J’ai demandé à rentrer chez moi. Il s’y est opposé et à un moment donné, profitant de l’obscurité et de l’éloignement des habitations, dans une zone déserte, il m’a asséné des coups de gourdin sur la tête et à la mâchoire. J’en garde encore les séquelles jusqu'à ce jour», a-t-il confié avant de poursuivre qu’il a dû vendre certains effets pour se soigner. Et de préciser : «C’est vers 19h que je l’ai pris pour faire des courses. J’ai perdu plusieurs dents à la suite des coups qu’il m’a portés et je compte me constituer partie civile».

Réparer les préjudices

Pour la suite de l’instruction à la barre, le président de la Cour a fait lire certaines déclarations de l’accusé à l’enquête préliminaire et devant le juge d’instruction. Marcellin Agossou a déclaré que courant septembre 2002, il est rentré de Côte-d’Ivoire suite à la guerre civile qui y battait son plein. «N’ayant aucune activité, je conduisais la moto qu’une dame m’a confiée ; j’ai fait un accident où il y a eu des dégâts que je devais assumer ; j’ai dû vendre la moto du propriétaire pour réparer les préjudices faits ; la propriétaire a déclaré qu’elle ne veut rien entendre. C’est parce que je n’avais pas la paix avec elle, que j’ai imaginé ce scénario ; je reconnais ma faute et j’implore la clémence des autorités et il me fallait une moto similaire pour satisfaire la dame; une Suzuki 120», peut-on retenir en substance de ce récit destiné à rafraichir la mémoire à la Cour.
Ainsi, Christian Atayi, le représentant du ministère public pouvait prendre ses réquisitions. Pour lui, les infractions d’atteinte aux biens deviennent fréquentes chez nous. Elles influencent l’existence et la vie même pour ainsi dire de la société, poursuit-il. La propriété et les droits qui en découlent devant être protégés sont menacés par des individus en déphasage avec la société, déplore-t-il. «C’est l’un d’eux que vous avez à juger ; il n’a pas comparu à votre barre. Les recherches sont restées infructueuses, toutes les diligences ont été faites pour faire comparaître l’accusé en vain ; il a reçu la signification mais n’a pas cru devoir comparaître», déplore-t-il.
Poursuivant le rappel des faits, Christian Atayi a montré comment Godonou Sokènou a subi des blessures du fait de l’accusé.
«Les vérifications opérées par les gendarmes ont permis de se rendre compte que c’était une autre moto ; pressé de questions il a dû avouer», a relevé le représentant du ministère public pour retenir le vol qualifié à l’endroit de Marcellin Agossou. Le vol, rappelle Christian Atayi, est prévu par l’article 379 du Code pénal (élément légal) et met en cause, toute personne qui a soustrait frauduleusement quelque chose appartenant à autrui ; pour soustraire, il faut prendre, enlever ou ravir ; indique-t-il. Cet objet est une chose susceptible d’être volée. De plus, il y a l’élément moral, l’intention de soustraire et le lien de causalité
S’agissant de l’assassinat, il a expliqué que l’accusé s’est muni de gourdin pour bien accomplir sa besogne, le vol de la moto. Il n’avait nullement l’intention d’attenter à la vie de Godonou Sokènou. C’est ce qui justifie, selon lui, qu’on ne saurait retenir la tentative d’assassinat à l’égard de l’accusé.
De ce qui précède, Christian Atayi a soutenu que le crime de vol avec violence est puni des travaux forcés à perpétuitécomme le stipulent les articles 379 à 382 du Code pénal. Il a alors conclu que c’est cette peine qu’il requiert à l’encontre de Marcellin Agossou qui n’a pas pu être repris.
En de pareilles circonstances, la défense n’avait rien à faire observer.
La Cour s’est retirée et motivant sa décision a retenu que personne n’ayant présenté des excuses pour Marcellin Agossou, il fallait rendre son arrêt.

625 000 F CFA à titre de dommages intérêts

Dans ledit arrêt de défaut, il a déclaré l’accusé né en 1968, le nommé Marcellin Agossou coupable de vol qualifié au préjudice de Godonou Sokènou et de tentative d’assassinat, donné défaut contre lui et l’a condamné par défaut à la peine de travaux forcés à perpétuité.
Sur les intérêts civils, la partie civile, Godonou Sokènou, a déclaré avoir perdu deux dents et en tenant compte de ce qu’il a dépensé, le tout s’élèverait environ à 625 000 F CFA ; il a déclaré avoir vendu une parcelle dont le produit a servi à couvrir les soins dont il avait besoin pour recouvrer sa santé.
Pour le ministère public prié de faire ses observations sur les réclamations de la partie civile, il a indiqué que toute partie qui estime avoir subi des préjudices est en droit d’en réclamer réparation ; Godonou Sokènou n’a pas pu rapporter la preuve des dépenses qu’il a engagées pour se soigner. Toutefois, il est certain qu’il a eu à faire des frais dans le cadre des soins qui lui ont été administrés. Il a prié la Cour d’en prendre compte pour lui allouer en conséquence ce qui pourrait tenir lieu de réparation.
Dans son arrêt civil, sur la base de l’exposé fait par Godonou Sokènou, la cour a retenu que la victime a subi un préjudice certain, direct et actuelet apprécié sa demande juste en son quantum. Par conséquent, elle a jugé qu’en la forme, elle reçoit Godonou Sokènou en sa constitution de partie civile, qu’au fond elle condamne Marcellin Agossou à lui payer la somme de 625 000 F CFA à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudices confondus.