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Récurrence des grossesses en milieu scolaire : CeRADIS-ONG sonne la mobilisation contre le fléau

Société
Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 11 mai 2015 à 06h48

Le Centre de réflexion et d’action pour le développement intégré et la solidarité (CeRADIS-ONG) a organisé, vendredi 8 mai dernier à Parakou, une soirée de mobilisation sociale et politique autour de la problématique des grossesses non désirées en milieu scolaire. Cette séance tenue quelques jours après celle de Cotonou, vise à mobiliser les décideurs politiques et les acteurs du monde éducatif pour l’éradication de ce phénomène récurrent aux conséquences désastreuses sur la jeunesse.

Près de 4600 cas de grossesses enregistrés en milieu scolaire et universitaire au Bénin dont environ 2000 dans les collèges publics au cours de l’année scolaire 2012-2013, selon la direction de la Promotion de la Scolarisation du ministère en charge de l’Enseignement secondaire. C’est pour trouver les voies et moyens en vue d’inverser la tendance de la croissance rapide et élevée du taux des grossesses en milieu éducatif que CeRADIS-ONG, avec l’appui financier de l’ambassade des Pays-Bas près le Bénin, a initié une série de soirées de mobilisation sociale et politique autour de cette question qui interpelle plus d’un. Après Cotonou en début de semaine dernière, le Centre Guy Riobé de Parakou a abrité vendredi dernier cette séance qui vise, à en croire Nourou Adjibadé, directeur exécutif de CeRADIS-ONG, à non seulement tirer la sonnette d’alarme mais aussi et surtout susciter un sursaut national et une prise de position des décideurs politiques et des acteurs du monde scolaire face au fléau. Autorités politico-administratives, responsables d’écoles, parents d’élèves, élèves, représentants d’organisations intervenant sur les questions de population et autres leaders d’opinion ont pris part à cette rencontre qui a permis de faire l’état des lieux, d’échanger sur les causes du phénomène et d’envisager des solutions efficaces et durables pour son éradication.
Si le phénomène des grossesses non désirées en milieu scolaire est particulièrement alarmant dans le département de l’Atacora (1194 filles enceintes en 2011-2012 dont 283 écolières), notamment dans les communes de Natitingou, Boukombé, Copargo et Pehunco, il n’épargne aucun département du Bénin, fait observer Nourou Adjibadé. En moyenne, 549 élèves et écolières tombent enceintes chaque année dans l’Atacora-Donga ; 559 grossesses sont enregistrées en 2012-2013 dans le Zou-Collines, illustre-t-il. «Un tableau totalement sombre», conclut le représentant de l’UNFPA, Dr Ali Marouf, en citant entre autres, les communes de Sinendé, Nikki, Tchaourou, N’dali, Gogounou où le phénomène est beaucoup plus alarmant dans les départements du Borgou-Alibori. Il a salué l’initiative de la séance de réflexion qui vient à point nommé, selon lui, pour fédérer les énergies des autorités morales, politiques, administratives qui pourront mettre un accent sur les différents types de sensibilisation en direction des communautés.

Facteurs d’un mal aux conséquences désastreuses
Entre autres facteurs poussant les adolescentes encore sur les bancs à contracter des grossesses, Dr Marouf Ali pointe du doigt la démission coupable, le relâchement total de l’autorité parentale et l’incapacité des parents à subvenir aux besoins de leurs enfants, surtout les filles, l’imposition du mariage précoce par certains parents à leurs filles. L’éducation différenciée fondée sur le sexe dans les ménages, la pauvreté et la polygamie qui augmentent les charges familiales, sont aussi évoquées par les participants à la soirée. A cela, s’ajoutent l’ignorance des textes en vigueur, le manque d’information, l’impunité des auteurs des grossesses, le harcèlement sexuel par des enseignants indélicats et autres prédateurs financièrement influents, le manque de communication entre les parents et les enfants : le sujet du sexe étant encore un tabou dans la plupart des ménages.
Les élèves, eux aussi, ont leur part de responsabilité dans l’aggravation du phénomène. Les témoignages recueillis indiquent comme déviances les tresses extravagantes, les tenues moulantes, indécentes et provocatrices, l’ignorance des principes de la santé de reproduction, notamment les bonnes méthodes de contraception, le gain facile : les notes sexuellement transmissibles. Le libertinage des filles favorisé par les feuilletons, les mass-médias et les réseaux sociaux, constitue une cause majeure du fléau de grossesse en milieu scolaire qui impacte la vie des victimes.
Ce fléau qui accentue la déperdition en milieu scolaire et compromet l’épanouissement des filles et de leurs progénitures, est une violation des droits des filles et doit être considéré comme un facteur majeur d’enchaînement du cycle de pauvreté, estime Nourou Adjibadé.
Comme mesures idoines pour inverser la tendance, les participants à la soirée du vendredi dernier à Parakou insistent sur la nécessité de vulgariser les textes et surtout de les appliquer en poursuivant les auteurs des grossesses, d’enseigner l’éducation sexuelle à l’école, de promouvoir l’utilisation des méthodes contraceptives, de sensibiliser les communautés et de responsabiliser les parents. Car, «L’école est un lieu de formation et d’apprentissage et non un lieu indiqué pour la procréation », souligne le directeur de CERADIS-ONG. «Quand on est à l’école, on est enfant. Or, un enfant ne fait pas d’enfant. Par conséquent, aucune écolière ou élève ne doit être enceinte», insiste Nourou Adjibadé.